Bien plus qu’un tavernier haut en couleur, Charles McKiernan fut une figure des luttes sociales à Montréal. Poète et philanthrope, il a notamment soutenu les grévistes du canal de Lachine en 1877.
Charles McKiernan, dit Joe Beef

La taverne de Joe Beef
Charles McKiernan s’installe alors à Montréal avec sa famille et ouvre sa taverne nommée The Crown and Sceptre sur la rue Saint-Claude. Aussi connu sous les noms de Joe Beef’s Canteen et de Great House of the Vulgar People, l’établissement déménage en 1875 dans la rue de la Commune à l’angle de la rue de Callière. Située près du port et du quartier irlandais de Griffintown, la taverne devient rapidement un lieu de sociabilité et de soutien pour les travailleurs du port, pour les ouvriers irlandais ainsi que pour les chômeurs.
Charles McKiernan, dit Joe Beef - Cantine

Un personnage engagé
Les Montréalais plus aisés sont nombreux à ne pas voir l’œuvre de Charles McKiernan d’un bon œil. Pour plusieurs d’entre eux, la taverne de Joe Beef est un lieu de débauche dans lequel l’alcool coule à flots et où se retrouvent les criminels. Le clergé, la police et les ligues antialcooliques dénoncent le commerce de Joe Beef. Ils critiquent également l’athéisme du tavernier qui affirme ne croire ni en Dieu ni au Diable et qui se moque bien du mouvement de tempérance qui prend de l’ampleur à Montréal à la fin du XIXe siècle. En 1879, Charles McKiernan publie un manifeste satyrique pour se défendre, entre autres, contre les attaques de John Redpath Dougall qui l’accuse de vendre de l’alcool dans son établissement. Il en profite au passage pour critiquer le clergé et les policiers qui se préoccupent très peu, selon lui, de la situation des travailleurs.
Poète à ses heures, Charles McKiernan publie dans les journaux des textes qui dénoncent les conditions de travail des ouvriers qui fréquentent sa taverne. Les journaux, tant anglophones que francophones, s’intéressent à lui. À sa mort, en 1889, de larges foules se recueillent devant la Canteen pour lui dire un dernier adieu. Une large procession composée d’un grand nombre d’admirateurs suit ensuite sa dépouille jusqu’au cimetière du Mont-Royal, où il est enterré.
Cet article est paru dans le numéro 22 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il a été remanié en 2015 par Annick Brabant.
YOUNG, Brian. A Respectable Burial : Montreal’s Mount Royal Cemetery, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2003, p. 76-78.
DELOTTINVILLE, Peter. « Joe Beef of Montreal: Working-Class Culture and the Tavern 1869-1889 », Labour/Le Travail, Halifax, vol. 8-9, 1981-1982, p. 9-40.