À Montréal, Bethune reçoit chez lui les figures pionnières de l’art moderne au Canada. S’adonnant lui-même à la poésie et à la peinture, il expose au Salon du printemps de 1935.
Bethune artiste
À l’époque, réveillé par l’avant-garde anglophone, Montréal s’ouvre à un art moderne engagé. Vivement la ville, les ouvriers, le quotidien, le vrai monde! Les lieux d’exposition sont encore rares : les magasins Eaton et Morgan et quelques galeries, comme la Scott & Sons et l’Art Association. Les artistes se rencontrent chez les uns et les autres, aux restaurants Samovar ou Chez Stein et dans les cafés et tavernes du centre-ville, pour partager leurs rêves.
L’appartement du docteur Bethune, collectionneur à ses heures, est un lieu de fête et de conversations animées. Peintres, écrivains et poètes y passent la nuit, buvant et discutant de politique aussi bien que d’art. Doué pour la peinture et l’écriture, Bethune se voit lui-même comme un artiste dont l’inventivité s’exprime autant en médecine qu’en peinture et en poésie. Explorer, découvrir, créer, ces aptitudes font naturellement partie de sa personnalité. Peu attiré par les conventions, il se reconnaît dans les intellectuels progressistes et les artistes de la bohème anglophone. La Grande Dépression ébranle bien des certitudes et stimule un milieu artistique montréalais jusque-là plutôt sage.
Dans le cercle des grands peintres montréalais
Bethune appartement
Ouverts aux courants internationaux, valorisant la subjectivité de l’artiste et son expérience sensible, ses amis rejettent les conventions esthétiques nationalistes prônées par des peintres tels Clarence Gagnon et le Groupe des sept. Plusieurs sont issus de familles ouvrières juives récemment arrivées à Montréal et favorables au socialisme. Le paysage matériel et humain contrasté des villes leur permet de pousser plus loin l’expérimentation des formes, même si la plupart demeurent fidèles à la figuration et au postimpressionnisme. Ces artistes se regrouperont en 1939 au sein de la Société d’art contemporain de Montréal, en compagnie de Paul-Émile Borduas, de Stanley Cosgrove et de plusieurs autres.
Bethune, taquin, aimait bien retoucher les tableaux de ses amis peintres. Un jour, il repeint en bleu le rouge d’une maison de la fameuse toile Petrouchka de la peintre Paraskeva Clark. Ce tableau représente une protestation contre la mort de cinq grévistes de Chicago tués par la police. L’artiste s’empresse de restaurer la couleur originale...
Bethune artiste
Bethune cherche aussi à partager son amour de l’art avec les jeunes. Dans son appartement du square Beaver Hall (aujourd’hui place du Frère-André), il met sur pied, avec ses amis peintres Fritz Brandtner et Marian Dale Scott, une école d’art gratuite pour enfants défavorisés. Après une excursion en ville dans les galeries d’art et les musées avec leurs guides Norman et Fritz, les enfants illustrent leurs découvertes sur de grandes feuilles de papier. En 1937, leurs créations remportent trois des six prix d’un concours de dessins d’enfants à l’Exposition internationale de Paris. Au fil des ans, Brandtner implante ce type d’école dans divers organismes comme le Negro Community Center, le YMCA de Verdun et le Children’s Memorial Hospital.
Ce texte est tiré de l’exposition Les aventures de l’imprévisible Dr Bethune présentée par le Centre d’histoire de Montréal du 17 novembre 2009 au 29 août 2010.