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Tradition musicale montréalaise et Concerts Campbell

14 août 2020

Depuis 1924, l’œuvre de la fondation Campbell est un bel exemple de la démocratisation de la musique à Montréal, et de l’influence de la tradition protestante sur ce mouvement.

Concert Campbell 2014

Un orchestre joue à l’extérieur, devant un édifice de pierre, et une foule assise écoute.
Photo de Shanti Loiselle. Ville de Montréal.
Contrairement aux catholiques, qui réservaient l’interprétation de la musique à une élite de musiciens professionnels, les protestants ont de tout temps accordé une place centrale à cette forme d’expression artistique. Très vite « démocratisée » et ouverte à tous, car on chantait en famille et à l’église dans la communauté protestante, la musique est un élément fondamental du quotidien des anglophones de Montréal.

À la fin du XIXe siècle, les associations féminines anglophones sont impliquées dans le milieu culturel et musical montréalais. Le Ladies’ Morning Musical Club, le plus ancien organisme musical canadien, est intervenu pour exiger que des concerts de musique classique aient lieu dans les théâtres le dimanche, jour de congé, afin que le plus grand nombre en profite. En outre, depuis 1880, la haute société de Montréal connait les concerts de musique militaire au square Dominion et au square Viger.

Or, vers 1907, on commence à aborder la question des concerts populaires. Le 16 mai 1907, la Commission des parcs et traverses demande au conseil de Ville de consacrer 2000 dollars à des concerts populaires dans les parcs et les squares. Le National Council of Women, association bourgeoise anglophone d’importance, demande formellement les concerts populaires le 18 mars 1909. Si bien que le 9 juillet les concerts sont autorisés. Cet effort est maintenu dans les années qui suivent jusqu’à ce que la Succession Campbell prenne en charge l’organisation de ces concerts en 1924. Souhaitant offrir de la musique populaire aux citadins des zones très peuplées de la ville, Charles Campbell lègue une fortune permettant la constitution d’une fondation qui gèrera des concerts publics à Montréal. Ce vœu s’inscrit tout à fait dans ce courant de démocratisation de la musique hérité de la tradition protestante.

Les fanfares régimentaires à l’honneur

Concert Campbell 1965

Photo noir et blanc d’un ensemble d’harmonie jouant dans un square le soir.
Archives de la Ville de Montréal. VM94-S41-003.
À leurs débuts en 1924, les Concerts Campbell étaient offerts par des fanfares régimentaires. En cette période de l’entre-deux-guerres, tous les régiments d’importance de la ville de Montréal comptaient dans leurs rangs un groupe de musiciens expérimentés. L’organisation de ces concerts eut d’abord pour effet de redonner vie à ces fanfares militaires forcées de réduire leurs activités à cause des contrecoups de la Grande Guerre. Parmi les groupes et fanfares militaires qui faisaient accourir les Montréalais, on comptait les Fusiliers Mont-Royal, le Black Watch Association Band, le Royal Montreal Regiment, le Régiment de Maisonneuve ou le Victoria Riffles.

Les adultes et adolescents venaient en grand nombre assister à ces spectacles donnés dans les kiosques des parcs publics de Montréal : le square Dominion, le parc Molson, le carré Saint-Louis, le parc La Fontaine, le parc Jarry ou le parc Morgan. Il faut dire qu’à cette époque pas si lointaine, les citoyens des grandes villes ne disposaient que de peu de distractions pour meubler leurs soirées estivales. Au Canada, aucune autre ville que Montréal n’avait la bonne fortune de jouir gratuitement de ces séries de concerts en plein air. Le compositeur montréalais d’origine russe Maurice Zbriger tint d’ailleurs à remercier à sa manière le généreux donateur, tout en assurant la pérennité de la tradition de la musique militaire, en composant une marche qui fut jouée pour la première fois en 1961, la Campbell Memorial March. Lors du 50e anniversaire des Concerts Campbell, Zbriger offrit une autre pièce à l’avocat montréalais, la Campbell 50th Anniversary Ouverture.

Une programmation musicale actualisée

Concert Campbell 2015

Un groupe de musiciens sur une scène extérieure joue devant un public assis sur la pelouse et des chaises.
Photo de Shanti Loiselle. Ville de Montréal
Aujourd’hui, la fiducie laissée à perpétuité par Campbell est toujours gérée, comme à ses débuts, par le Trust Royal, qui dispose des revenus tirés du capital pour organiser, en collaboration avec la Ville de Montréal, des concerts estivaux en plein air. Au fil des ans, la programmation s’est modifiée afin de mieux répondre au goût du public. Ainsi, à partir des années 1970, tout en préservant le volet « fanfares et musique militaire », les organisateurs présentent de la musique classique et à de la musique du monde et font appel à des artistes plus populaires, comme Fernand Gignac, Gil Girard et les Classels, Edith Butler, Nanette Workman, April Wine ou encore le groupe Suroît. Le genre folklorique et la grande musique classique ont également eu leur place. En juillet 1984, à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation des concerts Campbell et du 50e anniversaire de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), 50 000 personnes se réunirent sur le mont Royal, autour du lac aux Castors, pour assister à un concert de l’OSM dirigé par Charles Dutoit.

Depuis les débuts des Concerts Campbell, les Montréalais ont pu assister à plus de 5000 spectacles gratuits, et la tradition se poursuit toujours. Les temps ont changé, il ne reste plus beaucoup de ces gloriettes ou kiosques qui agrémentaient jadis les jardins publics, dans lesquels prenaient place les musiciens qui s’exécutaient au grand plaisir des mélomanes. De même, le style fanfare militaire n’est peut-être plus très au goût du jour, mais cette musique préserve un petit quelque chose nostalgique et charmant. Ayant comme toile de fond les beaux parcs de la ville, les Concerts Campbell continuent d’agrémenter les belles soirées de l’été montréalais, avec des airs du passé ou plus actuels.

Recherche et rédaction : service de la culture, Ville de Montréal.