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Le fort de l’île Sainte-Hélène

20 janvier 2016

Du fortin de l’époque française à la forteresse britannique, l’histoire militaire de l’île Sainte-Hélène est séculaire. Et aujourd’hui encore, sa vocation muséale est liée à son passé guerrier.

Île Sainte-Hélène - 1801

Illustration de l'île de Montréal depuis l'Île Sainte-Hélène.
Vers 1801, Montréal depuis l’Île Sainte-Hélène, par George Heriot, Musée McCord, M928.92.1.21.
Localisation: 20, chemin du Tour de l'isle

À la suite de la guerre canado-américaine de 1812-1814, les autorités britanniques jugent prudent de restructurer le système de défense de la colonie. Pour ce faire, on élabore un réseau de fortifications, non seulement sur le bord du Saint-Laurent, mais aussi le long de la rivière Richelieu, une voie d’invasion souvent empruntée par les Américains. C’est dans ce contexte que le gouvernement britannique se porte acquéreur, en 1818, de l’île Sainte-Hélène, jusqu’alors une possession de la famille Lemoyne.

Sous les recommandations du duc de Wellington, à l’époque grand maître de l’artillerie britannique, le lieutenant-colonel Elias Walker Durnford, ingénieur militaire, conçoit un ensemble fortifié sur l’île. De même nature que la citadelle de Québec, il s’agit essentiellement d’une forteresse entourée d’une batterie de canons. Elle se compose d’un arsenal (dépôt de munitions), d’une poudrière, d’une armurerie et de casernes pouvant loger jusqu’à 274 soldats. Les travaux commencent en 1820 et dureront quatre ans. Les militaires s’en serviront jusqu’en 1870, année où l’armée britannique remet l’île au gouvernement canadien.

Séculaire fonction militaire

Île Sainte-Hélène

Photographie du fort de l'Île Sainte-Hélène. À l'arrière-plan, on voit le fleuve et Montréal.
Archives de la Ville de Montréal. CA M001 BM042-Y-1-P0868.
L’île Sainte-Hélène répondit pendant longtemps aux nécessités géostratégiques de la colonie. Entourée par les rapides Sainte-Marie, elle décourageait un débarquement ou une retraite de l’ennemi. Déjà à l’époque française, on avait érigé un fortin à la pointe sud-ouest. Lors de la reddition de Montréal en 1760, Lévis avait fait construire des remparts de terre, encore identifiables aujourd’hui, non loin des casernes. Quant aux Britanniques, ils érigèrent dès 1807 deux postes de vigie. Avantage certain, les sous-sols de l’île Sainte-Hélène étaient aussi pourvus d’une pierre de couleur brune rougeâtre appelée « brèche ». Plus dure que le granit, cette pierre a servi à la construction de tous les bâtiments militaires de l’île, ainsi qu’à celle des installations plus récentes comme le pavillon des baigneurs.

Outre sa fonction de garnison, le fort de l’île Sainte-Hélène a connu des utilisations diverses au cours des ans. En raison de son isolement, il est converti en hôpital lors de l’épidémie de choléra de 1830. Pendant la Première Guerre mondiale, bien que l’île soit devenue un parc municipal depuis 1905, les installations retrouvent leur vocation première de dépôt de munitions. Le fort de l’île Sainte-Hélène a aussi été fréquemment utilisé en tant que prison. D’abord en 1845, on transforme le corps principal de l’arsenal en prison militaire pour desservir tout l’est du pays. Ensuite, lors de la Deuxième Guerre mondiale, le fort sert de camp de prisonniers. Entre 1939 et 1945, près de 250 prisonniers politiques y sont incarcérés, pour la plupart des sympathisants présumés des dictatures fascistes d’Europe.

Reconversion et continuité

Île Sainte-Hélène - musée Stewart

Photo du musée Stewart avec la cour et le fleuve en arrière-plan
2004. Photo de Normand Rajotte. Centre d’histoire de Montréal.
Le 3 mai 1955, la Société historique du Lac Saint-Louis inaugure la vocation muséale des bâtiments militaires de l’île Sainte-Hélène en présentant une petite exposition d’armes et de documents dans le blockhaus des Fenians. Peu après, le fort accueille la collection grandissante de cette société et devient le Musée militaire et maritime de Montréal. Connu aujourd’hui sous le nom de « Musée Stewart », il perpétue le souvenir de l’utilisation par les militaires de l’île Sainte-Hélène. En plus de l’arsenal, occupé désormais par le Musée Stewart, les fortifications, la petite poudrière et le sous-sol de la caserne du fort ont subsisté.

Hormis cet ensemble, la poudrière de la Vallée des Ormes (aujourd’hui abandonnée) et un petit cimetière militaire composent le reste des vestiges de l’utilisation militaire de l’île, le blockhaus ayant été détruit pour la troisième fois par un incendie en 1997. Quant à la tour de Lévis, construite en 1936-1937 comme réservoir d’eau d’une capacité de 4500 hectolitres, elle n’a de militaire que son style architectural!

Cet article est paru dans le numéro 35 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.