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Le Jardin botanique de Montréal : les hauts et les bas de la naissance d'une institution

15 avril 2016
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Créer le Jardin botanique de Montréal pendant des années de crise était un véritable défi. Ce bijou de nature au cœur de la ville a pourtant pris forme, grâce au frère Marie-Victorin.

Jardin botanique - carte postale

Carte postale du Jardin botanique. Bassins et fontaine à l'entrée du Jardin Botanique, à l'angle des rues Sherbrooke Est et Pie IX.
Carte postale, Centre d’histoire de Montréal. 2005.466.

Marie-Victorin n’est pas le premier à avoir eu l’idée d’un jardin botanique à Montréal, mais c’est grâce à lui que ce jardin existe aujourd’hui et qu’il séduit des milliers de visiteurs chaque année. Il fallait vraiment avoir la foi de ce frère des écoles chrétiennes, botaniste passionné, pour soutenir un tel projet pendant la crise économique des années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale.

De retour d’un voyage qui le sensibilise à la flore internationale, Marie-Victorin présente officiellement son projet de jardin botanique en 1929, année du krach boursier qui amorce la Grande Dépression. Camillien Houde, à qui il avait enseigné au Collège de Longueuil, est dans la salle. Une fois élu maire de Montréal, Houde appuie le projet : le Jardin botanique est fondé en 1931 et un budget de 100 000 $, sous forme de fonds de chômage, permet le début des travaux. La somme est vite épuisée, Houde perd le pouvoir et le chantier est paralysé pendant quatre ans.

Des rencontres, des rêves et de la ténacité

Marie-Victorin et Henry Teuscher

Photographie du frère Marie-Victorin (à gauche) et Henry Teuscher (à droite) dans une serre.
Henry Teuscher avec le frère Marie-Victorin à la Serre A-1, 1936. Jardin botanique de Montréal (Archives).
Pendant ce temps, Marie-Victorin rencontre celui qui deviendra son indéfectible partenaire, Henry Teuscher. Employé comme spécialiste des arbres au Jardin botanique de New York, cet Américain d’origine allemande lui a été chaudement recommandé. Les deux hommes partagent les mêmes buts, dont celui de rétablir le lien entre les habitants des villes et la nature. Malgré l’incertitude financière, Teuscher dessine dans ses temps libres le plan de son jardin botanique idéal. Ce plan, qui met à profit ses talents d’horticulteur et d’architecte de paysage, servira à la réalisation du jardin montréalais.

Camillien Houde revient au pouvoir en 1934. L’année suivante, Marie-Victorin publie sa Flore laurentienne et en profite pour relancer son projet de jardin : « Bientôt, on célébrera le troisième centenaire de Montréal. […] Mais Montréal, c’est Ville-Marie! C’est une femme et je suis sûr que cela vous émeut déjà! Vous ne pouvez tout de même pas […] lui offrir un égoût collecteur ou un poste de police! Mettez des fleurs à son corsage! »

Jardin botanique - édifice Marie-Victorin

Photographie de l'édifice en cours de construction; on voit les structures du bâtiment.
Édifice Marie-Victorin, Jardin botanique de Montréal (Archives).
Les travaux reprennent en 1936, avec l’appui de la Ville et du premier ministre Maurice Duplessis, chef de l’Union nationale. Marie-Victorin devient directeur du Jardin et Teuscher horticulteur en chef. Le chantier est l’un des plus importants de Montréal, ce qui permet la construction du bâtiment administratif et des jardins d’accueil. En 1939, le Jardin ouvre enfin ses portes au public. Mais la guerre éclate, les travaux s’arrêtent encore une fois, et Marie-Victorin doit lutter pour empêcher la Défense nationale de s’approprier le site.

Le Jardin sauvé une fois de plus

Le gouvernement passe aux mains des libéraux, avec Adélard Godbout à leur tête. Le nouveau premier ministre s’oppose à cette « entreprise somptuaire » qu’est le Jardin. Grâce aux appuis qu’il a développés, Marie-Victorin arrive à convaincre Godbout de la pertinence du projet et sauve le Jardin.

Les travaux n’ont pas encore repris quand Marie-Victorin meurt, en 1944, au retour d’une sortie d’herborisation à Saint-Hyacinthe. Il n’aura pas la chance de visiter les serres d’exposition, inaugurées en 1956. Il ne verra pas non plus l’Arboretum, le Jardin japonais, le Jardin de Chine et les autres réalisations majeures de ses successeurs. Mais il a eu le génie de créer ce bijou de nature au cœur de Montréal, il l’a vu naître et grandir et il espérait sans doute que le Jardin allait continuer à évoluer après son passage…