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Montréal à l’heure de la radio

06 janvier 2020
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Usines de fabrication, commerces spécialisés, ateliers de réparation… les entreprises liées à la radio se multiplient à Montréal dans le deuxième quart du XXe siècle.

Radio - P48,S1,P22904

Une cliente, conseillée par un vendeur, vérifie un poste de radio « Hallicrafters World-Wide » au comptoir du magasin Modern Radio Service Inc. Une carte du monde divisée en 24 fuseaux horaires est placée au-dessus de l’appareil
BAnQ Vieux-Montréal. Fonds Conrad Poirier. P48,S1,P22904.
L’arrivée de la radio à Montréal provoque une véritable frénésie. Au courant des années 1920, la production d’appareils radio ne cesse d’augmenter et les manufactures prospèrent. En 1929, Montréal produit à elle seule environ 100 000 récepteurs par année! Trois grandes usines assurent la fabrication de ces appareils : la Marconi Wireless Telegraph Co., située au 173, rue William; la RCA-Victor, dans la rue Lenoir près de la rue Saint-Antoine; et la Northern Electric, située jusqu’en 1928 au 1600, rue Notre-Dame Ouest, puis dès 1929 dans l’édifice Nordelec, rue Shearer.

Les publicités inondent les journaux et alimentent l’enthousiasme des amateurs. Des magasins spécialisés ouvrent leurs portes, et les grands détaillants de meubles se dotent de rayons radio. Les entreprises envoient des brochures informatives aux adeptes pour les familiariser avec la nouvelle technologie. Déjà en 1922, un commentateur du magazine La Canadienne écrit : la « radio est devenue chose si universelle, je dirais même si commune, qu’il est utile à chaque homme, chaque femme, chaque enfant du nouveau siècle, d’en connaître les principes fondamentaux ». À la fin de la décennie, presque 40 % des ménages de la métropole possèdent un récepteur.

Une compagnie pionnière

Whitman Radio Compangy

Publicité d’un magasin de radio dans un journal.
La Presse. 24 novembre 1922, p. 27. BAnQ.
En 1921, la compagnie de l’inventeur Guglielmo Marconi lance un premier récepteur radio : le modèle C. Les amateurs de technologie les mieux nantis peuvent se procurer cette nouveauté au coût de 105 $ (aujourd’hui près de 1300 $). Ils vont toutefois devoir se contenter de bien peu de contenu : les radios commerciales n’existent pas encore! La station XWA de Marconi, située au dernier étage du bâtiment de la compagnie, rue William, diffuse cependant quelques émissions expérimentales depuis 1919.

Avec l’arrivée des premières stations de radio commerciales en 1922, un réel engouement s’empare de Montréal. La Presse en profite pour publier de nombreux articles expliquant le fonctionnement de cette nouvelle technologie. Plus encore, on y détaille les différentes étapes pour assembler un récepteur. Les plus téméraires pourront ainsi tenter de construire un appareil radio eux-mêmes afin d’économiser.

La compagnie Marconi a prévu le coup : elle ouvre en 1922 une filiale nommée The Scientific Experimenter au 33, avenue McGill College, où l’on peut se procurer toutes les pièces nécessaires pour réaliser le projet. Le magasin se vante d’ailleurs dans son catalogue de 1922 d’avoir « le plus grand assortiment d’appareils et d’accessoires de radio de tout le pays! » Chez Whitman, au 261, rue de Bleury, on promet même aux clients de pouvoir monter, à l’aide des pièces vendues en magasin, un récepteur radio entier pour seulement 5 $. Considérant que les radios les plus chères de l’époque peuvent coûter jusqu’à 900 $, c’est un pensez-y-bien!

Rendez-vous sur la rue Sainte-Catherine

Magasin Hartney

Cette pièce montre des produits Victor vendus chez le détaillant situé au 757-755, rue Sainte-Catherine Ouest, à Montréal. La vitrine contient un Victrola 2-55, des feuilles de musique, des disques du Film The Broadway Melody et une figurine de Nipper.
BAnQ Vieux-Montréal. Collection Jean-Jacques Schira. P336,S3,P3.
La rue Sainte-Catherine devient, au courant des années 1930, l’endroit évident pour quiconque veut se procurer un meuble radio sans se donner la peine de le monter soi-même. Les entrepreneurs montréalais développent à l’époque d’astucieuses stratégies de vente pour attirer la clientèle dans leur magasin. Ce n’est pas le choix qui manque! À l’est, tout près de la place Émilie-Gamelin, se trouve d’abord une véritable institution montréalaise, le magasin Dupuis Frères, au coin des rues Sainte-Catherine Est et Saint-André. Soucieuse d’attirer les adeptes de la nouvelle technologie, la compagnie se lance dans la mise en vente de récepteurs radio dès 1922. Cette année-là, Dupuis Frères va même inaugurer sa propre station de radio, CJBC, pour que les clients puissent profiter pleinement de leur nouvel appareil.

À deux pas se trouve aussi le magasin de meubles de N. G. Valiquette, installé entre les rues Saint-Hubert et Saint-André depuis 1894 jusqu’à sa fermeture au début des années 1980. Dans un article de 1931, M. Langevin, directeur du magasin, rappelle que « la radio doit allier la beauté musicale à celle de l’apparence ». Ainsi, outre l’intérêt technologique de la radio, le meuble en soi doit être bien choisi pour s’agencer avec tout le reste du mobilier. Des experts en design sont même sur place pour aider les clients à bien harmoniser leur décor.

Du côté ouest, dans les années 1930, deux grandes chaînes se font concurrence. Impossible pour un passant de ne pas remarquer les imposantes vitrines du magasin Hartney, entre les voies McGill College et University (aujourd’hui Robert-Bourassa). Les clients peuvent y payer leur radio en plusieurs versements, pour seulement 1 $ par semaine. On garantit même « 2 heures d’épreuves rigoureuses » avant de livrer le meuble.

Au 1112 Sainte-Catherine Ouest, près de la rue Peel, le magasin Lindsay’s se spécialise quant à lui en vente de pianos, orgues et radios. On y propose des meubles radio aux noms thématiques assez évocateurs, comme Rondo ou Operetta! La compagnie mise sur la qualité sonore de ses produits : elle inaugure des « salons de démonstration » où le consommateur peut comparer différents récepteurs et choisir celui qui, « d’après son oreille, son jugement et son goût, offre le plus d’avantages ».

Un problème? Appelez le réparateur de radio du quartier!

Radio - Victoriatown

Photo en noir et blanc montrant un magasin de radio et de télévision.
Archives de la Ville de Montréal. VM94C270-0069.
Un problème avec votre radio? Peur de manquer votre radioroman préféré? Un éventail de boutiques spécialisées et d’ateliers de réparation est à votre disposition. L’annuaire Lovell de 1950 dresse une liste d’environ 140 entreprises sous la catégorie « Appareils radiophoniques, vente et service ». Plusieurs s’assurent de se rendre directement à domicile pour faire une évaluation et effectuer les réparations nécessaires. Certains ateliers, comme le Montreal Radio Service, offrent même un service de nuit! En 1939, chez Imperial Radio Service, on suggère de prévenir plutôt que de guérir : ils inspectent et nettoient votre appareil radio pour seulement 40 ¢ par mois.

Avec l’arrivée de la télévision dans les années 1950, la plupart de ces entreprises doivent s’adapter et proposer de nouveaux produits et services. Aujourd’hui, les ateliers de réparation, autrefois chose commune dans les quartiers, sont presque tous disparus. Quelques entreprises, toutefois, continuent d’offrir des services semblables, mais les spécialistes sont rares. C’est le cas de Radio St-Hubert, établi sur la rue du même nom depuis 1963. Sur l’avenue du Parc, près de la rue Van Horne, Radio Hovsep existe aussi depuis 1967. L’entreprise tire son nom de son fondateur, Joseph Hovsepian, immigrant grec d’origine arménienne. On y répare les vieilles radios et on y vend de l’équipement ancien, au grand plaisir des nostalgiques qui fréquentent l’endroit! Certaines institutions montréalaises, comme l’institut Teccart, situé dans la rue Hochelaga, continuent d’offrir une formation pour les futurs techniciens en télécommunications.

Merci à Alain Dufour de la Société québécoise des collectionneurs de radios anciens d’avoir contribué à la vérification du contenu de cet article.

Références bibliographiques

Dossier radio

Gros plan sur un appareil radio iconique de Montréal. On y lit les noms Hartney et Marconi.
Caroline Perron Photographie

« La maison N. G. Valiquette », Le Devoir, 19 septembre 1931, p. 13.

« Marconi et Hartney », La Presse, 12 octobre 1936, p. 8.

« La maison Lindsay », Le Devoir, 19 septembre 1931, p. 13.