Fondatrice de la première communauté de femmes missionnaires au Canada, Délia Tétreault a œuvré à Montréal. Mais son action a retenti jusqu’en Asie de l’Est.
Délia Tétreault
Née le 4 février 1865, à Marieville, Délia Tétreault grandit dans une grande famille d’agriculteurs. La fillette a seulement deux ans quand sa mère, Célina Ponton, décède. Le père de Délia, incapable de subvenir aux besoins de tous ses enfants, la confie à son oncle et à sa tante, avec qui elle passera toute sa jeunesse.
Enfant, Délia ressent pour la première fois un appel, un signe de sa future vocation. Dans le grenier de la maison où elle habite, elle trouve de vieilles revues missionnaires. Elle est fascinée par les pays étrangers et par les histoires qu’elle y découvre.
Une première expérience à Montréal
Plus tard, la tante de Délia l’envoie poursuivre ses études au couvent des Sœurs de la Présentation de Marie, dans son village natal. En 1883, les Sœurs carmélites de Montréal refusent la demande d’admission de Délia, qui, à 18 ans, se tourne vers les Sœurs grises de Saint-Hyacinthe. Son séjour dans cette institution sera toutefois de courte durée, en raison d’une épidémie de fièvre qui la force à retourner chez elle, à Marieville. Là, en 1891, elle fait la rencontre du père jésuite Almire Pichon lors d’une retraite religieuse. Ce dernier lui offre une place à Béthanie, une maison de bonnes œuvres qu’il tient à Montréal.
Les 10 années passées dans cet institut deviennent une expérience importante pour Délia. Elle travaille notamment auprès des immigrants italiens, nombreux à Montréal à la fin du XIXe siècle. En plus de visiter les malades et les démunis, elle apprend l’italien afin de pouvoir plus facilement enseigner le catéchisme. « Nous nous occupions des Italiens, se souvient-elle, qui alors n’avaient personne pour s’occuper d’eux. »
Le rêve missionnaire de Délia n’est toutefois pas comblé. En 1900, le père Alphonse-Marie Daignault l’invite à partir pour l’Afrique, mais, la veille du départ, Délia tombe très malade et doit rester à Montréal. Délia réalise que, pour suivre sa vocation, elle devra quitter Béthanie et fonder une nouvelle communauté religieuse.
Missions d’outre-mer, dévouement local
Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception
Dans les années qui suivent, elle travaille activement au recrutement des novices. En 1909, une première mission en Chine permet aux Sœurs de recevoir une publicité considérable : leur départ est célébré dans les journaux, ainsi qu’à la cathédrale Marie-Reine-du-Monde. Près de 100 religieuses de la congrégation travailleront dans 17 postes différents jusqu’à leur expulsion du pays, en 1953. Sous le régime communiste de Mao Zedong, proclamé en 1949, les organisations catholiques qui se soumettent à l’autorité du pape sont perçues comme ennemies de l’État.
Délia Tétreault - journaux
D’autres missions voient le jour sous la gouverne de sœur Marie-du-Saint-Esprit, notamment à Rome (1925), au Japon (1926), à Hong Kong (1927) et aux Philippines (1921), où les Sœurs de l’Immaculée-Conception ouvrent un hôpital chinois. Fortes de leur expérience en Chine, les Sœurs se voient aussi confier la direction de l’Œuvre chinoise de Montréal , mise sur pied en 1913. Ainsi, Délia Tétreault fonde et dirige une école du dimanche à l’Académie du Plateau (1915), une école chinoise dans la rue Anderson (1916) et un hôpital chinois dans la rue De La Gauchetière (1918).
À Montréal, le travail de Délia Tétreault ne se manifeste toutefois pas uniquement auprès des Chinois de la ville. De 1911 à 1920, par exemple, elle organise des retraites religieuses à Outremont. Là, de jeunes Montréalaises passent l’été à l’écart de la vie urbaine et consacrent leur temps à la prière et à la réflexion. On vise à développer le zèle religieux des jeunes filles, mais aussi à enrôler de potentielles recrues pour le travail missionnaire. Du vivant de Mme Tétreault, des retraites sont aussi organisées à Joliette et à Rimouski (1919), à Québec (1921) et à Chicoutimi (1930). Au milieu des années 1960, près de 400 000 jeunes filles avaient participé à l’une des retraites organisées par les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception.
École chinoise du dimanche
Les sources religieuses disponibles permettent ainsi de dresser le portrait d’une missionnaire qui, sans avoir quitté son pays, a mené une entreprise aux portées locales et internationales. Délia Tétreault décède en octobre 1941, laissant derrière elle le premier institut missionnaire féminin au Canada. En plus d’avoir marqué l’histoire des communautés italienne et chinoise de Montréal, la fondatrice continue d’inspirer les religieuses qui lui ont succédé.
BARRETTE, Georges. Délia Tétreault et l’Église canadienne, Montréal, Les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, 1987, 98 p.
GAUTHIER, Chantal. Femmes sans frontières : l’histoire des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, 1902-2007, Outremont, Carte Blanche, 2008, 499 p.
MARCIL, Ivan. Thérèse de Lisieux, cent ans plus tard : Son actualité, son influence. Montréal, Éditions Bellarmin, 1998.
RAGUIN, Yves. Au-delà de son rêve… Délia Tétreault, Montréal, Fides, 1991, 488 p.
VILLEMURE, Gisèle. Qui est Délia Tétreault?, Montréal, Les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, 1983, 67 p.