Une coulée verte au cœur du centre-ville
Le campus McGill est placé sur le flanc sud de la montagne, à la limite des coteaux abrupts du mont Royal. Le campus est situé dans la zone de transition qui relie les contreforts du sommet Mont-Royal au centre-ville. Le campus McGill ne se limite pas au cœur emblématique de l’université (le « campus inférieur »), mais occupe aussi de nombreuses anciennes résidences bourgeoises et de nouveaux pavillons situés dans le nord-est du « Mille carré ». Au pied de la montagne, ce campus et ce quartier historique se placent en arrière-scène du centre-ville, où la trame orthogonale montréalaise vient se heurter au relief accidenté de la montagne. La notion de coulée verte, des hauteurs du mont Royal à la rue Sherbrooke, est particulièrement équivoque sur le campus McGill. Ce versant bâti est interrompu par les coulées vertes créées par le parc Rutherford et l’esplanade centrale de l’université. La succession des espaces de l’esplanade dans la perspective de l’avenue McGill College, du parc Rutherford avec le réservoir McTavish, de l’ancienne villa Allan et du flanc sud du parc du Mont-Royal forme la mise en scène la plus prestigieuse de la montagne. Treize arbres remarquables sont présentés dans l’ensemble du campus McGill.
Un campus « à l’américaine »
Au cœur de l’Université McGill, l’esplanade et l’axe central du site orchestrent le lien visuel et physique entre le pavillon des Arts (le premier pavillon construit par l’université) et le majestueux portail d’entrée Roddick. L’emplacement de la maison et l’allée centrale de l’ancienne propriété de James McGill sont des facteurs à l’origine de l’organisation spatiale du campus McGill. Les parterres latéraux plus restreints accueillent à l’est de l’axe central deux aires gazonnées dans la tradition du central green, élément typique du campus américain. Ce type de campus basé sur le modèle de l’Université de Virginie, fondée en 1819 par Thomas Jefferson, se caractérise par une architecture de prestance, des pavillons détachés et une grande pelouse plantée.
Une telle influence se manifeste sur le campus McGill par la présence, au nord-ouest de l’axe, d’une pelouse concave encerclée d’arbres et agrémentée en son centre de la fontaine des cariatides, œuvre de Gertrude Vanderbilt Whitney, fondatrice du Whitney Museum of American Art de New York. Le bassin de l’architecte Percy Nobbs vient compléter cette composition en 1933. Enfin, les parterres latéraux proches de la rue Sherbrooke sont encadrés de bâtiments institutionnels et ponctués d’arbres matures. Cet espace plus fortement planté contribue à renforcer les frontières du campus. Ainsi, le secteur des parterres de l’esplanade de l’Université McGill est magnifié par la mise en scène paysagère prestigieuse de son entrée principale, de son architecture essentiellement victorienne et de ses esplanades arborées.
L’Université McGill possède aussi un nombre important de pavillons dans le quartier du Mille carré, qui sont ou bien d’anciennes villas réhabilitées, ou encore des constructions récentes. Le Mile carré était un quartier résidentiel luxueux dont les arbres remarquables témoignent des paysages des anciennes propriétés privées des plus grandes fortunes du Canada. Le secteur nord-est du Mille carré est un environnement construit très hétérogène, aux implantations, hauteurs et gabarits très différents. Les aménagements paysagers correspondent davantage à des aménagements de jardins et de façades de villas. Des grilles basses, des sentiers et de petits espaces verts aux plates-bandes fleuries entourent les anciennes propriétés reconverties.
Une variété d’arbres signe d’une riche biodiversité et d’un intérêt arboricole partagé
À la limite sud des parterres de l’esplanade de l’Université McGill, deux arbres remarquables, un marronnier à fleurs jaunes (Aesculus octandra) et un noyer noir (Juglans nigra), sont situés en bordure de la rue Sherbrooke et à proximité de la plaque commémorative de l’emplacement de l’ancien village amérindien d’Hochelaga. Ces deux arbres accompagnent le parcours de la rue Sherbrooke qui délimite les aménagements paysagers de l’université et filtre la perception des bâtiments à partir de la rue. Par sa grande valeur ornementale, le noyer noir fait partie des arbres privilégiés depuis le 19e siècle pour mettre en valeur une propriété.
Quatre autres arbres remarquables se situent au cœur de l’esplanade encadrée par les pavillons universitaires. Un hêtre européen à feuillage pourpre (Fagus sylvatica purpurea) pousse sur un parterre latéral qui borde la bibliothèque Redpath. Cet arbre est intégré à un alignement d’arbres hétérogènes bordant la terrasse de ce bâtiment. À proximité du pavillon Macdonald Engineering et du Musée Redpath, un tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera) est planté en 1949 par les étudiants diplômés dans l’espace en cuvette, où la topographie s’affaisse, pour y créer une ellipse gazonnée. Ce tulipier de Virginie, arbre rare à Montréal, contribue à cet îlot arboré dont les arbres aux essences variées se distinguent par leur singularité. Deux autres arbres se situent à proximité du pavillon Macdonald Engineering, dont un marronnier à fleurs jaunes (Aesculus octandra) et un fusain d’Europe (Euonymus europaeus) qui semble avoir été planté vers 1893 au moment de la construction du pavillon.
Les autres arbres remarquables font partie du secteur nord-est du Mille carré sur les terrains d’anciennes villas. Parmi eux, un chicot févier (Gymnocladus dioicus) d’environ 75 ans se situe aux limites nord du campus, dans la cour arrière du 546, avenue des Pins Ouest. Enclavé entre cette ancienne maison (occupée actuellement par le Centre de recherche clinique en oncologie Gerald-Bronfman) et le stationnement adjacent, il est le seul survivant d’un duo planté sur un petit promontoire gazonné par un ancien propriétaire.
À proximité et placé en façade de l’ancienne maison de James Ross (aujourd’hui Chancellor Day Hall), un ginkgo bilobé (Ginkgo biloba) aurait été planté au moment même de la construction de la maison en 1892. Sa monumentalité et sa position parfaitement symétrique dans l’axe du balcon tendent à confirmer son origine. À proximité, un virgilier à bois jaune (Cladastris lutea) planté dans le jardin privé derrière la maison Ross se trouve aujourd’hui près d’une rue passante – l’avenue du Docteur-Penfield – et sur le seuil gazonné de l’annexe moderne du pavillon Chancellor Day.
De l’autre côté de la rue, au 3647, rue Peel, un catalpa de l’Ouest (Catalpa speciosa) resplendit aux abords d’une ancienne villa. Avant la construction du pavillon Powell dans les années 1950, qui a fermé la perspective, un catalpa jumeau du côté de la rue McTavish (près de la Thomson House) complétait cet aménagement paysager.
D’autres arbres remarquables poussent au côté de pavillons modernes. L’Université McGill continue ainsi à créer un capital d’arbres remarquables et à augmenter la biodiversité de son campus. Au pied du pavillon Stewart Biological Sciences, un arbre de Katsura (Cercidiphyllum japonica) et un métaséquoia de Chine (Metasequoia glyptostroboides) font partie d’une cour intérieure moderne assortie d’un jardin décoratif à la topographie ondulée et ornementé de massifs plantés. Les arbres ont été plantés en 1965 par Darnley Gibbs, professeur de botanique, à l’occasion de l’ouverture de ce pavillon moderne. On doit en partie leur conservation à l’encadrement bâti qui les entoure et les protège de grandes intempéries. Cette cour restreinte encadrée de hauts édifices se présente sous la forme d’un jardin traversé de sentiers avec des plates-bandes de vivaces et d’arbustes.
Ainsi, le campus possède une mise en scène paysagère monumentale composée d’une grande esplanade, d’allées et d’alignements d’arbres aux essences diverses qui magnifient l’histoire et les qualités du site. Le Mille carré cultive quant à lui une relation privilégiée avec la montagne, par sa proximité et son histoire. Les anciennes résidences prestigieuses datant de la fin du 19e siècle accentuent la qualité et la valeur de ce secteur historique et patrimonial. Il y a aujourd’hui au moins 1 000 arbres sur les terrains de l’Université McGill qui représentent au moins 70 espèces.