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Le marché Atwater ou la persistance d’un lieu

16 novembre 2017
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Le marché Atwater, construit en 1932, est l’un des legs de la Grande Dépression à Montréal. Lieu de commerce et d’événements, ce bâtiment de grande envergure est aujourd’hui toujours aussi attractif.

Lieu : 138, avenue Atwater

1933 : Inauguration du marché

Brève histoire des marchés publics montréalais

Marché Atwater

Photo noir et blanc du marché Atwater
Archives de la Ville de Montréal. VM094-Z81-02.

La première place du marché à Montréal est érigée en 1676, à l’embouchure de la petite rivière Saint-Pierre, là où se trouve l’actuelle place Royale. Au XVIIIe siècle, la place devient rapidement le centre des affaires commerciales de la ville. Autochtones et Français y échangent leurs produits tous les mardis et vendredis; les citadins vont y acheter leur nourriture. En 1807, on construit un tout nouveau marché sur ce qui deviendra la place Jacques-Cartier quelques années plus tard, le marché Neuf. La ville compte désormais près de 10 000 habitants et le vieux marché ne parvient pas à subvenir seul aux besoins de la population grandissante.

On a bientôt besoin d’un troisième marché plus à l’ouest pour desservir le faubourg Sainte-Anne, en pleine expansion depuis l’inauguration du canal de Lachine. Construit en 1832 au coin des rues William et McGill, le marché Sainte-Anne marque une transition avec les anciens marchés à ciel ouvert. Désormais installés dans de vastes et imposants bâtiments à plusieurs étages, les nouveaux marchés vont aussi se doter de salles de réception et de halls, permettant la tenue de divers événements sociaux et politiques. En 1844, le parlement du Canada-Uni est d’ailleurs aménagé au marché Sainte-Anne, qui perd sa fonction commerciale. On construit le marché Bonsecours entre 1845 et 1846 pour y remédier.

D’autres marchés, plus modestes, apparaissent dans la périphérie de Montréal au fur et à mesure que les faubourgs et banlieues se développent. Ainsi, au courant du XIXe siècle et au début du XXe, on ouvre notamment les marchés Saint-Laurent (1843), Saint-Antoine (1855), Saint-Jean-Baptiste (1870), Saint-Jacques (1872) et Maisonneuve (1914).

L’ouverture du marché Atwater

Marché Atwater

Un commerçant derrière ses étals de légumes au marché montre une aubergine.
Archives de la Ville de Montréal. VM94U-641-08.

Durant la crise économique des années 1930, d’importants chantiers de construction sont lancés afin de remettre les chômeurs au travail. La Ville profite de la situation pour moderniser et rénover ses anciens marchés publics, ou pour tout simplement en construire de nouveaux. À Saint-Henri, on amorce en 1932 l’édification du marché Atwater, nommé en l’honneur de l’échevin Edwin Atwater (1808-1874), qui a également donné son nom à l’avenue Atwater. Le nouveau bâtiment est loin de faire l’unanimité. Aux yeux de plusieurs, le projet est trop ambitieux. Étant donné la proximité du marché Saint-Antoine, on ne voit pas l’utilité de construire une nouvelle institution aussi spacieuse. Dans les journaux de l’époque, on rapporte qu’un échevin, M. Trépanier, a qualifié le marché Atwater de « gaspillage éhonté ». Un autre, M. Dupuis, s’oppose au nom anglais qu’on a choisi pour l’institution.

Malgré les insatisfactions, le marché Atwater est finalement ouvert au public le 15 avril 1933. Les journaux en donnent d’intéressantes descriptions. Au rez-de-chaussée, on procède à l’ouverture de 21 étalages de fruits, légumes, volailles et poissons. Les étaux des bouchers occupent le premier étage. Au deuxième étage, un vaste hall de « 400 pieds par 60 » peut accueillir jusqu’à 10 000 personnes. On annonce aussi la fermeture de l’ancien marché Saint-Antoine, désormais désuet. Selon La Presse, environ 50 000 personnes visitent le marché Atwater lors de la première journée d’ouverture. Sa popularité est confirmée par le journal Le Devoir, qui écrit en juillet 1933 que le marché Atwater jouit « d’une énorme clientèle » et est « si encombré qu’il a fallu renvoyer 40 voitures de cultivateurs ». On rapporte qu’un des commerçants aurait même vendu pour 800 $ de beurre (près de 15 000 $ aujourd’hui!) en une seule journée.

Plus qu’un marché

Marché Atwater

Des gens pointent des légumes autour d'un étal au marché.
Archives de la Ville de Montréal. VM94U-641-13.

Au courant du XXe siècle, le marché Atwater héberge toutes sortes d’événements et activités qui enrichissent l’histoire du bâtiment. La grande salle du deuxième étage est utilisée pour de multiples expositions (dont l’exposition industrielle de 1936), réceptions et rassemblements politiques. Premiers ministres canadiens, québécois, maires, députés provinciaux et fédéraux y organisent des assemblées. Le bâtiment a notamment été visité par Camillien Houde, Maurice Duplessis et Richard Bedford Bennett. Des événements sportifs y ont également lieu, dont des compétitions de lutte d’envergure. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment sert aussi d’entrepôt de nourriture pour l’armée.

Sud-Ouest

Le canal de Lachine de soir avec le marché Atwater en arrière-plan
Photo : Denis-Carl Robidoux.

Après la Seconde Guerre mondiale, les marchés publics sont graduellement délaissés par le public, qui préfère les nouvelles grandes chaînes d’alimentation. Le marché public est alors perçu comme un élément du passé, démodé par rapport aux supermarchés modernes. La plupart des anciens marchés publics sont fermés, à l’exception du marché Atwater et du marché Jean-Talon. À Montréal, ces deux marchés sont les seuls à être restés ouverts sans interruption depuis leur inauguration.

Contribution à la recherche : Société historique de Saint-Henri.