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Le frère Marie-Victorin, un scientifique hors du commun

18 mars 2016
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Nous devons beaucoup au frère Marie-Victorin, illustre botaniste québécois, notamment son incontournable Flore laurentienne, parue en 1935, et le Jardin botanique de Montréal, fondé en 1931.

Marie-Victorin en Minganie

Portrait en pied  de Conrad Kirouac (frère Marie-Victorinen) en nature.
Frère Marie-Victorin. Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal, cote : E01185FP009831.
Conrad Kirouac naît en 1885 à Kingsey Falls, dans les Cantons-de-l’Est. Issu d’une famille aisée, il étudie chez les Frères des écoles chrétiennes, à Québec, puis joint cette communauté religieuse dès l’âge de 16 ans. Il entre ensuite au noviciat, à Montréal, où il devient le frère Marie-Victorin.

La carrière d’enseignant de Marie-Victorin commence à Saint-Jérôme en 1903, mais elle est vite interrompue par la maladie. Atteint de tuberculose, le jeune homme découvre sa passion, la botanique, pendant sa convalescence. Il reprend l’enseignement l’année suivante, d’abord à Westmount, puis au Collège de Longueuil. Les crises de tuberculose reviennent, et on lui prescrit de passer du temps au grand air. L’étude des plantes le fascine de plus en plus. La maladie lui ouvre ainsi la voie d’une carrière d’envergure où son esprit scientifique et ses dons de communicateur seront mis à profit.

L’Université de Montréal voit le jour en 1920. Faute de disposer d’un spécialiste diplômé, l’institution offre sa chaire de botanique à un brillant autodidacte : Marie-Victorin. Celui-ci complète un doctorat sur les fougères, à 35 ans, et reçoit alors le premier doctorat ès sciences décerné au Canada français. Il fonde l’Institut botanique de l’Université de Montréal, puis cofonde l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS) et la Société canadienne d’histoire naturelle.

Un projet de grand jardin botanique

Marie-Victorin - laboratoire de botanique de l’UdeM vers 1924

Photographie du frère Marie-Victorin (au centre) et d'hommes dans le laboratoire.
Vers 1924. Le laboratoire de botanique de l’Université de Montréal. Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal, cote : E01181FP05031.

En 1929, après un congrès à Capetown, en Afrique du Sud, Marie-Victorin parcourt l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe, où il observe la flore locale… et les jardins botaniques. Au retour de ces six mois d’expédition, il présente à la Société canadienne d’histoire naturelle, dont il est président, un projet de grand jardin botanique pour Montréal.

Il faudra de nombreuses années, une indéfectible volonté et l’appui de plusieurs personnalités (dont Camillien Houde et Maurice Duplessis) pour que ce fameux jardin voie le jour. Marie-Victorin partage et concrétise son rêve avec Henry Teuscher, un Américain d’origine allemande, qui est à la fois horticulteur et architecte de paysage. Celui-ci dessine et réalise les plans de ce qu’il considère comme le jardin botanique idéal. L’institution est fondée officiellement en 1931.

Marie-Victorin - Flore laurentienne

Couverture du livre en vert et or, avec inscription « Frère Marie-Victorin. FLORE LAURENTIENNE »
1935. Page couverture de la première édition de la Flore Laurentienne. Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal, cote : E0118.
Pendant un arrêt des travaux au jardin, durant la grande crise économique, Marie-Victorin lance le livre qu’il prépare minutieusement depuis des années. Sa Flore laurentienne, parue en 1935, est encore aujourd’hui un incontournable pour qui s’intéresse à la flore québécoise.

Il publie également, avec le frère Léon, les Itinéraires botaniques dans l’île de Cuba. Pour des raisons de santé, Marie-Victorin doit fuir l’hiver québécois et il en profite pour herboriser dans les divers écosystèmes cubains. Comme la Flore, ces Itinéraires contiennent des notions d’écologie et de phytogéographie qui font du botaniste un véritable pionnier dans ces domaines.

Une vive foi en l’éducation scientifique

Toujours soucieux de favoriser le contact des enfants avec la nature, il dédie la Flore laurentienne à la jeunesse, et en particulier aux membres des Cercles des jeunes naturalistes. Il croit fermement à l’éducation scientifique, qu’il encourage même chez les plus jeunes, et il n’hésite pas à faire des causeries à la radio dès 1941.

Marie-Victorin - bureau de l’Institut botanique au Jardin botanique de Montréal

Le frère Marie-Victorin dans son bureau de l’Institut botanique au Jardin botanique de Montréal sur la rue Sherbrooke.
1939, Le frère Marie-Victorin dans son bureau de l’Institut botanique au Jardin botanique de Montréal sur la rue Sherbrooke. Division de la gestion de documents et des archives de l’Université de Montréal, cote : P01491FP03127.
Les serres d’exposition du Jardin botanique ne sont pas encore complétées quand Marie-Victorin meurt, en 1944, des suites d’un accident de voiture. À l’aube de la soixantaine, au sommet de sa carrière, il laisse derrière lui un riche héritage et l’éveil de plusieurs vocations scientifiques.

Pour faire connaissance avec Marie-Victorin, rendez-vous à l’entrée du Jardin botanique de Montréal, près de la billetterie. Une statue l’immortalise dans l’habit traditionnel des Frères des écoles chrétiennes. Il tient dans la main sa fleur préférée, la sarracénie pourpre.

Références bibliographiques

BÉLANGER, Anne. « Henry Teuscher : portrait d’un homme passionné », Quatre-Temps, vol. 30, nos 2 et 3, juin 2006.

CHABOT, Claire. Une passion : la science : portraits de pionniers québécois, Sillery, Éditions MultiMondes, 1990, 148 p.

GINGRAS, Yves. « Le frère Marie-Victorin, l’âme du Jardin botanique », Quatre-Temps, vol. 30, nos 2 et 3, juin 2006, p. 16-19.

MARIE-VICTORIN, Frère, Marie-Victorin, Science, culture et nation, textes choisis et présentés par Yves Gingras, Montréal, Boréal, 1996, 180 p.