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« L’œuvre chinoise » des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception

02 juin 2017

Au début du XXe siècle, les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception tissent des liens avec la Chine. Certaines y résident dès 1909, d’autres se consacrent à la communauté chinoise de Montréal.

Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception

Maison de l’avenue Maplewood où s'installent les Sœurs Missionnaires en 1902.
Archives des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception.
C’est au mois de juin 1902 que Délia Tétreault, accompagnée de ses amies Ida Lafricain et Joséphine Montmarquet, emménage sur l’avenue Maplewood dans Côte-des-Neiges et ouvre une école apostolique. Les trois femmes se consacrent d’abord à un projet d’éducation : l’école a pour objectif de former des jeunes filles au travail missionnaire. Deux ans plus tard, monseigneur Bruchési, archevêque de Montréal, rencontre le pape Pie X pour discuter de l’avenir de l’organisation. Ce dernier approuve la fondation d’une véritable communauté religieuse vouée aux missions étrangères. C’est le pape lui-même qui donne à l’organisation le nom de « Société des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception », le 30 novembre 1904.

Les premières années sont plutôt difficiles : les Sœurs peinent à recruter de nouvelles novices. Au tournant de 1907, l’organisation compte moins d’une vingtaine de membres, un chiffre modeste pour la fondatrice. L’année suivante, toutefois, un évènement marquant vient ranimer la flamme des fondatrices. L’évêque de Canton, monseigneur Jean-Marie Mérel, est de passage à Montréal et visite le couvent de Délia Tétreault, désormais sœur Marie du Saint-Esprit. Sûr de pouvoir recruter des sœurs canadiennes pour une éventuelle mission chinoise, il invite officiellement les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception à partir pour la Chine. L’année suivante, six d’entre elles quittent Montréal pour Canton. C’est la première mission outre-mer de la communauté.

Missionnaires en Chine… et à Montréal

Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception - Académie du Plateau

Des élèves chinois posent devant l’Académie du Plateau avec l’abbé Roméo Caillé.
Archives des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception.

Au début des années 1910, une autre figure notable des Missions Étrangères de Paris fait un séjour à Montréal. Le Père H. Montanar a déjà passé 15 ans de sa vie en Chine et a fondé une mission chinoise à New York. Inspiré par la présence de Montanar, monseigneur Bruchési propose aux Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception de fonder une mission semblable à celle de New York à l’intérieur de Montréal, où la communauté chinoise est en pleine croissance. En 1913, Délia Tétreault accepte de travailler à une « œuvre chinoise » au sein de la ville.

Les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception se concentrent d’abord sur l’éducation. Des initiatives semblables existent déjà dans la métropole depuis la fin du XIXe siècle. Par exemple, le presbytère de l’église Saint-Patrice accueille, en 1912, 30 à 50 Chinois de Montréal venus étudier les langues et le catéchisme. En 1915, les Sœurs ouvrent une école du dimanche à l’Académie commerciale du Plateau, alors située au 87, rue Sainte-Catherine Ouest, près de la rue Saint-Urbain. On y enseigne le français, l’anglais et les rudiments du catholicisme. Plus d’une centaine de Chinois suivent alors les cours organisés par les différentes organisations catholiques de Montréal avec lesquelles les Sœurs travaillent, comme les Dames de la Congrégation et les Jésuites. Même les membres de l’Académie s’impliquent activement dans l’éducation des immigrants chinois. En 1916, une école chinoise est aussi ouverte dans la rue Anderson grâce à la collaboration et au financement de la Commission scolaire de Montréal.

Deux ans plus tard, l’épidémie d’influenza qui fait rage à Montréal touche durement la communauté chinoise, en particulier les buandiers qui travaillent dans des conditions de vie souvent précaires. Les Sœurs ouvrent d’urgence un petit hôpital pour soigner les immigrants chinois, souvent victimes de discrimination dans les établissements de santé de la ville. Plus tard, les leaders de la communauté chinoise leur confient la direction du nouvel Hôpital chinois, sur la rue De La Gauchetière, inauguré en 1921.

Depuis 1930

Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception

Sœur Marie-Noémie et Sœur Saint-Honoré prodiguent des soins à des patients de l’Hôpital chinois.
Archives des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception.
Si les Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception demeurent impliquées dans l’administration de l’Hôpital chinois pendant plusieurs décennies, leurs autres services auprès de la communauté chinoise sont en déclin. En 1930, les classes du dimanche sont abandonnées, et, l’année suivante, l’école chinoise est fermée, faute d’élèves. Au même moment, la population chinoise de Montréal vieillit et peine à se renouveler, puisque depuis 1923 la Loi d’exclusion empêche l’établissement permanent de nouveaux immigrants chinois au Canada. L’historienne Denise Helly note également que les écoles protestantes deviennent très populaires auprès de la population chinoise, qui délaisse de plus en plus les institutions catholiques durant les années 1930 et 1940.

Malgré tout, les Sœurs Missionnaires mettent sur pied quelques initiatives dans les années 1940 : elles ouvrent un jardin d’enfants pour les immigrants chinois en 1948, en plus de nombreux clubs et camps de vacances pour les jeunes Chinois de la ville. Elles prennent même la direction d’une nouvelle école chinoise en 1967, mais cette entreprise sera de courte durée : on exige que les élèves chinois soient intégrés aux écoles du réseau provincial. Comme le note l’historienne Chantal Gauthier, les Sœurs ont graduellement interrompu leurs services directs à la Mission catholique chinoise de Montréal depuis les années 1980. Elles continuent toutefois de participer à certaines activités organisées par la communauté catholique chinoise de la ville.

Un dimanche à l’école chinoise

Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception - École du dimanche

De jeunes étudiants donnent des cours à leurs élèves chinois à l’école du dimanche.
Archives des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception.

« Un dimanche, en revenant de la messe, l’unique fillette d’un de nos Chinois montréalais dit d’un ton naïf à sa mère adoptive : “Ma tante, je pas fini lire toute ma messe, est-ce que je pourrai fini pendant les vêpres; le prêtre a été trop vite.” Quoi d’étonnant? L’enfant, n’étant encore qu’aux premiers éléments de la langue française, épelle chacun des mots de sa lecture. » Ainsi décrivait-on les progrès d’une jeune Chinoise de la métropole, instruite sur la langue française et sur la religion catholique à l’école du dimanche de l’Académie du Plateau à la fin des années 1910. Tous les dimanches à 11 heures et quart, une grand-messe y est organisée. À 10 heures et à 14 heures et demie, des leçons sont données aux élèves chinois, répartis dans des classes séparées selon leur niveau et leurs connaissances. Jeunes ou moins jeunes, laïcs ou clercs, les enseignants proviennent de toutes sortes de milieux. Il y a les philosophes du Collège Sainte-Marie, dirigés par un père jésuite; puis des étudiants du Collège de Montréal, dirigés par l’abbé Roméo Caillé; ou encore, une sexagénaire d’origine anglaise, ancienne protestante convertie au catholicisme; et même un enfant de 12 ans qui consacre du temps à l’instruction et à l’évangélisation des Chinois!  

Références bibliographiques

GAUTHIER, Chantal. Femmes sans frontières : l’histoire des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, 1902-2007, Outremont, Carte Blanche, 2008, 499 pages.

HELLY, Denise. Les Chinois à Montréal : 1877-1951, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1987, 315 pages.

HO, Evi Kwong-ming. The Montreal Chinese Hospital 1918-1982: A Case Study of an Ethnic Institution, Mémoire (M.A.), Montréal, Université McGill, 1983, 223 pages.

RAGUIN, Yves. Au-delà de son rêve… Délia Tétreault, Montréal, Fides, 1991, 488 pages.

TURCOTTE, Denise. « Hospitals for the Chinese in Canada: Montreal (1918) and Vancouver (1921) », Historical Studies, vol. 70, 2004, p. 131-142.

SOEURS MISSIONNAIRES DE L’IMMACULÉE-CONCEPTION. « Notes sur les catéchistes de la colonie chinoise », Archives des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, ANCQ-6070 / 1115,1 / C455. 1918.

SOEURS MISSIONNAIRES DE L’IMMACULÉE-CONCEPTION. « Historique de la Mission Catholique chinoise de Montréal », Archives des Sœurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception, ANCQ-6070 / 1115,1 / C455. Vers 1920.