Dans l’histoire québécoise du spectacle, une place particulière est réservée à Alys Robi. Née le 3 février 1923 d’une famille pauvre du quartier Saint-Sauveur à Québec, Alice Robitaille démontre dès son plus jeune âge un engouement et un talent certain pour le chant et le spectacle. Sous l’impulsion des rêves de son père, pompier et lutteur, la petite Alice amorce une carrière artistique en présentant ses tours de chant lors de galas de lutte et en participant aux concours d’amateurs Catelli. À six ans, elle est déjà un véritable phénomène dans la vieille capitale.
Mais la métropole du Québec exerce sur la petite Alice une véritable fascination. À 12 ans ce sera le départ inévitable en direction de Montréal. C’est à ce moment qu’Alice Robitaille devient Alys Robi, la vedette du National de la rue Sainte-Catherine, théâtre dirigé alors par Rose Ouellete (la Poune). Elle passe donc une partie de l’année au National, où on donne souvent deux spectacles par jour. L’été, Alys participe aux tournées des communautés du Canada français, organisées par Jean Grimaldi. C’est au cours d’une de ces tournées qu’elle rencontre son premier amour : Olivier Guimond fils. Mais cet amour ne survivra pas à la gloire grandissante de la jeune Alys.
La darling, star internationale
Car il faut comprendre que le Montréal des années 1930 et 1940 est le site d’une activité trépidante dans le monde du spectacle. La crise et la guerre ont créé un besoin pour le public de se réfugier dans le monde du rêve et du spectacle. Ceci n’est pas sans donner de nouveaux espoirs à Alys Robi. Ne pouvant se contenter d’être la star du National et des cabarets du boulevard Saint-Laurent, ce qui n’était pourtant pas à la portée de tous, elle utilise la radio comme nouveau tremplin à sa carrière. C’est avec Gratien Gélinas, le Fridolin qui bat tous les records de salles au
Monument National, qu’elle accumule de nouveaux succès. Leur émission de temps de guerre, qui s’intitule
Tambour battant, les amènent à faire la tournée des bases militaires. Alys est la
darling des soldats canadiens. C’est ainsi qu’elle se rend en Ontario, où on la remarque. Aussitôt on lui offre des émissions à la CBC de Toronto. Débute alors une véritable carrière internationale pour Alys Robi. On la réclame à New York et même à la BBC de Londres. Ses déplacements sont tellement fréquents entre Montréal, New York et Toronto qu’elle réquisitionne un avion de la British Overseas Airways Corporation (BOAC) pour son usage personnel. Dans le tourbillon de cette période trépidante, Alys apprivoise la musique latino-américaine. Elle décide d’ailleurs d’adopter cette nouvelle culture et, pour parfaire son espagnol, elle passe toute l’année 1945 au Mexique. Le Québec connaît sa première star internationale!
Mais le poids de tout ce dévouement au monde du spectacle n’ira pas sans heurts. Après un accident de la route, elle subit une grave dépression en 1948 et est internée pour une période de cinq ans dans un asile de Québec. Alice va donc vivre le double enfer de la maladie et d’une carrière brisée. Mais sa grande force de caractère, qui lui avait permis d’atteindre le sommet de la gloire, explique son incroyable retour dans l’arène du show-business au milieu des années 1950. C’est sur la Main, au Casa Loma et au cabaret Montmartre, qu’elle entreprend sa nouvelle carrière à l’âge de 30 ans. Mais malgré tous ses efforts, Alys Robi ne sera plus jamais la darling et la star internationale de ses 20 ans. Si elle peine à s’imposer à nouveau sur les scènes du boulevard Saint-Laurent, elle devient cependant très populaire auprès de la communauté gaie montréalaise après un passage au club La Rose Rouge à la fin des années 1960.
La chanson
Alys en cinémascope, enregistrée en 1979 par Diane Dufresne, confirme l’entrée d’Alice Robitaille dans la culture populaire québécoise. Une minisérie de TVA en 1995 et un film de Denise Filiatrault en 2004 sont consacrés à sa vie et leur succès illustre bien la fascination du public pour le destin de la chanteuse, aussi tragique que glorieux. L’interprète fabuleuse de
Tico, Tico, reine éphémère des cabarets de la
Main, s’éteint à Montréal le 28 mai 2011.
Cet article est paru dans le numéro 27 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.