Après son apogée des années 1940 et 1950, le Montréal festif a progressivement décliné, pour diverses raisons. L’esprit du divertissement est cependant toujours fortement ancré dans la ville.
Cabaret, 1966
Il y a bien sûr un côté un peu plus sombre à ce Montréal de paillettes, de jeu et de cocktails. Les activités illégales foisonnent et en mènent plusieurs à leur perte. Le crime organisé fait la loi dans certains secteurs économiques de la métropole, et corrompt des policiers et des politiciens. Mais, en y repensant, on ne peut retenir l’impression d’avoir manqué un moment enivrant et palpitant de l’histoire de la ville. Peut-être est-ce dû à cette fierté que Montréal fut, à une certaine époque, une sorte de Las Vegas de l’est de l’Amérique du Nord? Ou est-ce plutôt à cause de la nostalgie et du romantisme qui font voir la Sainte-Catherine aux néons multicolores comme une véritable oasis de plaisirs?
Qui ne rêverait pas, ne serait-ce que secrètement, de sauter dans une rutilante Cadillac, d’être tiré à quatre épingles, une étole de fourrure pour madame et un fedora (chapeau à large bord en feutre) pour monsieur, de s’élancer vers le centre-ville pour aller prendre un verre dans un club, et ensuite déguster un fabuleux repas au très élégant Ruby Foo’s, avant de se rendre au cabaret Chez Paree pour entendre chanter Frank Sinatra? Qui ne souhaiterait pas aller ensuite danser Au Faisan Doré sur les notes des Nuits de Montréal, de prendre une bouchée au Chic-n-Coop et de terminer la soirée au Rockhead’s Paradise?
Montréal se transforme
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Du côté de la police, malgré l’élection de Jean Drapeau en 1954, les véritables réformes attendront les années 1960. Car, en 1956, le chef Albert Langlois gagne son appel du jugement Caron et reprend son poste jusqu’à sa retraite, en 1961. Jean Drapeau perd le pouvoir en 1957, notamment à cause du premier ministre Duplessis, qui le perçoit comme un interlocuteur trop coriace, voire un potentiel rival. C’est avec son retour au pouvoir en 1960 que les choses commencent à bouger. Drapeau fait alors nommer à la tête de la police municipale le réformateur Adrien Robert (de 1961 à 1965), qui s’était fait connaître dans les années 1940 en nettoyant Hull et sa police, alors affectés par des problèmes semblables à ceux de Montréal. Le maire mandate aussi deux experts étrangers, le Britannique Andrew Way, commander de la police métropolitaine de Londres, et le Français André Gaubiac, ancien directeur de la police de Paris, afin de guider la réorganisation du Service de police (en 1961).
D’autres formes de divertissement
Les campagnes de moralité du maire Drapeau contribuent au déclin du divertissement au centre-ville, mais elles sont probablement moins déterminantes que la télévision et l’automobile, voire le tourne-disque, qui déplacent les loisirs de la classe moyenne vers les bungalows de la banlieue. À Montréal, comme dans d’autres villes d’Amérique du Nord, le déclin de la grande époque des cabarets s’amorce. Quelles salles de spectacle peuvent rêver de concurrencer les émissions de télévision qu’elles ont, ironiquement, elles-mêmes inspirées? Des programmes comme le Café des artistes ou Music-Hall attirent maintenant les artistes locaux avec de généreux cachets. Sans oublier la brochette de vedettes nord-américaines qui défilent maintenant gratuitement, tous les dimanches soir, à l’écran du Ed Sullivan Show? Beaucoup de cabarets du centre-ville finiront par se recycler en bars de danseuses nues, et le bas de la Main redeviendra un espace des moins fréquentables.
Évolution des mentalités
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Le désir d’épurer moralement la ville se maintient pendant un temps sous le règne du maire Jean Drapeau. La répression sera particulièrement vive à l’endroit des établissements de la communauté LGBT, notamment à la veille des grands événements internationaux comme Expo 67 et les Jeux olympiques de 1976. Une grande descente au bar Truxx, en octobre 1977, déclenchera une mobilisation sans précédent de la communauté et l’adoption de la première loi interdisant la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle.
L’évolution des mentalités contribue aussi au recul du moralisme. Dans l’affaire des Ballets africains (en 1967), l’escouade de la moralité de la police de Montréal se couvre de ridicule en poursuivant la troupe nationale de danse de la Guinée pour la nudité partielle de certaines de ses danseuses mineures. La révolution sexuelle et l’essor du féminisme dans les années 1960 et 1970 auront graduellement raison de la volonté officielle de régenter les mœurs. En ce qui a trait aux jeux de hasard et d’argent, curieusement, le maire Drapeau fera plutôt figure de pionnier en instaurant sa fameuse « taxe volontaire », une loterie sans le nom qui ouvrira la voie aux modifications du Code criminel qui permettront la création de Loto-Québec en 1970.
Un héritage historique
Rue Sainte-Catherine, 1964.
Ce texte de Catherine Charlebois et de Mathieu Lapointe est tiré du livre Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, sous la direction de Catherine Charlebois et Mathieu Lapointe, Montréal, Cardinal, 2016, p. 263-267.
BOURASSA, André-Gilles, et Jean‑Marc LARRUE. Les nuits de la « Main » : cent ans de spectacles sur le boulevard Saint‑Laurent (1891-1991), Montréal, VLB éditeur, 1993, 361 p.
CHARLEBOIS, Catherine, et Mathieu LAPOINTE (dir.). Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, Montréal, Cardinal, 2016, 272 p.
MARRELLI, Nancy. Stepping Out: The Golden Age of Montreal Night Clubs, Montréal, Véhicule Press, 2004, 141 p.