En 1866, un projet de l’évêque de Montréal menace l’intégrité des églises irlandaises catholiques. Le père Patrick Dowd, curé de l’église Saint-Patrick, compte parmi ses plus farouches opposants.
Père Dowd
Lorsque près de 20 ans plus tard, l’évêque de Montréal, monseigneur Bourget, reconnu comme l’un des visages de l’ultramontanisme dans la métropole, a pour projet de démembrer la paroisse Notre-Dame en plusieurs petites paroisses, il trouve le père Dowd sur son chemin.
La paroisse Notre-Dame et les églises irlandaises
Père Dowd - Canadian illustrated News
Les Irlandais catholiques partagent d’abord les lieux de culte avec la majorité canadienne-française. Répandus à travers la ville, ils sont souvent minoritaires et dépendent du clergé francophone. Rapidement, les Irlandais réclament une institution propre à leur communauté. Avec la collaboration des Sulpiciens, l’église Saint-Patrick est ouverte en 1847 rue Dorchester (actuel boulevard René-Lévesque). Quelques années plus tard, l’église Sainte-Anne est bâtie dans Griffintown. Ces deux églises sont considérées comme des « succursales » de la paroisse Notre-Dame.
Monseigneur Bourget et le père Dowd
Père Dowd
Sans surprise, les Sulpiciens, dont le père Dowd, crient au scandale et mobilisent la population irlando-catholique. Ils dénoncent le projet comme une attaque directe à la communauté irlandaise et une tentative d’assimilation. Pour le père Dowd, les institutions religieuses irlandaises garantissent, ni plus ni moins, l’unité de la communauté et sa survie culturelle au sein d’une population où elle est minoritaire. Comme il l’explique, ces églises représentent un lieu où les Irlandais « peuvent se réunir en paix pour vénérer Dieu; sans qu’on leur rappelle, chaque fois, qu’ils sont une minorité et que, de ce fait, leur place est secondaire. » [« may meet in peace to worship God; without being reminded, each time, that they are a minority, and that, by right, the second place is theirs. »] Il craint aussi de briser l’harmonie qui prévaut entre francophones et anglophones en les forçant à partager un même lieu.
En amont de cette guerre pour la défense de la communauté irlandaise catholique de Montréal se cachent des enjeux de pouvoir et d’argent. Pour les Sulpiciens, le démembrement de la paroisse Notre-Dame porte une atteinte directe à leur suprématie. Pour le père Dowd, la nouvelle autonomie paroissiale signifie, entre autres, plus de responsabilités financières et une moins grande influence sur ses fidèles irlandais.
Les paroisses jumelles
Père Dowd - carte des paroisses de l'archidiocèse
Plus largement, cette nouvelle définition territoriale amène un changement notoire pour Montréal : dès lors, les résidants catholiques ne s’identifient plus à leur quartier ou à leur côte, mais à leur paroisse.
Églises Pointe-Saint-Charles
Au fil des ans, les paroisses se multiplient à travers l’île. Dans Pointe-Saint-Charles, en 1875, la paroisse Saint-Gabriel est érigée comme « paroisse mixte », c’est-à-dire qu’elle accueille autant les anglophones que les francophones du secteur. Malgré de bonnes relations, la population canadienne-française, en croissance dans ce quartier, demande l’érection d’une nouvelle paroisse qui lui serait propre. En 1883, la paroisse Saint-Charles est créée. Dans les années subséquentes, anglophones et francophones construisent côte à côte leurs églises qui sont toujours voisines au XXIe siècle dans la rue Centre, à Pointe-Saint-Charles.
Le 19 mai 1887, une grande fête est donnée en l’honneur du jubilé des pères Dowd et Toupin. Le livre créé pour l’évènement est disponible ici.
Aussi, si vous contournez l’imposante église Saint-Patrick par la rue Saint-Alexandre, vous croiserez la rue Dowd, symbole toponymique d’un bâtisseur de la communauté irlando-catholique de Montréal.
L’ultramontanisme se déploie au Québec au XIXe siècle. Ses principaux protagonistes sont monseigneur Jean-Jacques Lartigue, le premier évêque de Montréal, son successeur, monseigneur Ignace Bourget, et monseigneur Louis-François LaFlèche, l’évêque de Trois-Rivières. Ils défendent un ensemble de doctrines favorables à l’autorité absolue du pape et du clergé sur la société civile. Ils sont, par exemple, les fiers partisans d’un système d’éducation contrôlé par l’Église.
Archives de la Chancellerie de l’Archevêché de Montréal, 355.121, 866-8, 8 novembre 1866, extrait de TRIGGER, Rosalyn. « The geopolitics of the Irish-Catholic parish in nineteenth-century Montreal », Journal of Historical Geography, 27, 4, 2001
LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, Montréal, Boréal, 2000, 627 p.
MCQUILLAN, Aidan. « Des chemins divergents : les Irlandais et les Canadiens français au XIXe siècle », Culture française d’Amérique, 1999, p. 133-166.
TRIGGER, Rosalyn. The Role of the Parish in Fostering Irish-Catholic Identity in Nineteenth-Century Montreal, Mémoire (M.A.), McGill University, 1997.
TRIGGER, Rosalyn. « The geopolitics of the Irish-Catholic parish in nineteenth-century Montreal », Journal of Historical Geography, 27, 4, 2001, p. 553-572.