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Dramatique débat sur la vaccination

10 juin 2016
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Pour contrer l’épidémie de variole qui sévit à Montréal en 1885, le maire Honoré Beaugrand incite la population à se faire vacciner, mais cette idée suscite appréhensions et polémiques.

Honoré Beaugrand

Le maire Honoré Beaugrand vers 1887 affublé de médailles et d’un costume d’apparat.
Vers 1887. Honoré Beaugrand. Archives de la Ville de Montréal, BM1, S5, P111-3.
L’épidémie de variole qui s’abat sur Montréal au printemps 1885 sème l’inquiétude dans la ville. Afin de contrer la maladie, le maire Honoré Beaugrand incite tous les Montréalais à se faire vacciner. Si cette idée est bien reçue dans les milieux anglophones, elle suscite de vives appréhensions chez les francophones.

Cette résistance à la vaccination s’appuie sur plusieurs croyances. Un précédent foyer de variole avait déjà été vaincu sans avoir recours à la vaccination. De plus, l’idée circulait que les risques de la vaccination étaient plus grands que les avantages qui y étaient associés. La pensée d’empoisonner l’organisme d’un enfant sain en lui inoculant le virus d’une maladie dangereuse semblait outrageuse. Enfin, l’Église s’opposait au départ à ce que les autorités laïques prennent le contrôle de la gestion de la contagion et encourageait les catholiques à ne pas laisser l’État intervenir dans la sphère privée. Plusieurs catholiques exprimaient la conviction que ni les médecins, ni la vaccination ne pouvaient empêcher Dieu de venir chercher ceux dont l’heure était venue. Parmi les francophones opposés à la vaccination, d’éminents docteurs, tel Joseph Émery Coderre, dénoncent les dangers qu’ils associent à celle-ci, ce qui ne fait qu’amplifier le mouvement de rejet.

Blâme, méfiance et négligence

Variole, incident en 1885

Épisode de variole à Montréal au cours duquel on peut voir la violence avec laquelle la police sanitaire s’en prenait aux malades atteints de variole afin de les isoler.
An Incident of the Small-Pox Epidemic in Montreal, par Robert Harris, paru dans le Harper’s Weekly, 28 novembre 1885.

Les anglophones de la ville, quant à eux, sont généralement plus favorables à la vaccination et ils blâment les francophones pour la propagation de la maladie. La vaccination est, à leurs yeux, essentielle afin de freiner la transmission de la variole. Craignant que l’on emporte les malades et redoutant l’exclusion, plusieurs familles canadiennes-françaises hésitent à déclarer les cas de variole. Les précautions nécessaires pour éloigner les malades du reste de la population sont négligées.

Devant la progression de l’épidémie, les médecins vaccinateurs sont accompagnés de policiers pour obliger les Montréalais à se faire vacciner. L’évêque de Montréal, Mgr Fabre, accepte de se faire vacciner deux fois pour inciter ses fidèles à accepter la mesure. Le maire Beaugrand, qui défend la vaccination, reçoit des menaces de mort et des émeutes surviennent. En novembre 1885, l’épidémie recule. Nombreux sont ceux qui reconnaissent le travail du maire afin de freiner l’épidémie.

Références bibliographiques

MARSOLAIS, Claude-V., Luc DESROCHERS et Robert COMEAU. Histoire des maires de Montréal, Montréal, VLB éditeurs, 1993, p. 126-132.

RICARD, François. « Beaugrand, Honoré », [En ligne], Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval, University of Toronto, 2002. [http://www.biographi.ca/fr/bio/beaugrand_honore_13F.html] (Consulté le 18 janvier 2016)

WARREN, Jean-Philippe. Honoré Beaugrand, La plume et l’épée (1848-1906), Montréal, Boréal, 2015, 532 p.