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Bethune à Montréal, le combat contre la tuberculose

17 février 2019
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Atteint de tuberculose, Bethune profite d’un séjour en sanatorium pour parfaire ses connaissances de la maladie. Il s’établit à Montréal, une fois guéri, pour combattre ce fléau.

Tuberculose affiche

Affiche de prévention contre la tuberculose publiée par le Service de la Santé.
Archive de la Ville de Montréal
Détroit, automne 1926. Séparé, endetté et épuisé par son travail, Bethune apprend qu’il est atteint de tuberculose. Autrefois appelée phtisie, consomption ou peste blanche, cette maladie n’est pas l’apanage des artistes, comme on l’a longtemps cru, mais le fléau des pauvres et des villes surpeuplées. Depuis que l’Allemand Robert Koch a isolé le bacille de la tuberculose, on sait que la maladie est contagieuse et non héréditaire. Transmise par voie respiratoire ou alimentaire, la mycobactérie cause des lésions importantes aux poumons. Ses symptômes sont discrets – fatigue, perte de poids et d’appétit, toux, fièvre et saignements –, mais son issue est souvent fatale.

Après avoir nié l’évidence, Bethune accepte de suivre la cure de repos prescrite et séjourne dans un sanatorium. Se portant de mieux en mieux, il retourne à Détroit, mais la maladie le ramène à l’hôpital quelques semaines plus tard. Irrité de se voir condamné par l’impuissance de la médecine, il remet en question la cure de repos comme méthode exclusive de thérapie. Il consacre alors de longues heures à l’étude d’ouvrages scientifiques et y découvre un traitement chirurgical relativement nouveau, le pneumothorax artificiel : une aiguille creuse est insérée entre les côtes et on insuffle de l’air dans la cavité pleurale. Le poumon infecté s’affaisse, tombe en repos, ce qui accélère la guérison.

Patient difficile, Bethune fume, fait des escapades nocturnes à la taverne du coin et « soigne » ses camarades par des fêtes clandestines arrosées de vin venu de Montréal en contrebande, prohibition oblige! Son état de santé s’aggrave. Croyant sa mort imminente, il plonge dans la dépression et songe même au suicide. Il insiste pour avoir recours au pneumothorax, même si l’opération est risquée. Un mois plus tard, le patient est guéri.

Changement de cap

Bethune 1933

Photo en noir et blanc d’un médecin et ses assistants dans une salle d’opération
Bibliothèque et Archives Canada. PA-160591.
L’expérience de la maladie, marquée par les idées suicidaires, transforme profondément Bethune. Il oublie sa quête de richesse et de succès pour donner un nouveau sens à sa vie : le combat contre la tuberculose. En 1928, à 38 ans, sans argent et divorcé, il arrive à Montréal pour s’y tailler une place comme spécialiste. Pourquoi Montréal? Parce que le docteur Edward Archibald y travaille, au sein d’un département de chirurgie expérimentale de renommée internationale. Chirurgien en chef à l’Hôpital Royal Victoria et professeur à l’Université McGill, ce pionnier canadien de la chirurgie thoracique fait de Bethune son assistant.

Sous sa direction, Bethune se hisse rapidement au sommet de sa profession. Partisan du traitement chirurgical de la tuberculose, il multiplie les plaidoyers en faveur du pneumothorax artificiel et de l’examen des poumons par rayons X. Bousculant la tradition, il innove, dessine et invente de nouveaux et populaires instruments chirurgicaux, dont plusieurs seront commercialisés sous son nom par la société Piling aux États-Unis.

Si Bethune irrite ses collègues par son attitude irrévérencieuse et sa pratique parfois téméraire de la chirurgie, il s’attire l’admiration et l’amour de ses patients, étudiants et subalternes par sa bonne humeur et sa chaleur humaine. Il étonne par sa créativité, son style vestimentaire et son caractère fantasque. À la longue, ses relations avec ses collègues s’enveniment. Même Archibald, homme intègre au jugement posé, le voit comme un égocentrique qui marche sur les pieds de tout le monde. Il le congédie à l’automne 1932.

Une réputation internationale

Hôpital du Sacré-Cœur

Carte postale montrant le bâtiment de l'hôpital du Sacré-Cœur
Collection du Centre d’histoire de Montréal
En 1933, Bethune est nommé chirurgien en chef du nouveau service de chirurgie pulmonaire et thoracique de l’Hôpital Sacré-Cœur, à Cartierville. Un anglo-protestant au style flamboyant débarque dans un hôpital catholique canadien-français; l’administration retient son souffle. Son charme et sa compétence ont raison des réticences. Avec les jeunes chirurgiens Deshaies, Rolland et Cousineau, il accroît la réputation internationale de Sacré-Cœur. Reconnu par ses pairs, il est élu au conseil de l’Association américaine pour la chirurgie thoracique en 1935. Bethune introduit plusieurs nouveautés, comme la transfusion sanguine de patient à patient et une banque de sang. Il pratique aussi une ablation du poumon chez une fillette de 10 ans, une première au Canada!

La crise économique semble peu le toucher, mais le contact quotidien avec les malades lui confirme qu’il existe une tuberculose du riche et une tuberculose du pauvre : le riche s’en tire et le pauvre en meurt. Bethune, médecin humaniste, ne peut rester indifférent.

Ce texte est tiré de l’exposition Les aventures de l’imprévisible Dr Bethune présentée par le Centre d’histoire de Montréal du 17 novembre 2009 au 29 août 2010.