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Harry Davis, roi de la pègre montréalaise

09 septembre 2019

Pan! Le roi du jeu est mort. Un gangster notoire abattu en plein jour au centre-ville de Montréal, du jamais vu! La nouvelle de l’assassinat d’Harry Davis se propage à la vitesse de l’éclair.

« “The Edge” is the undisputed boss of all vice in the city. » [« En ville, “The Edge” est le roi incontesté du crime. »] – Al Palmer, journaliste

Harry Davis

Photographie, en noir et blanc, en plan rapproché poitrine, d’un homme portant un complet cravate.
Archives de la Ville de Montréal. P43, S3, SS2, V77-E835-01.

Juif d’origine roumaine, Harry Davis arrive à Montréal en 1908 et se tourne rapidement vers le milieu illicite pour survivre. Outre la contrebande d’alcool, le trafic de drogue, le vol à main armée, la prostitution, il trempe dans le milieu du jeu et des paris illégaux. Dans les années 1930, il prend l’une des pires décisions de sa vie : il s’associe au contrebandier Charles « Charlie » Feigenbaum dans un trafic d’héroïne et de cocaïne qui transite par le port de Montréal. En 1933, les acolytes sont coincés par la police et, en échange d’une peine plus légère, Feigenbaum dénonce ses complices. Après un bref procès et à cause d’une preuve accablante, Davis est condamné à 14 ans de prison et 10 coups de fouet. Il passe les 12 années suivantes à la prison Saint-Vincent-de-Paul tout en maintenant des liens avec le monde illicite, où il est de plus en plus respecté.

À sa sortie de prison, en 1945, Davis ouvre son propre tripot au 1244, rue Stanley, près de la rue Sainte-Catherine, à deux pas de l’hôtel Windsor. En plus d’y parier sur les courses de chevaux, les clients peuvent y jouer au blackjack, à la roulette, au baccara et à la fameuse barbotte. Davis s’impose rapidement comme le « Roi du jeu », voire le « Roi de la pègre » dans la métropole. Il use de son influence et de ses contacts pour acheter le silence des policiers qui menacent de fermer sa maison de jeu. Il devient ainsi l’« edge man » du monde interlope, c’est-à-dire qu’il perçoit les pots-de-vin auprès des maisons de jeu et de paris illégaux en échange d’une protection policière.

Affrontement sanglant

Louis Bercowitz

Photographie en noir et blanc, un homme à gauche est dos à l’objectif alors que celui de droite est de face. Il porte une chemise à carreaux.
Concordia Libraries Special Collections, Fonds Al Palmer, P084.

Son règne est toutefois de courte durée, puisqu’il est abattu environ un an plus tard, le 25 juillet 1946, par un ancien croupier du nom de Louis Bercowitz. S’étant vu refuser la permission d’ouvrir sa propre maison de jeu par Davis, qui lui demandait 20 % de ses profits, Bercowitz, alias Joe Miller, décide de n’en faire qu’à sa tête et d’ouvrir son établissement sur l’avenue du Mont-Royal, qui est rapidement fermé par la police, faute de protection. Il tente sa chance une seconde fois, sans succès. Il entend alors dire qu’à cause de cet affront, Harry Davis aurait mis sa tête à prix. Inquiet, il se rend au 1244, rue Stanley afin de se confronter au « Roi du jeu » à propos de cette rumeur. Selon sa version des faits, la discussion entre les deux hommes aurait dégénéré, et Davis aurait alors tenté de sortir son arme. Bercowitz l’aurait pris de vitesse et atteint à deux reprises avant de s’enfuir.

Transporté à l’hôpital, Davis meurt des suites de ses blessures. Après plusieurs heures d’angoisse, Bercowitz décide qu’il est préférable de se rendre à la police, non sans avoir d’abord confessé son crime au journaliste Ted McCormick du Montreal Herald. Plaidant la légitime défense, Louis Bercowitz est reconnu coupable d’homicide involontaire et condamné à la prison à vie. En 1958, il sort de prison et part vivre au Mexique, où il coule le reste de ses jours.

Ce texte de Maryse Bédard est tiré du livre Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, sous la direction de Catherine Charlebois et Mathieu Lapointe, Montréal, Cardinal, 2016, p. 171.

Référence bibliographique

CHARLEBOIS, Catherine, et Mathieu LAPOINTE (dir.). Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, Montréal, Cardinal, 2016, 272 p.