On le surnommait « le médecin des pauvres », et une école portait son nom de son vivant. Portrait du docteur Baril qui eut une énorme influence de 1883 à 1913 dans le quartier Hochelaga.
Georges-Edmond Baril
La présence de Baril, rue Dézéry dans Hochelaga, est confirmée par un article de L’Étendard d’avril 1883. Il y arrive au moment où le village d’Hochelaga devient ville, quelques mois avant son annexion partielle à Montréal (la partie est, non annexée, est la future ville de Maisonneuve). À cette époque, les conditions de vie et de travail de la population de cette ville ouvrière sont difficiles. L’épidémie de variole de 1885 provoque le décès de 107 personnes dans le quartier où nombreux sont ceux qui s’opposent à la vaccination obligatoire encouragée par le maire de Montréal d’alors, Honoré Beaugrand. Nous ne connaissons pas la position du docteur Baril sur la question, mais son beau-père, le docteur Joseph-Émery Coderre, s’y oppose farouchement.
À l’époque, le taux de mortalité est très élevé. Entre 1884 et 1900 (l’année 1885 mise à part à cause de l’épidémie de variole), ce taux est en moyenne de 21,6 pour mille, soit trois fois le taux actuel. Les causes en sont principalement la mauvaise qualité du lait et de l’eau, mais également les installations sanitaires insuffisantes, l’alimentation déficiente et les logements insalubres. Sur ce plan, le docteur Baril encourage la construction d’un bain public dans le quartier. Ce n’est qu’en 1890 que la Ville de Montréal construira un premier bain en bois au fond du square Dézéry. Ouvert seulement l’été, il est démoli en 1906 pour faire place à un bain permanent, rue Marlborough (aujourd’hui rue Alphonse-D.-Roy).
Un médecin engagé
Dès son arrivée à Hochelaga en 1883 jusqu’à son décès en 1913, Baril exerce à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Il est choisi également comme médecin des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie en 1902, qui ont installé leur maison-mère et un couvent à Hochelaga en 1860. Sa réputation de médecin et de chirurgien dépasse les frontières du quartier. En novembre 1901, il est élu représentant du district Hochelaga Est du Collège des médecins et chirurgiens du Québec. Il est également membre de l’Association des médecins de langue française d’Amérique du Nord. Son nom figure dans la liste des comités organisateurs des congrès de Montréal en 1904 et de Sherbrooke en 1910.
Le docteur Baril joue aussi un rôle important en éducation. Les avis de son décès affirment qu’il a été membre de la Commission scolaire d’Hochelaga pendant 29 ans, dont 12 ans à titre de président. Cette information est cependant inexacte. Il pourrait avoir été élu membre dès 1884, mais il est difficile de le confirmer puisque les procès-verbaux de cette commission ne sont disponibles qu’à partir du printemps 1895. Il est l’un des cinq commissaires à ce moment. Comme les élections ont lieu la première semaine de juillet, il fait partie du conseil des commissaires depuis au moins juillet 1894. À cette époque, le président de la commission est de facto le curé de la paroisse de la Nativité-de-la-Sainte-Vierge-d’Hochelaga.
À la fin du XIXe siècle, les procès-verbaux de la commission scolaire donnent des pourcentages de fréquentation scolaire. Il est assez alarmant de constater que pour les années 1897 et 1898, entre 20,8 % et 32,1 % des garçons entre 5 ans et 17 ans ne fréquentent pas l’école tandis que de 14,6 % à 24,3 % des filles du même âge en sont absentes.
Dans les instances de la commission scolaire
École Baril
Le docteur Baril a eu l’insigne honneur de voir une école porter son nom de son vivant. C’est lors d’une assemblée de janvier 1910 que la proposition de l’achat des terrains pour la construction d’une nouvelle école est approuvée. L’objectif est de désengorger l’école Adélard-Langevin de la rue Dézéry. Le nom « École Baril » apparaît une première fois dans les procès-verbaux le 6 mai 1910. Le célèbre architecte Dalbé Viau est choisi pour concevoir les plans de l’école située rue Adam, entre les voies Joliette et Chambly. Les travaux commencent à l’été 1910 et sont terminés à temps pour l’ouverture en septembre 1911. En décembre 1912, on ajoute deux ailes au corps central. Le docteur Baril sera l’un des nombreux citoyens qui dénoncent le danger que représente la voie ferrée du Canadian Northern qui passe tout près de l’école.
Sur le plan de l’éducation, Baril fait partie des conservateurs. Il s’oppose à l’éducation laïque, sauf pour les cours du soir qui sont donnés aux jeunes ouvriers et ouvrières travaillant en usine. Il a toujours vanté le travail des communautés religieuses comme les frères de la Congrégation de Sainte-Croix et les Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie qui enseignent dans les écoles de la commission. Il s’oppose également à l’instruction obligatoire pour les 16 ans et moins, mesure réclamée par les milieux libéraux et le monde ouvrier. Quant à la gratuité, elle serait une « injustice visible » selon lui. Sur la gestion des écoles, il se montre farouchement opposé à l’annexion des commissions scolaires des anciennes municipalités de l’île à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Ceci deviendra toutefois une réalité après sa mort. Une loi, adoptée par le gouvernement Gouin en décembre 1916 et entrée en vigueur le 1er juillet 1917, forcera cette annexion.
Un candidat conservateur défait
Sur le plan politique, Georges-Edmond Baril a toujours soutenu le parti conservateur. Lors des élections du 23 juin 1896, il est candidat conservateur dans la nouvelle circonscription de Maisonneuve. Il se présente contre le député sortant, le libéral Raymond Préfontaine, ancien maire d’Hochelaga et conseiller municipal de Montréal, qui jouit d’une bonne réputation. La défaite du docteur Baril est sévère, car Préfontaine l’emporte avec 62 % des voix exprimées. Le Canada, et surtout le Québec, élit alors Wilfrid Laurier, chef du parti libéral, avec une forte majorité.
En 1884, peu après son arrivée dans Hochelaga, Georges-Edmond Baril a épousé Euphémie Émery-Coderre, la fille de son ancien professeur à l’école de médecine. Le couple a sept enfants dont le plus connu sera Georges-Hermyle Baril qui présidera longtemps l’Association canadienne de la jeunesse catholique. Cette organisation prend la défense des Franco-Ontariens en 1914 lorsque le gouvernement provincial veut abolir les écoles françaises. Elle s’oppose également à la participation des Canadiens français à la défense de l’Angleterre lors de la Première Guerre mondiale.
En 1898, le docteur Baril achète la maison aux 590 et 592, rue Dézéry, qu’il habitera jusqu’à son départ du quartier en 1913. La résidence du docteur possède une cloche de nuit pour les urgences. En août 1903, il fait construire un logement et un commerce aux 3192 et 3196, rue Sainte-Catherine, à l’angle de la rue Dézéry. C’est dans ce bâtiment, adjacent à sa maison, qu’il installe son bureau.
Au printemps 1913, le docteur Baril déménage au square Saint-Louis après avoir passé 30 ans à Hochelaga. C’est là qu’il meurt le matin du 18 septembre 1913 après une courte maladie.
L’école Baril, Histoire des écoles d’Hochelaga-Maisonneuve, tome 2, Montréal, Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve et Commission scolaire de Montréal, 2006.
CHARBONNEAU, Réjean, et autres. De fil en aiguille, Chronique ouvrière d’une filature de coton en 1880, Montréal, Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve, 1985.
Souvenir Maisonneuve : esquisse historique de la ville de Montréal avec portraits et biographies de quelques-uns de nos Canadiens-français distingués, La Compagnie De Publication Maisonneuve.