En mars, Montréal prend des airs irlandais et se couvre de vert pour le défilé de la Saint-Patrick. Des centaines de milliers de Montréalais s’assemblent pour dire : « Kiss Me, I’m Irish! »
Montréal est reconnue internationalement pour son « très couru » défilé de la Saint-Patrick. Bravant le froid hivernal, des Montréalais de tous horizons soulignent cette fête qui est, à l’origine, une célébration chrétienne irlandaise. Son caractère spirituel et national est, au XXIe siècle, parfois oublié et laisse place à des festivités multiculturelles à saveur commerciale. Par le déploiement d’articles « Made in Ireland », la Saint-Patrick est désormais la journée où tout le monde peut se prétendre Irlandais. Un bref retour sur le passé nous permet pourtant de constater que le caractère rassembleur de la Saint-Patrick a eu un degré variable selon les époques.
Les premières festivités à Montréal
Défilé Saint-Patrick
Défilé Saint-Patrick - Patrick Kennedy
Une procession plus qu’une parade
À la fin des années 1840, la Grande Famine d’Irlande provoque l’arrivée massive d’Irlandais catholiques. Cette présence renforce l’Église catholique irlandaise de Montréal qui prend physiquement forme par l’ouverture de l’église Saint-Patrick en 1847. Cette année-là, le défilé de la Saint-Patrick est centré sur cette récente inauguration. Le clergé et les organisations catholiques ainsi que l’évêque de Montréal, monseigneur Ignace Bourget, sont à l’honneur. Au fil des ans, l’emprise du clergé catholique sur l’organisation de la Saint-Patrick s’accroît. Les Irlandais protestants et autres invités non catholiques se sentent de moins en moins les bienvenus.
Défilé Saint-Patrick 1879
Le défilé de tous les Montréalais
À l’aube du XXe siècle, l’Irlande est secouée par un mouvement pour l’indépendance nationale. L’organisation de la Saint-Patrick de Montréal est alors sous l’influence de l’Ancient Order of Hibernians (AOH), un groupe ouvertement indépendantiste. Les bannières et les slogans politiques atténuent le message religieux. En mars 1919, en pleine guerre civile irlandaise, le journal The Gazette rapporte : « Irishmen defied the elements...they marched...behind their large emerald banner flanked by the green, white and orange flags of the new republic--the first occasion on which this emblem has been publicly carried in a St. Patrick’s Day parade in Montreal. » [« Les Irlandais ont défié les éléments… ils ont défilé… derrière leur grande bannière émeraude flanquée des drapeaux vert, blanc et orange de la nouvelle république; la première occasion de porter publiquement cet emblème au cours du défilé de la Saint-Patrick à Montréal. »]
Défilé Saint-Patrick
Merci à Ken Quinn, historien des Sociétés irlandaises unies de Montréal, d'avoir contribué à la recherche et à la validation du contenu de cet article.
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Les traces du passé laissent penser que l’organisation de la Saint-Patrick a longtemps relevé de responsabilités exclusivement masculines. Dès 1824, le Canadian Spectator rapporte une réception d’environ « thirty gentlemen » [« 30 messieurs »], sans faire mention d’une quelconque présence féminine. À la fin du XIXe siècle, lorsque la Saint-Patrick est sous la mainmise du clergé, les organismes féminins sont écartés et ne font pas partie des éventuels organisateurs de la parade. En 1940, le journal The Gazette souligne pourtant la présence des femmes au banquet comme « le renouveau d’une coutume vieille de plusieurs années » [« a revival of the custom of many years ago ».] En 1956, les Sociétés irlandaises unies de Montréal créent un concours pour les femmes de 18 à 25 ans afin de sélectionner la reine et les princesses du défilé. Les titres de Premier officier et de Grand prévôt, traditionnellement réservés aux hommes, sont attribués respectivement à Mabel Ann Fitzgerald en 2002 et à Margaret Healy en 2005.
CRONIN, Mike, et Daryl ADAIR. The Wearing of the Green. A History of St-Patrick’s Day, London, Routledge, 2002, 317 p.
REAGAN, Peggy. « Montreal’s St. Patrick’s Day Parade as a Political Statement: The rise of the Ancient Order of Hibernians, 1900-1929 », Thèse de baccalauréat, Université Concordia, 2000.
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