La famille Di Lallo a rendu bien des services à Ville-Émard, son quartier d’adoption. Ces immigrants italiens y ont créé, entre autres, un fameux restaurant et une équipe de hockey de renom.
Famille DiLallo
Chacun aurait aimé avoir un restaurant comme Di Lallo Burger dans son quartier. On y servait bien plus qu’un célèbre hamburger. C’était un endroit qui procurait un sentiment d’appartenance, au point qu’on avait l’impression que le restaurant faisait partie intégrante de Ville-Émard. Originaires de Ururi, ville de la province italienne de Campobasso, Luigi Di Lallo et sa femme Giuseppina Plescia étaient aux commandes. Ils avaient immigré à Montréal au début du XXe siècle et ont élevé huit enfants dans le petit appartement à l’arrière de leur premier restaurant, situé au coin du boulevard Monk et de la rue Allard.
L’art de s’adapter
Famille DiLallo - intérieur
« Quand des chauffeurs de taxi et des policiers entraient, ils sentaient l’odeur de ce que ma mère était en train de cuisiner et ils voulaient manger ce qu’elle préparait dans la cuisine. C’est comme cela que mes parents ont commencé à vendre des plats cuisinés. Des années plus tard, les clients ont voulu des hamburgers. Mes parents ont commencé à en faire et ils y ont ajouté des piments maison. À cette époque, un hamburger coûtait cinq sous. Plusieurs années plus tard, ils ont ajouté du capicollo et du fromage et ils le vendaient un dollar [buck], donc ils l’ont appelé le Buck Burger. »
Un autre fils, Louis Di Lallo, est né en 1937. Il aimait jouer au football et au baseball. Louis a appris très jeune qu’il devrait travailler pour obtenir ce qu’il voulait. Et il l’a fait :
« L’été mon père vendait habituellement des plants de tomates et des fleurs. Ils étaient alignés le long du trottoir et dans la ruelle. En hiver, il vendait des sapins de Noël. Tout le monde lui en achetait. Mes frères livraient les arbres et faisaient quelques sous. Quand il y avait une procession, nous allions couper des arbres dans les bois et nous décorions les rues de Ville-Émard. Mes parents donnaient des paniers de nourriture à l’église toutes les semaines et, à Noël, on décorait les églises avec des arbres. »
Travail et bienveillance
Les enfants Di Lallo se rendaient compte de tout le travail fourni par leurs parents pour leur famille et ils ont ainsi pris fortement conscience de la valeur du travail. À un jeune âge, ils ont aussi compris qu’ils devaient montrer de la bienveillance envers les nécessiteux et envers leurs voisins. Ces valeurs étaient capitales dans toutes leurs expériences et dans les relations qu’ils établissaient avec tous.
Au restaurant, les clients se sentaient comme à la maison parce qu’ils y étaient choyés. Les immigrants italiens qui s’étaient établis à Ville-Émard (que ce soit dans les années 1910 ou 1960) avaient un besoin vital de communiquer avec les autres, autant pour leur survie économique que pour leur bien-être. Luigi et Giuseppina étaient là pour eux alors qu’il n’y avait pas de services sociaux. Des hommes venaient chercher du travail. D’autres venaient pour encaisser leurs chèques.
Louis Di Lallo raconte :
« À une époque, mon père avait une station de taxis, avec environ 25 voitures, devant le restaurant. Les gars allaient voir mon père et lui disaient qu’ils voulaient avoir un taxi. Mon père connaissait leur famille et donnait son accord. La première fois qu’il est allé chez un marchand de voitures à Verdun, il portait une vieille chemise et son tablier pendant. Le vendeur n’a pas voulu le servir. Finalement le propriétaire s’est approché, et mon père lui a dit : ‟Je veux acheter cette voiture.” Le propriétaire lui a demandé comment il avait l’intention de payer. Il a répondu : ‟Je vais la payer comptant.” Mon père avait toujours trois ou quatre mille dollars dans sa poche arrière. Quand il est revenu pour acheter une autre voiture, ils sont immédiatement venus le servir. »
Les enfants se souviennent que leurs parents étaient mal jugés à cause de leur apparence modeste, mais ils savaient que cela montrait que ces derniers étaient désintéressés.
Entièrement engagés pour le hockey
La famille DiLallo - Ron Stevenson
Les Hurricanes de Ville-Émard étaient bons. Vraiment bons. Demandez à Mario Lemieux, J. J. Daigneault, Marc Bergevin ou Gilles Meloche qui ont commencé le hockey dans cette équipe. Quand les Hurricanes ont débuté, dans le milieu des années 1960, ils ne pouvaient pas se permettre de louer l’aréna Gadbois. Leur patinoire d’entraînement se trouvait à l’extérieur, dans le parc Clifford de Ville-Émard. Comme il est bien plus difficile de patiner sur de la glace pleine de bosses et de fissures, ils ont acquis un meilleur équilibre et cela les a rendus supérieurs.
Les clés d’une réussite sportive
La famille DiLallo - restaurant
« Nous avions 36 équipes dans différentes ligues. Nous avions beaucoup de succès grâce à notre discipline de fer. Pour jouer au hockey avec nous, vous deviez avoir un certain niveau de résultats scolaires. Nous voulions nous assurer que c’était de bons étudiants. Nous avions de l’équipement d’occasion. Les patins étaient en cuir et les jeunes devaient les cirer. S’ils ne faisaient pas ce qu’ils devaient, les jeunes copiaient des lignes, comme : ‟Je dois vérifier ma liste d’équipement.” Au moins, nos gamins écrivaient vraiment bien. Mario Lemieux avait vraiment une belle écriture. Certains jeunes n’avaient pas d’argent. Ils travaillaient, ils ne demandaient jamais la charité. Ils distribuaient des prospectus, collectaient des bouteilles consignées et des journaux. »
Les Hurricanes, c’était plus que du hockey à Ville-Émard. Ils donnaient le droit à tout le monde de se vanter, surtout quand ils gagnaient contre Pointe-Saint-Charles, Notre-Dame-de-Grâce ou Saint-Henri. Et encore aujourd’hui, tout le monde dans le quartier parle avec fierté de l’équipe. Ce n’est pas seulement à cause de la nostalgie.
La famille Di Lallo rassemblait les gens. Les jeunes, francophones, anglophones, italiens, polonais, ukrainiens, qui avant se battaient dans les ruelles étaient maintenant dans la même équipe et se soutenaient les uns les autres. Les enfants des Italiens qui étaient arrivés après la Seconde Guerre mondiale avaient la possibilité de « devenir canadiens » en jouant au hockey. Et cela a comblé l’écart entre les anciens et les nouveaux immigrants. Les contraintes économiques ont forgé des caractères.
La famille Di Lallo a responsabilisé les gens. Ils ont aidé trois générations d’Italiens à s’installer dans leur vie canadienne. Pour cela, ils ont utilisé des activités canadiennes réinterprétées à l’italienne. Et ce faisant, ils ont gagné leur place dans l’histoire montréalaise.
Traduction : Anne Gombert.