Trois générations de Beaubien ont contribué à modeler le visage actuel du Plateau Mont-Royal. La famille a également joué un rôle essentiel dans la création et le développement d’Outremont.
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Pierre Beaubien et la côte Saint-Louis
Pierre Beaubien
Pierre Beaubien acquiert une première partie de ses terres en 1842. Elle correspond essentiellement à deux vastes propriétés : la « terre de Sainte-Catherine » — au cœur de ce qui deviendra la municipalité d’Outremont — et la « terre des carrières », située au nord de l’ancien fief Closse. La terre des carrières est une longue bande étroite du coteau Saint-Louis : ses limites actuelles correspondent au sud, à l’avenue du Mont-Royal; au nord, à la rue de Castelnau; à l’ouest, au boulevard Saint-Laurent; et à l’est, à l’avenue Coloniale.
Deux ans plus tard, en 1844, Pierre Beaubien élargit son territoire lorsqu’il s’associe à deux autres politiciens, Louis-Hippolyte La Fontaine, futur premier ministre du Canada, et Joseph Bourret, alors maire de Montréal, pour faire l’acquisition de l’arrière-fief La Gauchetière, qui est adjacent et dont la frontière est correspond à l’actuelle avenue de l’Hôtel-de-Ville. Pierre Beaubien complète ses acquisitions au Mile End en 1845, lorsqu’une bande de terrain qui va jusqu’à l’actuelle avenue Henri-Julien, et qui appartenait à Jacob Wurtele, est vendue aux enchères.
Après la période troublée qui a culminé avec les rébellions de 1837 et 1838, Montréal, devenu capitale du Canada, est de nouveau en pleine croissance. Les promoteurs sont donc de plus en plus nombreux à espérer que les faubourgs de la ville s’étendent au nord de la côte à Baron, la dénivellation située entre les actuelles rues Ontario et Sherbrooke. Au cours des décennies suivantes, plusieurs projets qui ont contribué à donner son visage actuel au sud du Plateau Mont-Royal seront mis en chantier. On passe alors de l’époque des maisons villageoises, surtout construites en bois le long des chemins de communication, aux lotissements planifiés, quadrillés régulièrement par des rues et des maisons de briques en rangée construites en série.
En 1844, toutefois, rien ne laisse présager que les terres acquises par le docteur Beaubien au nord de l’actuelle avenue Mont-Royal sont appelées à s’urbaniser à court terme. Le secteur est alors quasi désert et, en plus, peu propice à l’agriculture : le sol est peu profond, rocailleux et parsemé de marécages. La principale activité qui y est pratiquée est l’extraction de la pierre.
La famille Beaubien va avoir recours à toute une stratégie pour mettre en valeur ce territoire, stratégie qui s’étendra sur 3 générations et plus de 80 ans. Ce plan de développement urbain repose sur deux axes : la formation d’un ensemble institutionnel paroissial et l’implantation d’une gare.
À cette époque, la paroisse de Montréal, administrée par les Sulpiciens, est un vaste territoire qui englobe tout le Plateau Mont-Royal actuel et bien plus encore. Malgré l’expansion urbaine, ses frontières n’ont pas été revues depuis 1721. Conscient du problème, l’évêque de Montréal, monseigneur Ignace Bourget, veut rapprocher l’église de ses fidèles et encadrer plus étroitement les milliers de paysans qui viennent s’établir en ville à la recherche de travail. Une telle démarche passe donc par le morcellement de la paroisse de Montréal et sa réorganisation en des unités plus petites qui correspondent aux nouvelles banlieues.
C’est vers 1846 que monseigneur Bourget décide de démembrer la paroisse de Montréal, soit deux ans après que Pierre Beaubien a complété ses acquisitions dans le Mile End. Au printemps 1848, Pierre Beaubien annonce son intention de faire don à l’évêque d’une série de lots adjacents à la carrière située au cœur de ses propriétés pour y installer un établissement religieux. La transaction sera conclue le 3 novembre 1849.
Louis Beaubien
Les querelles sur l’emplacement de la gare seront l’un des facteurs qui causeront la sécession de la partie ouest de Côte-Saint-Louis : le village de Saint-Louis-du-Mile-End est créé en 1878. Au cours des décennies suivantes, la gare attirera de nombreuses industries, particulièrement au début du XXe siècle. La famille Beaubien vendra alors des milliers de « lots à bâtir » sur ses anciennes fermes; on y construira les duplex et triplex qui abriteront les familles ouvrières travaillant dans les manufactures.
Les Beaubien et la création d’Outremont
Famille Beaubien 1914
Louis Beaubien confiera la suite à deux de ses fils : Joseph (1865-1949) et Charles-Philippe Beaubien (1870-1949). Le premier sera maire d’Outremont pendant 40 ans. Sous sa gouverne, le village perd son caractère champêtre et devient l’une des banlieues les plus cossues de Montréal. Charles-Philippe, avocat et sénateur, s’occupera, lui, des affaires du Mile End jusqu’à l’annexion par Montréal en 1910.
Cet article est tiré des textes La famille Beaubien et La famille Beaubien et la gare du Mile End, rédigés par Yves Desjardins en 2014 et disponibles sur le site Internet de Mémoire du Mile End.
DESJARDINS, Yves. Histoire du Mile End, Québec, Septentrion, 2017, 355 p.