Au XXe siècle, un inexorable déclin marque Griffintown : la population quitte les taudis tandis que l’industrie s’essouffle. Pendant les années 1990 s’amorce pourtant un spectaculaire retour à la vie.
Quartier aux identités multiples, Griffintown a fait la une au début des années 2000 alors que gouvernements et entreprises privées investissaient à coup de millions dans ce coin, longtemps oublié, de la ville. Du fief Nazareth, à vocation agricole, à la nouvelle Cité du Multimédia, en passant par le fleuron de l’industrie canadienne, le faubourg a connu des transformations radicales au fil du temps. Après un long déclin a émergé un quartier neuf aux accents de haute technologie.
Détérioration des conditions de vie
Griffintown - maison 1903
Le secteur est mal desservi par le réseau d’aqueducs et il est régulièrement frappé par des incendies, des inondations et des épidémies. Une première grave épidémie de typhus tue ainsi 6000 Irlandais en 1847. Dès les premières années du XXe siècle, les ouvriers les plus riches commencent à quitter Griffintown et la population stagne. Beaucoup vont quand même rester en raison du faible coût des loyers et de la présence de services communautaires, surtout destinés à la communauté irlandaise.
Déclin industriel au XXe siècle
L’essoufflement se fait aussi sentir dans le domaine industriel : alors qu’un tiers des usines de Montréal se trouvaient à Griffintown en 1860, moins d’un dixième y sont établies en 1930. Hormis pendant les deux guerres mondiales, qui donnent au quartier ses dernières heures de gloire avec la production de masse de matériel de guerre, le faubourg, durement touché par la crise de 1929, subit un déclin économique.
Autoroute Bonaventure en 1966
Autre coup dur, l’ouverture de l’autoroute Bonaventure en 1966 cause la destruction de 34 usines et entrepôts ainsi que d’une centaine de logements. Pendant cette décennie, les parcs de stationnements se multiplient, une réalité qui a perduré. L’activité industrielle du faubourg ne survit donc pas aux années 1970. Cet effondrement survient au moment même où tout le sud-ouest montréalais subit une désindustrialisation. Les fermetures d’usines et leur abandon, ainsi que le déménagement des compagnies, ne sont donc pas, à cette époque, caractéristiques de Griffintown.
Griffintown - démolition église Sainte-Anne
Résistance et longue reconstruction
Les résidants qui restent réussissent cependant à se mobiliser pour sauver les dernières traces du passé ouvrier. Un comité de citoyens est par exemple mis sur pied durant les années 1970. Progressivement, la reconstruction du quartier s’organise : la zone sud, autour du canal de Lachine, est revitalisée à partir des années 1980 par des projets des gouvernements fédéral et provincial.
Du côté nord, l’implantation de l’École de technologie supérieure, au milieu des années 1990, relance l’activité de la rue Notre-Dame. Notons que cette institution s’installe dans les anciens locaux de la brasserie Dow, fermée en 1991. Ces grands projets publics incitent les promoteurs immobiliers à revenir dans cette zone durant les années 2000 et, par sa proximité avec le centre-ville, Griffintown redevient un secteur attirant pour les entreprises. Au début des années 2000, 6000 personnes y travaillent alors que la Ville permet à nouveau les constructions résidentielles.
Investissements et multimédia
Griffintown en 2010
Ce qui illustre peut-être le mieux la volonté de renaissance, c’est la série de noms qui sont donnés au secteur entre les années 1960 et 1990 pour lui conférer une certaine étiquette : faubourg des Récollets, quartier des Écluses, Cité du Multimédia. Le fait qu’on revalorise le mot Griffintown au tournant du XXIe siècle est signe d’une certaine maturité : les Montréalais ont peut-être enfin accepté le riche passé de ce quartier unique, foyer historique de la communauté irlandaise et berceau de l’industrialisation montréalaise.
Cet article est a été écrit à partir d’un article paru dans le numéro 40 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008. Il a été remanié en 2015 par Anne Gombert et Charles Turgeon.
Avant-après : Griffintown
Vue sur le parc du Faubourg-Sainte-Anne, à l'angle des rues de la Montagne et Rioux.
1896. Vue de Montréal depuis la cheminée de la centrale de la Montreal Street Railway, QC, 1896, par Wm. Notman & Son. Musée McCord. VIEW-2942.
2014. Griffintown, par Denis-Carl Robidoux. Centre d’histoire de Montréal.