Au début du XXe siècle, l’arrivée massive d’immigrants contribue à l’activité économique de la métropole. Certaines initiatives marqueront l’histoire commerciale de Montréal et du Québec.
Pascal 1910
En 1950, au coin des rues Craig (aujourd’hui Saint-Antoine) et Bleury, est inaugurée « la plus grande quincaillerie au monde ». J. Pascal’s Hardware and Furniture offre, dans cette immense succursale, des produits allant du simple marteau aux machines-outils destinées aux industriels. L’entreprise familiale, ouverte en 1903 par un immigrant juif roumain, connaît alors une croissance fulgurante.
Vague migratoire
Vers 1900, lorsque Jacob Pascal traverse l’Atlantique en provenance de la Roumanie, Montréal est le principal centre de production de biens de consommation au Canada. La ville connaît un boum industriel sans précédent qui provoque un important besoin de main-d’œuvre. La situation pousse le pays à accroître son bassin d’immigrants de l’Europe occidentale vers l’Europe orientale. Les juifs d’Europe de l’Est, comme M. Pascal, répondent massivement à l’appel. En quête d’une vie meilleure, ils se déplacent par milliers vers le Canada et les grands centres urbains comme Montréal. Dans la métropole, entre 1911 et 1931, ils passent de 30 000 à 60 000 habitants.
Pascal 1953
Ces immigrants s’installent majoritairement aux abords du boulevard Saint-Laurent. D’abord près du port, puis, progressivement, ils occupent les environs de la Main et grimpent la côte pour dépasser la rue Sherbrooke. Ils forment une main-d’œuvre ouvrière principalement pour l’industrie du textile. Certains de ces nouveaux arrivants, comme M. Pascal, se lancent dans le commerce de détail.
La quincaillerie Pascal originelle
Au début du XXe siècle, le cœur du quartier juif se trouve dans le secteur des rues Saint-Laurent et Dorchester (René-Lévesque). De nombreuses institutions juives y sont établies, dont plusieurs synagogues ainsi que le Monument national, haut lieu de l’expression culturelle juive. Jacob Pascal ouvre d’ailleurs sa première quincaillerie juste en face du théâtre, où se tient alors le marché Saint-Laurent. De nombreux autres commerçants juifs y sont installés et partagent l’espace commercial avec des marchands en tout genre.
Pascal - enfants
Les marchés publics sont, au début du XXe siècle, d’importants lieux d’échanges commerciaux et socioculturels. Récemment rénové, le marché Saint-Laurent, est alors l’une des plus chics places publiques de Montréal. Les gens viennent y acheter des vivres frais, mais également échanger avec leurs concitoyens. Pour les cultivateurs de passage dans la grande ville, c’est le moment de s’approvisionner en matériel chez le quincailler, le sellier, le carrossier et autres commerçants.
La quincaillerie Pascal vend alors des outils, de la peinture et des articles de cuisine. Au fil des ans, le commerce familial prospère. Dans les années 1930, avec l’aide de ses enfants, Jacob Pascal ouvre de nouvelles succursales à travers la métropole, dont une importante au coin des rues Craig et Bleury.
« La plus grande quincaillerie au monde »
Pascal - 1950
Au début du XXe siècle, les abords de l’ancienne rue Craig sont densément peuplés par la population juive nouvellement arrivée. En 1930, à l’ouverture de la nouvelle succursale des quincailleries Pascal, le quartier est en pleine transformation.
La rue Saint-Jacques, un coin de rue au sud, est reconnue comme le centre financier du Canada. Les gratte-ciels abritant les banques, les compagnies d’assurances et la Bourse se déploient. Un peu au nord, la rue Sainte-Catherine devient le symbole du commerce montréalais. Tous les jours, par milliers, les gens viennent en tramway, en autobus ou en voiture pour magasiner. Les commerces de grande surface s’affichent avec leur publicité et la distribution de catalogues. Les entreprises aux multiples succursales sont en pleine expansion.
Pascal - 1950
Au début des années 1990, l’entreprise J. Pascal’s Hardware and Furniture fait faillite. En juillet 1991, le magasin de la rue Craig, devenue Saint-Antoine, ferme ses portes après six semaines de liquidation des stocks. La bâtisse abritant la géante quincaillerie est détruite. En 2016, le lieu est occupé par le Palais des congrès.
Pascal - coupure du Journal de Montréal
Dans le Journal de Montréal du samedi 25 juillet 1987, dans la rubrique « André Rufiange », paraît une anecdote concernant la rencontre improbable entre un client de la quincaillerie Pascal de la rue Craig (actuelle rue Saint-Antoine) et Max Pascal, fils de Jacob Pascal. Cette amusante histoire prouve que, à l’époque, M. Pascal était bien connu, et même mythique.
ANCTIL, Pierre. Saint-Laurent. La Main de Montréal, Québec, Septentrion, 2002, p.109.
BROUILLETTE, Sylvie. Les marchés publics à Montréal, 1840-1860, Mémoire (M.A.) (études québécoises), Université du Québec à Trois-Rivières, 1991, 134 p.
LINTEAU, Paul-André. Histoire de Montréal depuis la Confédération, 2e édition, Montréal, Boréal, 2000, p. 303-310.
RINGUET, Chantal. À la découverte du Montréal yiddish, Montréal, Fides, 2011, p. 79-81.
ROUSSEAU, Dany. Marchés publics et structuration spatiale du commerce à Montréal : 1870-1900, Mémoire (M.A.) (histoire), Université du Québec à Montréal, 2003, 131 p.
Archives de la bibliothèque publique juive (boîte « Business. Pascal, Arthur, Pezim, Murray, Pencer, Gerald »).
Archives juives canadiennes Alex Dworkin (particulièrement le P90-11 de la famille Pascal).