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La place Norman-Bethune, hommage à un médecin sans frontières

17 février 2019
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Articulé autour d’une statue, un espace public du Quartier Concordia souligne l’importance du travail de Norman Bethune comme chirurgien de l’armée de Mao durant la guerre sino-japonaise.

Place Norman-Bethune

Statue de Norman Bethune
Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.
D’abord il y a eu le monument : une statue venue de loin, directement de Chine. Œuvre de l’artiste Si Tu Jie, elle est une réplique en marbre blanc de la statue de Bethune que l’on trouve au mémorial de Shijiazhuang. C’est là qu’a été inhumé le célèbre chirurgien canadien, aux côtés de ses camarades chinois tombés au combat.

La statue, offerte à la Ville de Montréal en 1976 par la République populaire de Chine, représente Norman Bethune avançant d’un pas déterminé, vêtu de ses habits militaires et de sa blouse de chirurgien. Cette allure digne et fière sied fort bien à l’homme que les Chinois considèrent comme un héros national. Encore aujourd’hui, ce peuple lui voue un véritable culte pour son engagement sur le terrain et sa générosité pendant la guerre sino-japonaise de 1937-1945.

Longtemps coincé au milieu de la circulation automobile, le monument s’élève maintenant dans un espace plus vaste et agréable, à l’angle du boulevard De Maisonneuve et de la rue Guy. La place Norman-Bethune, avec sa statue fraîchement restaurée, est inaugurée en 2008, année du 80e anniversaire de l’arrivée de Bethune dans la métropole québécoise. Né en 1890 en Ontario, le médecin s’installe à Montréal pour étudier et pratiquer la chirurgie thoracique à l’Hôpital Royal Victoria, après avoir survécu à la tuberculose.

Un espace de commémoration

Statue Bethune Chine

Statue de Norman Bethune en Chine en 1940
Archive de la Ville de Montréal. VM94-D118-28.
Ce n’est pas un hasard si la place Norman-Bethune se trouve dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Quartier Concordia. Le médecin y a vécu durant huit ans, recevant chez lui la bohème montréalaise de l’époque. Lui-même artiste à ses heures, il organise même dans sa maison des cours de peinture destinés aux enfants démunis. C’est à Montréal que Bethune habite le plus longtemps durant sa vie adulte. Il quitte la ville en 1936 pour s’engager comme médecin en Espagne, pendant la guerre civile, puis part en Chine en 1938, où il meurt l’année suivante après avoir œuvré comme chirurgien dans l’armée de Mao. Plusieurs fois, Bethune, le médecin bon vivant, aurait pu choisir une vie facile et confortable. L’homme d’action a plutôt opté pour le communisme, l’aventure et le monde, ne laissant personne indifférent sur son passage.

Longtemps oublié hors de Chine, Bethune prend du galon dans son pays à partir des années 1950. Les Canadiens le découvrent grâce au best-seller international The Scalpel, the Sword: The Story of Dr. Norman Bethune. En 1965, l’Office national du film du Canada lui consacre un documentaire : Bethune, héros de notre temps.

Après le rétablissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Canada en 1970, les Canadiens réalisent l’importance de l’homme en Chine. Plusieurs délégations chinoises souhaitent voir sa maison natale à Gravenhurst. Acquise en 1973 par le gouvernement du Canada, elle devient un des lieux historiques nationaux de Parcs Canada. Des milliers de personnes visitent la maison chaque année, dont une majorité de Chinois.

Pour plusieurs, le personnage de Bethune prend les traits de l’acteur Donald Sutherland, qui l’incarne en 1977 dans une série télévisée puis, en 1990, dans le film Bethune : L’étoffe d’un héros. Que ce soit par un film, un livre ou une place publique, l’homme, qui a su autant séduire que déranger, mérite largement d’être connu et reconnu.

Ce texte est tiré de l’exposition Les aventures de l’imprévisible Dr Bethune présentée par le Centre d’histoire de Montréal du 17 novembre 2009 au 29 août 2010.