Emilia De Minico, une Italo-Montréalaise installée dans le Mile End depuis 1960, nous confie quelques-uns de ses souvenirs d’immigration.
Emilia De Minico
Emilia raconte : « Dans la Rue Clark et dans tout le quartier, il y avait plein d’Italiens. Mais aussi des Grecs et des Portugais. Le café Olimpico et le Club Social étaient des clubs privés réservés aux hommes italiens. Moi, je n’avais pas le droit d’y entrer. Dans ce quartier, j’ai retrouvé certaines familles que j’avais connues sur le bateau Queen Federicia qui a nous avait amenés ici. Dans la rue Bernardo [il s’agit de la rue Bernard], il y avait une très belle église où on donnait une messe en italien, mais elle a été rasée pour faire place à une école. Le quartier a bien changé. Imagine-toi que dans le bâtiment qui est là, juste en face de nous, de l’autre côté de la clôture de ma cour, il y avait une usine de textile. C’est là que j’ai trouvé de la jobba [travail] et, en plus, j’ai eu la chance d’avoir ma table de travail juste à côté de cette fenêtre-là. Ainsi je pouvais voir mes deux enfants jouer dans notre cour. »
Chicanes politiques et familiales
Emilia De Minico
Cinq ans après la naissance de Carmine, la petite famille a embarqué pour le port d’Halifax. Emilia se souvient du voyage : « Sur le bateau, à cause de la mer agitée, il y avait une corde. Pour ne pas glisser par terre, on s’accrochait à la corde. Carmine aimait jouer avec la corde en glissant à gauche et à droite. Il a attiré l’attention de deux femmes américaines qui étaient allées en vacances en Italie. Elles étaient comme tombées amoureuses de mon fils, de Carmine, et l’ont amené dans leur cabine. Puis, juste avant l’aube, elles me l’ont ramené en disant qu’il avait fait pipi dans leur lit. »
Après tant d’années à Montréal
Emilia De Minico
Au premier étage du duplex qu’Angelo a acheté en 1970 a habité un couple d’Italiens, Emanuele et Maria, pendant 40 ans. Ils ont décidé de rentrer dans leur village en Italie en 2015. Maria appelle Emilia toutes les semaines, et elle lui dit qu’elle a la nostalgie de Montréal. Emilia explique : « Elle ne peut plus revenir ici. Les loyers dans le Mile End sont devenus prohibitifs. Ce quartier a changé tellement. Avant ça ne coutait rien. Maria me donnait beaucoup de compagnie. Maintenant, je me sens seule, comme mon jardin. Avant il y avait beaucoup de plantes, des raisins et un arbre avec des cerises. Regarde chez mon voisin portugais, comme elles sont belles ses tomates. Moi, je ne peux pas m’occuper de mon jardin, je suis trop vieille et fatiguée. Quand je ne serai plus là, mes fils vendront notre maison. Ainsi, il y aura encore moins d’Italiens ici. L’émigration a été une bonne chose, mais aussi mauvaise, car je pense à mon village chaque jour. Cette nostalgie ne s’en va jamais. »