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Le port de Montréal

21 janvier 2016
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Au début du XIXe siècle, le modeste port de Montréal est inadapté aux ambitions commerciales de la métropole grandissante. Il sera pourtant le principal port céréalier nord-américain en 1926.

Port - plan de la ville 1717

Plan aérien de Ville-Marie fortifiée avec son port, marquant au bas de l'image la « Route des Barques, ou Chenal ». On y lit que le plan a été « Veu et aprouvé par le Conseil de Marine ».
10 août 1717, Plan de la ville de Montréal en Canada, Archives nationales d'outre-mer (France), FR CAOM 3DFC473B.
Qui pourrait aujourd’hui imaginer Montréal sans son port? Institution essentielle à la survie et au développement de la ville, il est toutefois surprenant de voir combien le port est méconnu des Montréalais. Pourtant le port de Montréal a des retombées économiques annuelles d’environ 1,5 milliard de dollars sur la région métropolitaine. L’importance du port s’est évidemment accrue en même temps que se précisait le rôle de métropole commerciale de Montréal. L’histoire du port témoigne de la vitalité du négoce montréalais.

Sur les berges du havre

Port - vue 1800

Illustration du port de l'île de Montréal. On aperçoit un drapeau anglais (à droite) et plusieurs clochers d'église.
Vers 1800, Vue nord-ouest de Montréal, par Richard Dillon, Musée McCord, M2001.106.2.
À l’embouchure de la petite rivière Saint-Pierre sur le fleuve Saint-Laurent, à un endroit qu’on nommera plus tard la pointe à Callière, les traces d’occupation autochtone remontent à quelques milliers d’années avant l’arrivée des premiers explorateurs français. Du XVIIe siècle au début du XIXe, le havre formé par cette embouchure et un îlot situé devant l’actuelle place Royale offrent un abri aux navires qui ont remonté le fleuve mais très peu d’infrastructures pour décharger leur cargaison.

Le port, en tant qu’institution, n’existe que depuis 1830. Auparavant, c’est à peine si le terme de port pouvait être utilisé pour désigner le ramassis de petits quais de bois qui se détachaient de la berge malpropre. D’ailleurs cette berge boueuse empêchait tout navire ayant un tirant d’eau raisonnable de s’approcher de la rive. Notamment, les bateaux à vapeurs, qui fréquentaient Montréal depuis 1809, ne pouvaient que s’ancrer au large de l’île du Marché (ou îlot Normant). Le déchargement et l’embarquement des marchandises s’effectuaient donc à l’aide de radeaux. Cette situation rudimentaire et anarchique est vite devenue intolérable pour les marchands réunis depuis 1822 au sein du nouveau Board of Trade.

Port - vue Montréal 1889

Illustration du port de Montréal avec ses bateaux et embarcations, et de l'île.
Birds eye [sic] view of the city of Montreal, 1889, Bibliothèque et Archives Canada, C 066743.

L’ouverture du canal de Lachine en 1825 amène un nombre encore plus important d’embarcations dans le port, où la marchandise et les passagers des navires les plus imposants doivent être transbordés vers les bateaux plus petits qui emprunteront le canal pour continuer leur voyage. Des transformations majeures s’imposent! Fondée le 8 mai 1830, la Commission du havre naît donc du désir des marchands de doter Montréal d’installations portuaires dignes de l’importance commerciale grandissante de la métropole canadienne.

L’évolution du port

Port - silo

Photographie de biais du silo-élévateur et d'embarcations sur l'eau.
Silo-élévateur du CP, port de Montréal, QC, 1909, Musée McCord, MP-1979.155.140.
Deux phases majeures d’aménagements vont moderniser le port au milieu du XIXe siècle : de 1830 à 1833, puis de 1838 à 1845. Plusieurs quais et jetées sont construits. Le premier quai recouvre l’îlot Normant et le joint à la berge. La jetée Victoria, complétée en 1845, fait face au nouveau marché Bonsecours. Elle est construite selon un principe innovant : des caissons de bois équarri, remplis de terre et de pierres, sont immergés et recouverts par des planches. Grâce à ces travaux, les installations du port sont désormais jugées modernes et adéquates par la plupart des gens. Mais pour les commissaires du port, un aspect demeure inquiétant pour l’avenir : les navires sont d’un tonnage sans cesse grandissant et le fleuve n’a pas la profondeur requise entre Québec et Montréal. Toutefois, un certain John Young, commissaire du port, va y voir.

Port 1966

Vue aérienne du port de Montréal, vu du sud.
Vues diverses / Labelle. - 20 juillet 1966, Archives de la Ville de Montréal, VM94-B002-068.
Des travaux de dragage seront entrepris, malgré l’opposition de Québec qui craint que Montréal lui fasse compétition. Le chenal de navigation sera donc approfondi jusqu’à 8,5 mètres (28 pieds) en 1888, au moment où le port connaît son apogée. L’achalandage accru des installations portuaires (870 773 tonneaux de marchandises sont transbordés en 1887) a aussi imposé la création d’un système de chemin de fer permettant aux marchandises d’être rapidement acheminées vers leurs destinations.

Le domaine du vrac, et plus particulièrement du grain, connaît aussi un essor considérable : en 1926, Montréal est le principal port céréalier en Amérique du Nord avec une exportation annuelle de 135 millions de boisseaux de grain (1 boisseau = 36,36 litres) contre 75 millions à New York. Ce développement pousse les commissaires à faire bâtir d’importants élévateurs à grain. Le premier a été ouvert en 1904 et le dernier en 1982. Seulement trois de ces élévateurs subsistent encore de nos jours, dont un seul est encore en activité : le silo no 4, situé près de la rue Notre-Dame dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. L’emblématique élévateur à grain no 5, construit à partir de 1903 près de l’entrée du canal de Lachine, a quant à lui cessé ses opérations en 1995.

Depuis 1983, le port de Montréal fait partie d’une structure nationale appelée « Ports Canada » qui gère les principaux ports canadiens. Si Montréal perd sa place de principale porte d’entrée maritime du pays au profit de Vancouver durant le dernier quart du XXe siècle, elle demeure quand même la championne du transport conteneurisé. Port de mer à plus de 1500 km de l’océan, le port de Montréal reste la porte d’entrée privilégiée pour le cœur de l’Amérique.

Cet article est paru dans le numéro 21 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il a été mis à jour en 2015 par Charles Turgeon.

L'île disparue

Face à la place Royale dans le Vieux-Montréal, il y a, non pas un trésor englouti, mais plutôt une petite île submergée qui sert aujourd’hui de fondation au quai Alexandra. Connue généralement sous le nom d’îlot Normant, du nom de Louis Normant de Faradon, supérieur des Sulpiciens au XVIIIe siècle, elle se trouve sur divers plans anciens du port de Montréal, portant plus de 15 noms différents. Tantôt appelée île du Marché ou encore île aux Huîtres, cette île est certes un morceau englouti de l’histoire de Montréal...

Références bibliographiques

DESJARDINS, Pauline. Le Vieux-Port de Montréal, Montréal, éditions de l’Homme, 2007, 266 pages.