Lieu : Au coin des rues Saint-Patrick et Shearer
Vers 1843 : Arrivée de James Shearer à Montréal
Le premier Shearer s’illustrant à Montréal est James Shearer. Né à Rosegill en Écosse, en 1822, il est rapidement engagé comme apprenti charpentier à Castletown. Il travaille notamment à la construction d’une église à Putneytown sous la direction d’un dénommé D. Miller. Par la suite, Shearer aurait traversé l’Atlantique pour travailler à Montréal dans la vingtaine. La date exacte de son arrivée est nébuleuse. Le recensement canadien de 1901 indique que M. Shearer est arrivé en 1840 au Canada; d’autres sources affirment plutôt 1843. Quoiqu’il en soit, Shearer aurait d’abord travaillé comme menuisier et fabricant d’escaliers chez un dénommé E. Maxwell. Quelques années plus tard, il participe à la construction d’un nouvel hôpital dans la citadelle de Québec. De retour à Montréal au début des années 1850, il perfectionne son métier en travaillant pour plusieurs grands noms de l’époque, notamment au
chantier naval d’Augustin Cantin.
Une manufacture à Pointe-Saint-Charles
Vers 1853, Shearer ouvre une manufacture de portes et moulures dans Pointe-Saint-Charles, près des écluses Saint-Gabriel. Déjà au milieu des années 1850, Shearer emploie plus de 50 personnes. En 1856, la compagnie ferroviaire du Grand Tronc mentionne l’ingénieuse machinerie de la compagnie de James Shearer et fait une description élogieuse de son efficacité : «
This establishment is capable of manufacturing daily 100 doors, 50 sashes, and 25 blinds, besides mouldings, architraves, and other finishings ; or of preparing, in one month, the entire inner work of a first class passenger boat, with upper saloon, state-rooms, ladies’ cabin, and lower cabin with berths. » [« Cet établissement est capable de produire quotidiennement 100 portes, 50 châssis et 25 stores, sans compter les moulures, les cadres décorés et autres finitions; ou de préparer, en un mois, la totalité de l’ameublement intérieur d’un paquebot de première classe, incluant le salon de luxe, les cabines privées, les cabines pour dames et les cabines inférieures avec couchettes. »]
À la fin du XIXe siècle, la renommée de l’entreprise de James Shearer est mentionnée dans de nombreuses autres publications sur l’essor industriel de Montréal. La compagnie, qui a acquis au cours des années une excellente réputation, a notamment construit des bateaux pour les marchands John Molson (fils) et David Torrance. Shearer est aussi célèbre pour avoir inventé un modèle de toit concave avec système d’égouttement, adapté aux hivers montréalais. L’hôtel Windsor est le premier bâtiment à en être doté. L’invention a par la suite été adoptée partout en Amérique du Nord.
Shearer et ses associés maintiennent la compagnie en activité jusqu’à la mort de ce dernier en 1908. Les enfants et petits-enfants de James Shearer vont ensuite prendre le relais. L’entreprise familiale fait toutefois face à de sérieuses difficultés financières après la Première Guerre mondiale. Après un important incendie en 1939, la compagnie ferme finalement ses portes vers 1941.
De Westmount à Hollywood
Bien que le succès de la James Shearer Company soit révolu au milieu du XX
e siècle, les descendants de M. Shearer vont faire rayonner la famille à l’étranger. En 1902, la future célèbre actrice hollywoodienne, Norma Shearer, nait dans le quartier Westmount et grandit probablement au 507, avenue Grosvenor, adresse où elle réside en 1911. Remarquée par le producteur américain Irving Thalberg, qu’elle épousera plus tard, Shearer jouera dans plus de 30 films. Elle reçoit même un Oscar pour sa performance dans le film
The Divorcee (1930). Douglas Shearer (1899-1971), le frère de Norma, remportera quant à lui sept Oscars pour son travail comme directeur et designer sonore.
Aujourd’hui, la rue Shearer, dans Pointe-Saint-Charles, porte le nom de cette famille qui a marqué l’histoire de Montréal et du cinéma. Fait intéressant : la rue Shearer portait déjà ce nom du vivant de James Traill Shearer, témoignage de l’importance que ce personnage avait alors dans la métropole industrielle.
Contribution à la recherche : Société d’histoire de Pointe-Saint-Charles.