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L’exceptionnel apport de la communauté juive de Montréal

02 juin 2017

Des commerces, comme le célèbre restaurant Schwartz’s, représentent les emblèmes visibles d’une communauté dont les contributions sont passées à l’histoire.

Communauté juive - monument national

Les acteurs de la pièce de théâtre Ruth réunis devant le Monument national, haut lieu culturel juif au début du XXe siècle.
Archives juives canadiennes. PC1-8-49. (http://www.cjhn.ca/fr/permalink/cjhn42885)
Sous le Régime français, seuls les catholiques ont droit de résidence en Nouvelle-France. Esther Brandeau, juive originaire de Bordeaux, a éprouvé la rectitude de cette règle. Arrivée en 1738 sous le couvert d’un déguisement masculin, son identité féminine et juive est rapidement mise au jour. L’audacieuse étant réexpédiée dans son pays natal, sa découverte du Nouveau Monde est de courte durée.

À la suite de la Conquête britannique, quelques juifs sépharades originaires d’Angleterre s’installent à Montréal, où ils fondent une première congrégation en 1768, Shearith Israël (les vestiges d’Israël). Jusqu’à la fin du XIXe siècle, cette communauté demeure marginale et se fond dans la majorité anglophone de la métropole.

Une vague yiddish

Synagogue Sherith Israel

Synagogue Sherith Israel, rue Stanley.
Musée McCord. VIEW-10762.
Au tournant du XXe siècle, le boum industriel canadien pousse le Canada à ouvrir ses portes aux gens d’Europe de l’Est. Cette région du monde est alors le théâtre de persécutions violentes envers les juifs. Montréal devient pour eux une importante terre d’accueil.

Dans la métropole, les juifs d’Europe de l’Est passent de quelques milliers en 1901 à 60 000 en 1931. Ces nouveaux arrivants sont de pays et de cultures diversifiés. Les congrégations juives se multiplient. Les Roumains fondent leur propre synagogue, pendant que les Autrichiens font de même. Leur point commun demeure leur idiome, le yiddish, qui devient la troisième langue parlée dans la métropole. Premier groupe non chrétien de l’ile, les juifs ashkénazes font leur place au sein d’une ville divisée et conçue pour deux groupes majoritaires, les protestants anglophones et les catholiques francophones.

Des Montréalais yiddishophones

Bibliothèque publique juive

Bâtisse de la Bibliothèque publique juive anciennement située sur l’avenue de l’Esplanade.
Archives juives canadiennes. PC1-6-544.
Les juifs est-européens s’installent majoritairement dans les anciens quartiers Saint-Laurent et Saint-Louis, où ils forment le second ghetto d’immigrants pauvres à Montréal, après celui des Irlandais. Ils sont employés massivement au sein des manufactures de textile et développent des commerces au détail. Des restaurants célèbres et des grandes entreprises naîtront de ces petits commerces. Pensons simplement au restaurant Schwartz’s (1928), aux quincailleries Pascal (1901) ou à la chaîne d’épiceries Steinberg (1917).

Entre les « deux peuples fondateurs », la communauté juive développe ses propres institutions culturelles et caritatives. Le rapport complexe avec les commissions scolaires confessionnelles entraine l’ouverture d’écoles privées yiddish. Des institutions culturelles sont également mises sur pied. L’ouverture de la Bibliothèque publique juive (1914), en plus du succès du théâtre et de la littérature yiddish, fait de Montréal une des capitales culturelles de la diaspora juive.

Grève Union internationale des ouvriers du vêtement pour dames

Foule d'ouvriers et ouvrières en grève.
Archives de la Bibliothèque publique juive. Boulkind7.
La communauté juive rayonne par un engagement politique stimulé par ses liens avec les grands mouvements de pensée européens. Plusieurs juifs sont à l’origine de syndicats et mènent de nombreuses luttes ouvrières. La célèbre syndicaliste Léa Roback, fille d’immigrants polonais juifs, partage sa vie entre le yiddish, le français et l’anglais. Des juifs sont aussi présents aux trois ordres gouvernementaux.

La crise économique des années 1930 et le contexte d’antisémitisme lancinant au Canada provoquent une baisse importante de l’immigration juive. Les Montréalais d’origine juive sont alors victimes de diverses stratégies discriminatoires. L’accès au logement et à l’emploi leur est difficile. Leurs commerces sont boycottés. Ils sont aussi la cible de fortes têtes ouvertement antisémites, comme Adrien Arcand qui fonde le journal Le Fasciste canadien et le Parti national chrétien.

Prospérité et diversité

Communauté juive - Camillien Houde

Leaders de la communauté juive montréalaise avec le maire Camilien Houde.
Archives juives canadiennes. PC1-8-34A.
Après 1950, les barrières à l’immigration juive sont levées. Ces nouveaux arrivants ont connu les horreurs de la guerre. Parmi eux, des juifs ultra-orthodoxes et hassidiques fuient une Europe dévastée. À Montréal, ils s’installent majoritairement à Outremont et dans Côte-des-Neiges. Les juifs sépharades viennent également diversifier le judaïsme montréalais. Venus des pays du Maghreb, ils arrivent encouragés par le nouveau ministère de l’Immigration du Québec (1968) qui favorise de plus en plus l’immigration francophone.

La communauté juive est-européenne se démarque par l’importance accordée à l’éducation. Les enfants d’ouvriers accèdent aux professions libérales. La prospérité d’après-guerre fait fleurir les petits commerçants. Cet enrichissement entraine le déplacement de ce groupe vers les quartiers anglophones de l’ouest de l’ile.

Juifs ashkénazes et juifs sépharades

École Maïmonide

Assemblée de l'école Maïmonide.
Archives juives canadiennes. PC1-6-087.

Les juifs ashkénazes sont originaires de l’Europe centrale et orientale. Ils sont de langue et de culture yiddish. À l’échelle internationale, ils représentent la plus importante frange du judaïsme.

Les juifs sépharades incarnent les traditions liturgiques des juifs dont les ancêtres ont vécu en Espagne et au Portugal, jusqu’à ce que ces pays les expulsent en 1492. Les juifs sépharades sont originaires des vastes régions d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et des pays européens telles l’Italie, la Hollande, la France, l’Allemagne et l’Angleterre.

Références bibliographiques

ANCTIL, Pierre. « Les Juifs yiddishophones. Un siècle de vie yiddish à Montréal », dans BERTHIAUME, Guy et autres. Histoires d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2012, p. 61-76.

ROBINSON, Ira. « Le judaïsme à Montréal », dans ANCTIL, Pierre, et Ira ROBINSON, dir., Les communautés juives de Montréal. Histoire et enjeux contemporains, Québec, Septentrion, 2010, p. 23-37.