Jusqu’au début du XIXe siècle, les secteurs de la côte à Baron et du mont Sainte-Famille évoluent en parallèle. Par la suite, l’urbanisation accélérée fait naître Milton Parc de leur jonction.
Côte à Baron - détail
En 1662, une terre est concédée à Jean Auger dit Baron dans le secteur actuel de la rue Ontario entre la rue Saint-Urbain et le boulevard Saint-Laurent, soit au sud-ouest du quartier Milton Parc contemporain. C’est la première trace de la côte à Baron, correspondant plus ou moins à la dénivellation entre les rues Sherbrooke et Ontario, dont le peuplement demeure somme toute marginal à l’époque. Cependant, dès la fin du XVIIIe siècle, les Montréalais et Montréalaises sont de plus en plus à l’étroit au sein de la ville fortifiée sise près du fleuve. Le trop-plein d’habitants déborde dans les faubourgs qui se créent en périphérie, le long des premières routes de Montréal. Qu’à cela ne tienne, au tournant du XIXe siècle, les fortifications de pierre qui enclavent la vieille ville sont démolies, ce qui permet à la cité de s’étendre et à la population des alentours de se densifier. La rue Sherbrooke, connue sous le nom de Sainte-Marie jusqu’en 1817, est considérée comme la nouvelle limite nord de la ville. C’est autour de celle-ci que, graduellement, les plus fortunés feront construire villas et résidences de prestige.
Au-delà de la rue Sherbrooke
Mont Sainte-Famille - plan
Cette marche vers le XXe siècle est également marquée par l’arrivée des ruraux québécois dans les villes industrielles, comme Montréal, à la recherche d’un gagne-pain et d’une meilleure vie. La métropole est aussi le théâtre de vagues d’immigration internationales. Plusieurs de ces immigrants œuvrent dans les manufactures du boulevard Saint-Laurent, notamment dans les ateliers de confection qui s’y multiplient. Ceux-ci deviendront rapidement le lieu de travail de nombreux expatriés juifs qui se tournent vers l’Amérique du Nord à l’aube du siècle.
Si la côte à Baron ne représente qu’une toute petite partie de Milton Parc, l’essentiel du quartier était occupé autrefois par le mont Sainte-Famille, d’abord possession des Sulpiciens qui, au fil du temps, concèdent des terres longues et étroites à de grands et prospères propriétaires comme Bénigne Basset, notaire et greffier de Montréal notamment. Le découpage terrien qui se fait à l’époque est à l’origine du réseau de rues contemporain de cette partie de Milton Parc. C’est en 1730 que les Hospitalières de Saint-Joseph font l’acquisition du mont Sainte-Famille. Pendant que le secteur se peuple tranquillement au fil des décennies, la communauté religieuse exploite le potentiel agricole des terrains, et on y trouve également une des carrières qui ont fait l’apanage de Montréal.
Villas bourgeoises et nouvel hôpital
Au début du XIXe siècle, le mont Sainte-Famille et la côte à Baron finissent par se rejoindre, témoignant de l’urbanisation de ce secteur, autrefois à la limite nord de Montréal. Les Hospitalières, à la recherche d’air pur et d’un espace vert pour les patients de l’Hôtel-Dieu, décident d’y construire la dernière mouture de leur hôpital. Le nouvel Hôtel-Dieu de Montréal y est érigé selon les plans de l’architecte Victor Bourgeau entre 1859 et 1861.
À ce moment, les pourtours du mont Royal à la hauteur de la rue Sherbrooke ne sont que très peu habités. Quelques villas bourgeoises s’y trouvent, bien qu’elles se concentrent davantage autour de l’Université McGill. Lorsqu’elles prennent la décision d’installer l’Hôtel-Dieu au mont Sainte-Famille, les Hospitalières font lotir la parcelle de terre au nord de Sherbrooke de part et d’autre de ce qui devient la rue Sainte-Famille. Elles imposent des conditions de vente aux futurs propriétaires. Sur les lots d’un peu plus de 15 mètres en façade, les acheteurs devront ériger une maison en pierre de deux étages, sans compter le sous-sol et les combles, et un arbre doit être planté à l’avant de la résidence. Ainsi, la communauté s’assure d’avoir une perspective uniforme dont le point focal est la chapelle, à l’extrémité nord de la rue Sainte-Famille. L’objectif étant de mettre en valeur le dôme de l’édifice religieux. Culminant à 42 mètres au-dessus du niveau de la rue, il est visible à des lieues à la ronde et demeure un élément extraordinaire du paysage montréalais à l’époque.
La rue Sainte-Famille est alors d’un aménagement unique à Montréal. En déménageant l’Hôtel-Dieu au mont Sainte-Famille, les Hospitalières amorcent donc l’urbanisation de tout un secteur de la ville dont la population croît rapidement. Cet héritage urbanistique est important dans la mesure où, au XXe siècle, la rue Sainte-Famille sera menacée par des rénovations d’importance avec le projet de La Cité de Concordia Estates.
Comme le projet urbain La Cité quelques décennies plus tôt, le déménagement de l’Hôtel-Dieu à la fin des années 2010 oblige une nouvelle fois les résidants et les résidantes, les groupes communautaires, les gens d’affaires ainsi que l’administration municipale à penser le développement et l’aménagement du territoire dans Milton Parc dont la fonction résidentielle est sans équivoque. Comment préserver et mettre en valeur cet héritage dans le futur? La question demeure entière.
Merci à Richard Phaneuf et à Charlotte Thibault de la Communauté Milton Parc pour leur relecture de cet article.
MASSICOTTE, Édouard-Zotique. « La côte ou le coteau Baron à Montréal », Recherches historiques, vol. 49, Lévis, 1943, p. 24-27.
VILLE DE MONTRÉAL. « La rue Saint-Denis et ses intersections – De la rue Saint-Antoine à la rue Sherbrooke », Les grandes rues de Montréal.
STUCKER, E. « Le réservoir à la Côte-à-Baron », La Patrie, 25 octobre 1942.