La Pagode khmère du Canada, située au nord de l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, est la première pagode bouddhiste cambodgienne à voir le jour sur l’île de Montréal.
Pagode khmère
Cette souffrance explique en partie leur désir de tisser des liens sociaux solides et de retrouver un espace spirituel commun. La grande majorité des immigrants cambodgiens pratique le bouddhisme theravāda, une branche du bouddhisme particulièrement répandue dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, tels la Birmanie, la Thaïlande et le Laos. La Pagode khmère du Canada, inaugurée en 1982, reflète donc l’organisation rapide d’une communauté récemment formée. Témoignages d’une identité et d’une origine commune, les lieux sont par exemple décorés d’images d’Angkor Wat, un célèbre temple cambodgien dont la construction remonte au IXe siècle.
Des activités religieuses et culturelles
La Pagode est d’abord installée dans un petit bâtiment résidentiel situé dans la rue De Nancy. Cet espace, détruit par un incendie en 1985, sera par la suite agrandi grâce à l’acquisition de trois nouveaux bâtiments. Deux de ces édifices hébergent les moines et leurs assistantes, les yiey ji. Surnommées les « grands-mères de la pagode », ces femmes laïques assistent aux cérémonies et observent 5, 8 ou 10 préceptes du bouddhisme. Le dernier bâtiment, largement rénové dans les années 1980, sert désormais de grand hall pour accueillir les fidèles. De nombreuses activités religieuses et culturelles y sont organisées. Tous les sept ou huit jours, par exemple, des pratiquants viennent y célébrer les jours saints (thgnai sel). La cérémonie débute le matin à 8 h, puis se termine vers 11 h avec un repas communautaire. Les femmes et les hommes sont alors traditionnellement séparés pour manger, en fonction du nombre de préceptes bouddhiques observés par chacun.
Outre les jours saints, les différentes fêtes du calendrier cambodgien sont également célébrées à la Pagode khmère. Parmi ces festivités, le Nouvel An cambodgien, traditionnellement souligné entre le 13 et le 16 avril, est l’une des plus importantes – et impressionnantes! – occasions de se réunir. Une fois la cérémonie religieuse terminée, l’espace accueille des activités artistiques et ludiques : danses folkloriques cambodgiennes, jeux traditionnels khmers, concours de karaoké… Bref, jeunes et moins jeunes peuvent célébrer leur culte et leur culture à leur façon.
Le Vénérable Hok Savann
Lors des cérémonies, seul le Vénérable Hok Savann détient le privilège de s’asseoir dans le grand siège de style stūpa, installé à gauche de l’autel. Hok Savann, l’abbé de la pagode, est arrivé à Montréal au début des années 1980, et connait les dures réalités de l’immigration cambodgienne. Ordonné moine à l’âge de 21 ans, il fuit le Cambodge à l’arrivée des Khmers rouges et parcourt de nombreux camps de transit en Thaïlande, apportant réconfort et conseils aux réfugiés. C’est grâce aux dons de la Société bouddhiste khmère de Montréal (SBK) qu’il parvient à quitter la Thaïlande, en 1981. Premier moine cambodgien au Québec, il est subséquemment nommé président de la SBK. Il travaille alors activement à planifier la construction de la Pagode khmère du Canada, sollicitant un appui monétaire parmi les communautés cambodgiennes établies en France, aux États-Unis, en Australie, au Canada et, bien entendu, à Montréal. Le projet, entièrement financé par ces dons, représente donc un bel exemple de solidarité. En 2011, environ 13 000 Cambodgiens résidaient à Montréal.
Le régime des Khmers rouges, également connu sous le nom de Kampuchéa démocratique, est l’un des régimes communistes totalitaires qui s’installent en Asie du Sud-Est après la guerre du Vietnam. Dirigé par Pol Pot entre 1975 et 1979, le Cambodge devait devenir un espace libéré du concept de propriété privée, des minorités ethniques et des dissidents politiques. L’idéal d’une population ouvrière complètement dissociée de l’influence occidentale se manifeste par une violente répression envers les intellectuels, la bourgeoisie et les membres du clergé. La capitale, Phnom Penh, est entièrement évacuée en 1975 afin d’encourager le virage rural du nouveau gouvernement. Près de 10 000 personnes meurent pendant cet exil. Plus de trois millions de personnes sont aussi envoyées à la campagne pour être « rééduquées ». Au total, deux millions de personnes meurent sous les persécutions des autorités entre 1975 et 1979, soit près du quart de la population du pays à l’époque. Des familles entières sont décimées. Le traumatisme de ces quatre années de dictatures explique en partie la nécessité, pour la diaspora cambodgienne, de se réunir et de construire des communautés solidement liées.
KENNEDY, Wayne A. Religious Imagery at the Khmer Pagoda of Canada: The Significance of Images for Education, Mémoire (M.A.), Montréal, Université Concordia, 2000, 171 p.
LAM, Lawrence. From Being Uprooted to Surviving: Resettlement of Vietnamese-Chinese ‘Boat People’ in Montreal, 1980-1990, Toronto, York Lanes Press, 1996, 200 p.
ROUSSEAU, Louis. Le Québec après Bouchard-Taylor : les identités religieuses de l’immigration, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2012, 393 p.
THIBEAULT, François. « Les bouddhistes cambodgiens de la Pagode khmère du Canada à Montréal », Cahier de recherche, no 13, Montréal, UQÀM, février 2006.
THIBEAULT, François, et Manuel LITALIEN. « Les bouddhistes cambodgiens de Montréal en contexte », Cahier de recherche, no 5, Montréal, UQÀM, août 2005.
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. IMMIGRATION, DIVERSITÉ ET INCLUSION. « Portrait statistique de la population d’origine ethnique cambodgienne recensée au Québec en 2011, [En ligne], 2014.
http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/publications/fr/diversite-ethn...