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La gare du Mile End

11 février 2019
Mémoire du Mile EndMémoire du Mile End
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De 1877 à 1970, le bâtiment de la gare du Mile End était le point focal d’un secteur s’articulant autour de la voie ferrée du Canadien Pacifique.

Gare du Mile End

Photo en noir et blanc d’une très petite gare bordée par deux voies ferrées.
Archives du Canadien Pacifique.
Située du côté nord de la rue Bernard, dans l’axe de la rue Saint-Dominique, la gare du Mile End a été pendant un demi-siècle l’arrêt principal des trains du Canadien Pacifique en banlieue nord de Montréal. On y prenait le train pour les Laurentides (le P’tit Train du Nord), l’Outaouais ou Québec via Trois-Rivières. Même après le déménagement du service ferroviaire pour voyageurs vers la rue Jean-Talon en 1931, une boucle de fin de circuit de tramways (destination « Mile End ») était située devant la gare jusqu’en 1958. Au milieu du XXsiècle, lorsque le nom Mile End est tombé en désuétude, l’ancienne gare était le lieu le plus souvent associé à ce nom — malgré son éloignement du cœur historique du quartier et malgré son réemploi depuis 1931 en manufacture ou entrepôt. .

Le chemin de fer nommé « Québec, Montréal, Ottawa et Occidental », reliant Hochelaga, le Mile End et Saint-Jérôme, a été ouvert le 16 octobre 1876. Des prolongements de Sainte-Thérèse à Hull, puis de Saint-Martin (Laval) à Québec ont été créés dans les années suivantes. Le Canadien Pacifique (CP) en a fait l’acquisition en 1882 (pour la division ouest) et en 1885 (pour la division est).

Une première gare

Une dispute sur la localisation de la gare du Mile End a retardé sa construction jusqu’au printemps 1877. La gare a été envisagée initialement près de l’intersection des avenues du Mont-Royal et Henri-Julien, soit très près de la partie développée du Mile End et du village voisin de Saint-Jean-Baptiste. L’impératif d’atteindre la rive du Saint-Laurent (à Hochelaga) en contournant vers l’est la topographie élevée du secteur Mile End a contraint la compagnie à dévier la voie principale à partir du boulevard Saint-Laurent. La gare du Mile End pouvait être au fond d’un embranchement ou sur la ligne principale à un mille du village. C’est finalement cette dernière option qui a été adoptée (avec le soutien de Louis Beaubien, propriétaire du terrain où la gare a été érigée). L’édifice a été incendié lors d’un cambriolage, le 6 décembre 1878, puis reconstruit selon les mêmes plans et rouvert en février 1879.

Une nouvelle gare

Gare du Mile End

Carte postale colorée d’une petite gare de brique avec une dizaine de personnes devant, dont des enfants.
BAnQ. Collection Michel Bazinet, 9-18-a.
En 1910, l’architecte du CP, Walter S. Painter, dresse les plans d’une nouvelle gare en brique, beaucoup plus grande que la première. Le nouvel édifice, ouvert au public le 11 mai 1911, est typique des gares de banlieue ou de petite ville du CP de cette époque. Elle ressemble à celles de Saint-Jérôme (construite en 1897 et aujourd’hui convertie en centre touristique) ou de Westmount (encore existante, mais abandonnée) et, en plus petit, à celle de West Toronto (démolie en 1982).

La nouvelle gare ne sera en service que pendant 20 ans. Déjà, depuis 1889, le CP dispose de deux terminus au centre de Montréal. Le premier, installé initialement en 1884 au square Dalhousie, puis, à partir de 1898, au square Viger, est situé au bout de la ligne du Mile End, près de la rue Berri. Le second est la gare Windsor, ouverte en 1889 pour desservir les lignes des Maritimes, des États-Unis et du sud de l’Ontario. Les voies d’accès des deux terminus forment comme un étau autour de la ville avec un point de jonction un peu au nord du Mile End. Les trains transcontinentaux utilisaient la ligne du Mile End à leurs débuts, en 1886, mais sont orientés vers la gare Windsor avant la fin du siècle. À partir des années 1920, le CP dévie certains trains de Québec vers la gare Windsor pour faciliter les correspondances vers Toronto et l’Ouest canadien, ce qui les empêche de s’arrêter dans le Mile End et incommode des voyageurs influents d’Outremont. Le CP est alors obligé d’instaurer un arrêt équivalent sur l’autre branche, à l’intersection de l’avenue du Parc et de la rue Saint-Zotique. Le problème est enfin résolu par l’ouverture, le 1er novembre 1931, de la nouvelle gare Park Avenue (ou gare Jean-Talon), localisée en amont du point de jonction. La gare du Mile End est alors fermée.

Nouvelle vocation et démolition

Mile End - voie ferrée

Photo contemporaine d’une voie ferrée double avec un homme et une femme marchant à côté.
Photo de Sarah Gilbert
L’édifice du Mile End est loué pendant quatre décennies à une série d’entreprises qui y établissent des manufactures légères et des entrepôts. Pendant un certain temps, le CP y maintient un bureau de marchandises. L’avant-dernier locataire, le grossiste de matériaux de planchers Congress Flooring, construit en 1960 un entrepôt d’acier préfabriqué du côté est de la gare au 77 rue Bernard Est. Le dernier locataire est Million Tapis et Tuiles dont le magasin se trouve juste à l’ouest. Enfin, les travaux préparatoires à la construction du viaduc routier Rosemont-Van Horne (ouvert en janvier 1972) offrent le prétexte pour démolir la vieille gare qui disparait en août 1970.

Cette disparition, suivie de l’abandon progressif des activités ferroviaires de desserte industrielle, a laissé le paysage actuel de la rue Bernard Est plutôt difficile à déchiffrer. Quelques vestiges de la gare s’y trouvent encore : un pavage au sol en brique rouge et la clôture typique du CP le long de la rue Bernard.

L’ensemble du site ferroviaire du Mile End (gare et partie restante de la cour Saint-Louis, appelée Champ des Possibles) est vendu à la Ville de Montréal en 2009. À la suite d’une consultation publique sur les abords de la voie ferrée menée par l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et les Amis du Champ des Possibles en 2015, le secteur sera consacré à des fins écologiques et récréatives.

Cet article est tiré du texte Gare du Mile End, rédigé en 2016 et disponible sur le site Internet de l’association Mémoire du Mile End.

Référence bibliographique

DESJARDINS, Yves. Histoire du Mile End, Québec, Septentrion, 2017, 355 p.