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Expo 67. Le pavillon des Indiens du Canada

26 avril 2017

À l’occasion d’Expo 67, les Premières Nations du Canada font connaître au monde entier leur histoire tragique et leurs difficiles conditions de vie, dans un pavillon qui ne passe pas inaperçu.

Expo 67. Pavillon des Indiens du Canada

Carte postale du Pavillon des Indiens du Canada
Carte postale, Centre d’histoire de Montréal.
Si Expo 67 est l’occasion pour les Canadiens de découvrir le monde, c’est aussi l’occasion pour le Canada de présenter aux millions de visiteurs étrangers et locaux sa propre culture. Célébrant le centenaire de la Confédération, le Canada cherche à projeter l’image d’un pays moderne, harmonieux et riche de sa diversité culturelle.

Alors que le gouvernement canadien prévoyait d’abord inclure au sein du pavillon canadien des espaces consacrés aux Premières Nations, le Conseil indien national (CIN), principale instance représentant les Autochtones à travers le pays, réclame la création d’un pavillon distinct. Dans un contexte marqué par un essor des mouvements d’affirmation autochtone à travers l’Amérique du Nord, le gouvernement canadien, soucieux de ne pas envenimer ses relations avec le CIN, autorise ce dernier à présenter son propre pavillon, à titre de pavillon privé, tout en lui assurant son financement.

C’est toutefois un architecte du ministère des Affaires indiennes qui est derrière le design du pavillon. Adoptant la forme d’un tipi, cet habitat traditionnel des Premières Nations des Plaines, l’architecture plutôt stéréotypée du pavillon reflète peu l’esprit que les représentants autochtones souhaitent lui conférer. Si le ministère décide de l’architecture du pavillon, il en sera autrement pour ce qui y sera présenté. Les représentants autochtones s’assurent en effet de décider du contenu de l’exposition et du message véhiculé.

La lutte des Indiens

Expo 67. Pavillon des Indiens - Hôtesse

Hôtesse du pavillon des Indiens apposant le tampon du pavillon dans le passeports d'un visiteurs
Suivant le modèle des pavillons nationaux, les hôtesses du pavillon des Indiens du Canada sont toutes issues de différentes nations autochtones. Tout en présentant des œuvres d’art et d’artisanat traditionnel de différentes nations autochtones de l’ensemble du pays, le pavillon cherche surtout à faire connaître l’histoire et les conditions de vie des Premières Nations. L’exposition a pour thème : « La lutte des Indiens face à l’acceptation d’une société technologique moderne avec sa culture de masse tout en préservant leur identité, leur intégrité personnelle, ainsi que les valeurs morales et spirituelles de leurs ancêtres. » Le pavillon adopte un ton revendicateur, qui fait écho au mouvement de contestation autochtone qui se fait de plus en plus sentir au pays.

Dès leur entrée dans le pavillon, les visiteurs sont invités à explorer l’histoire d’un point de vue autochtone. Après une démonstration de la façon dont les Autochtones ont su développer au fil des siècles divers savoir-faire afin de s’adapter à leur environnement, on souligne comment les Européens les ont entraînés dans des guerres impériales pour s’accaparer des territoires qui étaient jusqu’alors les leurs. On dénonce leur mise en tutelle ainsi que les diverses initiatives mises de l’avant par les autorités pour favoriser leur assimilation. Des panneaux évoquent notamment les méthodes employées par les missionnaires pour inciter les Autochtones à abandonner leurs croyances traditionnelles et épouser la foi chrétienne.

Expo 67. Pavillon des Indiens - Photo du Maclean

Photo montrant une religieuse lisant un panneau de l'exposition à l'intérieur du pavillon des Indiens
Photo tirée du magazine Maclean, août 1967, vol. 7, no 8, p. 21.
On déplore également le traitement contemporain réservé aux enfants autochtones qui, arrachés à leurs familles et à leurs repères culturels, sont contraints d’oublier leur langue et leur identité pour recevoir une éducation dans une langue et une culture étrangères. On met de plus en évidence les inégalités sociales entre les membres des Premières Nations et le reste de la population canadienne à travers une série de photographies dépeignant des conditions de vie contrastées. En dépit des drames et des difficultés qu’ont connus et continuent de connaître les Premières Nations, le pavillon accorde aussi une place importante à la vitalité des communautés autochtones contemporaines et à leur avenir. Toujours sous le signe de la revendication, un panneau exprime par exemple de façon explicite une volonté d’autodétermination : « Donnez-nous le droit de nous occuper de nos propres affaires. »

Étonnement et indignation

Expo 67. Pavillon des Indiens - Reine

La reine visite le pavillon des Indiens du Canada. On peut voir des photos présentés dans l'exposition.
1967. Centre d’histoire de Montréal. Collection Rosario Therrien.
S’il parvient à sensibiliser certains visiteurs à la cause autochtone, le pavillon des Indiens du Canada n’est pas sans susciter l’étonnement, voire l’indignation, chez plusieurs. Exposés à une lecture de l’histoire qui leur est inhabituelle, nombreux sont ceux qui mettent abruptement fin à leur visite. La Presse rapporte notamment le cas d’une Montréalaise qui, indignée à la lecture d’un panneau mentionnant que « l’école de l’Homme blanc est un territoire étranger pour le jeune Indien », s’est écriée : « C’est horrible! Je ne reste pas ici. » Pour sa part, le ministre des Affaires indiennes, Arthur Laing, déplore que la contribution du gouvernement canadien à l’amélioration des conditions de vie des Premières Nations n’y soit pas soulignée.

En réaction au tollé provoqué, les responsables du pavillon font valoir que le pavillon ne fait que relayer la parole des Autochtones. Le commissaire général adjoint du pavillon, M. T. R. Kelly, rappelant que les panneaux présentés à l’intérieur du pavillon ne font que reprendre des propos qu’il a entendus au cours de ses voyages à travers les communautés autochtones du pays, déclarera : « Si cela choque certains visiteurs, cela signifiera que notre message est transmis. » Abondant dans le même sens, le chef Andrew Tanahokate Delisle, commissaire général du pavillon, affirmera lors d’une conférence de presse surprise destinée à faire le point sur la controverse : « Nous avons seulement exprimé le sentiment des Indiens d’aujourd’hui. »

Roger La Roche sur le pavillon des indiens

Roger La Roche sur le pavillon des indiens

Témoignage de Roger La Roche, adolescent de 13 ans en 1967. L'entrevue a été réalisée dans le cadre de l'exposition Explosion 67. Terre des jeunes, présentée au Centre d'histoire de Montréal du 16 juin 2017 au 2 septembre 2018.

Réalisation : 
Antonio Pierre de Almeida, Centre d'histoire de Montréal.