Au coin des rues Basin et de la Montagne se trouve un parc où gisent des vestiges de pierre. Ce sont les traces d’un lieu emblématique pour les Irlando-Catholiques de Montréal, l’église Sainte-Anne.
Lieu : Au coin des rues Basin et de la Montagne
1854 : Ouverture de l'église Sainte-Anne
Église Sainte-Anne
Au XXIe siècle, à Montréal, il est difficile de repérer un secteur de la ville où se concentrerait une population d’origine irlandaise. Cette présence irlandaise marque pourtant l’imaginaire populaire avec ses représentations traditionnelles, telles que le défilé de la Saint-Patrick ou les nombreux pubs de la métropole. Au-delà de ces symboles contemporains, l’histoire de Montréal porte l’expression d’une culture irlandaise unique qui se manifeste dès le XIXe siècle, et ce, dans plusieurs secteurs de la ville, notamment dans le quartier Sainte-Anne, à Griffintown.
Griffintown rassemble alors une population ouvrière qui compte une importante communauté irlandaise catholique. Ce groupe prend une telle ampleur au cours du XIXe siècle qu’il développe un réseau d’institutions et d’activités qui gravitent principalement autour d’un lieu, l’église Sainte-Anne.
Les Irlando-Catholiques de Montréal
Vue de Montréal 1859
Les Irlandais commencent à arriver massivement à Montréal à partir de 1815 et, déjà, ils réclament un lieu de culte qu’ils n’auraient pas à partager avec les francophones. À la suite des pressions de groupes influents, l’église Saint-Patrick est ouverte en 1847, rue Dorchester (actuel boulevard René-Lévesque). Située en contre-haut des quartiers résidentiels du sud-ouest, l’église est surnommée « the church on the hill » [« l’église sur la colline »].
Église Sainte-Anne
L’Église catholique, avec l’Église Saint-Patrick en tête, coordonne l’aide déployée pour les nouveaux arrivants irlandais, mais peine à répondre aux besoins des secteurs du sud-ouest. Bientôt, une mission jésuite est envoyée dans Griffintown, et un terrain est attribué à la construction d’une nouvelle église. L’église Sainte-Anne est ouverte en 1854, sous les offices des Sulpiciens. En 1884, elle passe aux mains des Frères rédemptoristes belges.
L’église Sainte-Anne
Église Sainte-Anne
Griffintown - démolition église Sainte-Anne
Durant la seconde moitié du XIXe et le début du XXe siècle, l’église Sainte-Anne est au cœur de la communauté irlandaise catholique de Griffintown. Avec l’appui du clergé, les paroissiens mettent sur pied une variété d’associations de bienfaisance pour lesquelles ils s’impliquent activement. L’Ordre des forestiers catholiques de Sainte-Anne, la société des Dames de Sainte-Anne ou la Société de tempérance absolue sont autant d’organisations où femmes et hommes irlandais se réunissent. Des écoles, comme l’Académie Sainte-Anne pour filles (1857), s’occupent de l’éducation des jeunes irlandaises catholiques. Ces institutions révèlent non seulement une forte identité religieuse, mais aussi l’occasion d’exprimer la culture irlandaise à travers la vie paroissiale par, entre autres, la présentation de pièces de théâtre traditionnelles.
À partir du milieu du XXe siècle, le sud-ouest de Montréal connaît un processus de désindustrialisation qui s’intensifie dans les années 1960. Les Irlandais de deuxième et de troisième génération quittent Griffintown pour se fondre dans la métropole. En 1970, le secteur est à l’abandon et l’église Sainte-Anne est détruite. Depuis les années 1990, la communauté irlandaise catholique de Montréal organise des évènements commémoratifs pour rappeler, qu’un jour, ce petit parc et ces quelques vestiges ont vibré au rythme de leur communauté.
En 1902, des paroissiens adressent une lettre à l’ordre des Rédemptoristes dans laquelle ils décrivent le travail réalisé dans les années précédentes. Cet extrait témoigne non seulement de l’importante activité paroissiale, mais aussi de l’omniprésence de l’Église Sainte-Anne dans le quotidien des résidants irlandais :
Sunday liquor traffic was suppressed; and keepers of houses of prostitution were made ta understand that St Ann’s parish was no refuge for their infamous trade. Annual bazaars were instituted, the proceeds of which, arnounting ta thousand of dollars, were devoted to the alleviation of the misery of the poor during our long and severe winters. The standard of education was raised; work provided for our unemployed; the spirit of a laudable ambition was instilled into the hearts of our young men, sa that they might take their place among those of other creeds and other nationalities, which position, unfortunately, they had not previously occupied. Young girls’ schools were fostered with a paternal love; the after careers of the pupils were carefully guarded; they were enrolled in sodalities of ‘Our Lady of Perpetuai Help’; the ‘Sacred Heart’, and the ‘Children of Mary’, where they were instructed in the moral and social virtues of Catholic young women, and by which they were enabled ta resist those temptations in life to which they were exposed, more particularly in a large city.
[La circulation des boissons alcoolisées était bannie le dimanche, et on a fait comprendre aux patrons des maisons de prostitution que leur infâme commerce n’était pas le bienvenu dans la paroisse Sainte-Anne. Des ventes de charité annuelles ont été ouvertes, dont les recettes, s’élevant à des milliers de dollars, étaient dédiées au soulagement de la misère des pauvres pendant nos longs et durs hivers. Le niveau de l’éducation a été amélioré; du travail a été fourni à nos chômeurs; l’esprit d’une louable ambition a été instillé dans le cœur des jeunes hommes, pour qu’ils puissent faire leur place parmi des gens d’autres croyances et d’autres nationalités, situation qu’il n’avaient malheureusement pas connue auparavant. Des écoles pour jeunes filles ont été soutenues avec un amour paternel; les futures carrières des pupilles étaient soigneusement surveillées; elles étaient inscrites dans des associations comme Our Lady of Perpetuai Help; le Sacred Heart, et les Children of Mary, où les vertus morales et sociales propres aux jeunes femmes catholiques leur étaient enseignées, leur permettant ainsi de résister aux tentations de la vie auxquelles elles étaient exposées, et plus particulièrement dans une grande ville.]
Archives de la Chancellerie de l’Archevêché de Montréal, 355.128, 1902-1, Sept., extrait tiré de TRIGGER, Rosalyn. The Role of the Parish in Fostering Irish-Catholic Identity in Nineteenth-Century Montreal, MA thesis, McGill University, 1997, p. 82.
BARLOW, John Matthew. ‟The House of the Irish”: Irishness, History, and Memory in Griffintown, Montréal, 1868-2009, Thèse (Ph. D.), Université Concordia, 2009, 338 p.
RONDEAU, Sylvain, Les Irlandais du quartier Sainte-Anne à Montréal, sources et institutions : 1825-1914, Rapport de recherche de M.A. (histoire appliquée), Université du Québec à Montréal, 2010, 113 p.
TRIGGER, Rosalyn. The Role of the Parish in Fostering Irish-Catholic Identity in Nineteenth-Century Montreal, Mémoire (M.A.), McGill University, 1997.
Référence de la citation du père Dowd dans le texte : Archives de la Chancellerie de l’Archevêché de Montréal.
901.145, 1866-1, Sept. 20., extrait tiré de TRIGGER, Rosalyn. The Role of the Parish in Fostering Irish-Catholic Identity in Nineteenth-Century Montreal, MA thesis, McGill University, 1997, p. 38.
Avant-après : Griffintown
Vue sur le parc du Faubourg-Sainte-Anne, à l'angle des rues de la Montagne et Rioux.
1896. Vue de Montréal depuis la cheminée de la centrale de la Montreal Street Railway, QC, 1896, par Wm. Notman & Son. Musée McCord. VIEW-2942.
2014. Griffintown, par Denis-Carl Robidoux. Centre d’histoire de Montréal.