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Le Comité de moralité publique des citoyens de Montréal

09 septembre 2019

Le Comité de moralité publique a apporté une aide financière à l’enquête Caron. Dirigé par les politiciens de la relève, il est à l’origine du premier parti politique municipal montréalais.

Comité de moralité publique des citoyens de Montréal

Photographie en noir et blanc d’un groupe d’hommes se tenant derrière une table de travail. Ils portent tous un complet-cravate.
BAnQ Vieux-Montréal, Fonds Ligue d’action civique, CLG 51/T3.
Fondé en mars 1950 dans la foulée des révélations sensationnelles de Pax Plante dans Le Devoir, le Comité de moralité publique des citoyens de Montréal (CMP) est formé pour soutenir économiquement la préparation de la demande d’enquête, et ensuite l’enquête Caron elle-même, car celle-ci ne sera pas adéquatement financée par la province.

J.-Z.-Léon Patenaude (1926-1989), le jeune et énergique secrétaire-trésorier du Comité, issu des Ligues du Sacré-Cœur, quadrille la région de Montréal et la province en quête de financement, et ce, en organisant d’innombrables causeries et conférences dans les associations catholiques, nationales et sociales. Il cherche à convaincre ses auditeurs que nettoyer Montréal de la prostitution et du jeu permettra de sauver de la démoralisation la jeunesse de toute la province, jeunesse qui afflue dans la métropole pour travailler.

Parmi les directeurs les plus en vue du Comité, on trouve l’imprimeur Pierre Des Marais (1910-1986); ce dynamique leader du conseil municipal critique le manque de démocratie à Montréal et le comité exécutif présidé par J.‑O. Asselin. On trouve aussi des nationalistes de la Société Saint-Jean-Baptiste et de l’Ordre de Jacques-Cartier, ainsi que des intellectuels de renom comme François-Albert Angers et Gérard Filion, le directeur du Devoir. Le CMP compte plusieurs hommes d’affaires, industriels et agents d’assurance, représentants d’une nouvelle classe moyenne canadienne-française éprise non seulement de moralité, mais aussi d’intégrité et d’efficacité dans la gestion de la chose publique. Les procureurs du CMP sont Jean Drapeau et Pacifique Plante, ce dernier bénéficiant d’un soutien financier et logistique pour se consacrer entièrement à l’enquête. Âgés de 41 ans en moyenne au début de l’enquête, les directeurs du Comité incarnent une génération montante qui met en cause des politiciens plus âgés, comme J.-O. Asselin (1890-1961), Camillien Houde (1889-1958) et Maurice Duplessis (1890-1959).

Scandale - Affiche Libérons Montréal de la pègre

Invitation à souscrire au Comité de moralité publique de la ligue d’action civique. À droite, une femme représentant Montréal est enchaînée par des vices (jeu commercialisé, prostitution, etc.).
BAnQ Vieux-Montréal, Fonds Comité de moralité publique, Fondation Lionel-Groulx. CLG47/J,7.
Inspiré par des exemples étrangers, tels les comités citoyens contre le crime qui voient le jour dans les villes américaines et le Cartel d’action morale et sociale actif en France, le CMP ne réussira pas, contrairement à la Ligue de vigilance sociale cinq ans plus tôt, à coaliser les différentes communautés de la métropole dans son combat, malgré des efforts d’approche et l’adoption d’un nom bilingue (CMP/Public Morality Committee). Sa composition demeurera essentiellement canadienne-française, reflet des divisions et des tensions qui subsistent dans la société montréalaise au lendemain de la guerre et de la crise de la conscription (en 1942).

Si l’enquête Caron demeure sa première raison d’être, le Comité ne s’interdit pas d’appuyer d’autres causes moralisatrices lorsque l’enquête est interrompue, comme la campagne du jésuite Marie-Joseph d’Anjou contre Lili St‑Cyr ou la croisade de tempérance de monseigneur Léger. Après la clôture de l’enquête, il lutte contre les illustrés indécents qui prolifèrent à cette époque. Dès 1951, le CMP donne naissance à la Ligue d’action civique, qui deviendra le tout premier parti politique municipal de Montréal.

Ce texte de Mathieu Lapointe est tiré du livre Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, sous la direction de Catherine Charlebois et Mathieu Lapointe, Montréal, Cardinal, 2016, p. 219.

Références bibliographiques

CHARLEBOIS, Catherine, et Mathieu LAPOINTE (dir.). Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, Montréal, Cardinal, 2016, 272 p.

LAPOINTE, Mathieu. Nettoyer Montréal : les campagnes de moralité publique, 1940-1954, Québec, Septentrion, 2014, 395 p.

PLANTE, Pacifique. Montréal sous le règne de la pègre, Montréal, Éditions de l’Action nationale, 1950, 96 p.