Avocat puis directeur adjoint de la police, l’incorruptible Pacifique Plante s’attaque dès les années 1940 au Montréal interlope et à la corruption. Cette lutte lui coûtera cher.
« He was fanatically honest. » [« Il était foncièrement honnête. »] – Al Palmer, journaliste
Pacifique Plante
Avocat à la cour municipale de 1939 à 1945, il découvre graduellement que la métropole baigne dans un système de corruption et de tolérance du jeu et de la prostitution. Scandalisé, il accepte de contribuer à réformer l’escouade de la moralité en y devenant « avocat spécial ». Persuadé qu’il pourrait mettre fin à la protection du « vice commercialisé », il convainc le chef Dufresne de lui confier la direction de l’escouade en 1946, lorsque des scandales liés à la moralité secouent la police. S’entourant d’officiers incorruptibles, il raffine les méthodes de l’escouade et entreprend une série de descentes spectaculaires dans les maisons de jeu, de paris et de prostitution, ce qui déstabilise le monde interlope.
Après la retraite du chef Dufresne, il est nommé directeur adjoint de la police avec la responsabilité de l’escouade de la moralité, de la cour municipale et des permis — ce qui lui permet de moderniser les méthodes policières (permis de taxi avec photo, identification judiciaire) et d’effectuer un nettoyage efficace, à grand renfort de publicité. Jeune et élégant, à l’aise sous le feu des projecteurs, l’incorruptible « Pax » devient vite la coqueluche des médias. Sensible à la modernité, il n’est pas en croisade contre les plaisirs et les arts, et se défend bien de vouloir instaurer à Montréal un « puritanisme à la torontoise ». Dans ses temps libres, il collabore avec le dramaturge Gratien Gélinas à la préparation de ses fameuses revues.
Suspendu par le chef de la police
Pacifique Plante - coupure de journal
Pacifique Plante revient en force l’année suivante dans les pages du Devoir et réussit à obtenir une enquête publique sur le vice commercialisé à Montréal (l’enquête Caron), enquête dont il devient l’un des procureurs. Réintégré dans la police en 1954 par le nouveau maire Jean Drapeau, il sera à nouveau congédié en 1958, après le retour du chef Langlois sous l’administration du maire Sarto Fournier. Craignant alors pour sa vie, il s’exile au Mexique, où il finira ses jours, non sans revenir à l’occasion pour partager son expertise et sonner l’alarme, comme lors de la Commission d’enquête sur le crime organisé (CECO) au début des années 1970.
Ce texte de Maryse Bédard est tiré du livre Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, sous la direction de Catherine Charlebois et Mathieu Lapointe, Montréal, Cardinal, 2016, p. 227.
Armand Courval
Bras droit de Pax Plante, le sergent Armand Courval participe à plusieurs descentes spectaculaires, dont l’arrestation du magnat du jeu et du pari illégal Harry Ship en 1946, avant d’être promu chef adjoint de l’escouade de la moralité en 1947. À cause d’un rapport d’incidents mettant en cause des policiers pour avoir été trop familiers avec des prostituées, Courval est accusé d’avoir fait preuve d’indiscipline par le chef de police Albert Langlois. Pax Plante se porte à sa défense, mais le conflit dégénère rapidement entre les deux hommes et mène à la suspension, puis au congédiement de Plante comme directeur adjoint de la police responsable de l’escouade de la moralité. Courval est quant à lui rétrogradé au poste d’agent de première classe.
À la suite de l’enquête Caron, Courval est promu lieutenant et devient chef de l’escouade de la moralité. Victime d’un complot organisé par Vincent Soccio, un membre du clan Cotroni qui cherche à salir sa réputation et à le discréditer, il est accusé d’avoir eu des rapprochements avec une mineure et d’avoir distribué des condoms aux policiers de l’escouade qui enquêtaient sur la prostitution à Montréal. Il est reconnu coupable de parjure et suspendu en 1956. Après les audiences de la Commission d’enquête sur le crime organisé (CECO) dans les années 1970, Armand Courval obtient le pardon absolu et est indemnisé par la Ville de Montréal.
CHARLEBOIS, Catherine, et Mathieu LAPOINTE (dir.). Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, Montréal, Cardinal, 2016, 272 p.
LAPOINTE, Mathieu. Nettoyer Montréal : les campagnes de moralité publique, 1940-1954, Québec, Septentrion, 2014, 395 p.
PLANTE, Pacifique. Montréal sous le règne de la pègre, Montréal, Éditions de l’Action nationale, 1950, 96 p.
STANKÉ, Alain, et Jean-Louis MORGAN. Pax, lutte à finir avec la pègre : un portrait-robot du célèbre incorruptible Pacifique Plante, Montréal, La Presse/Messageries internationales du livre, 1972, 254 p.