Collège Jean-de-Brébeuf
Historique d'ensemble
Genèse de l'institution
La Compagnie de Jésus, qui fonde le Collège Sainte-Marie en 1848, conçoit le projet d’ériger un nouvel établissement scolaire à Montréal dès le début du 20e siècle. L’institution de la rue de Bleury au centre-ville, abritant déjà plus de 800 élèves, ne peut être agrandie davantage dans cet environnement densément construit. Pour les jeunes garçons en formation, les Jésuites rêvent de vastes espaces verts et d’air pur. C’est avec cette idée en tête que la congrégation procède à l’achat de la ferme Leslie dans le village de la Côte-des-Neiges en 1908. La construction du nouveau collège est toutefois ajournée jusqu’en 1927 en raison de plusieurs facteurs, dont la Première Guerre mondiale.
À la fin des années 1920, l’annonce de la construction de l’Université de Montréal dans ce secteur de la montagne incite les Jésuites à mener le projet à terme. Ces derniers, qui offrent le cours classique préparatoire aux études supérieures, voient dans cette occasion une opportunité de recruter des élèves. D’ailleurs, peu de temps après son ouverture, le Collège Jean-de-Brébeuf est déjà rempli au maximum. L’institution, alors éloignée du centre urbain, accueille des pensionnaires et des demi-pensionnaires venant non seulement de la région montréalaise, mais de partout dans la province. Le nom du nouveau pensionnat est inspiré par la canonisation récente des saints martyrs canadiens et perpétue la mémoire du plus célèbre d’entre eux.
Les premiers bâtiments du collège sont érigés entre le printemps 1927 et l’automne 1928. Ils comprennent, en plus du pavillon principal, une résidence pour les religieux construite à l’arrière, face au boisé de la vaste propriété. Ainsi, les Jésuites peuvent profiter de la tranquillité de cet environnement naturel, tandis que les élèves bénéficient de grandes cours de récréation et de terrains de sport.
Phases d'aménagement et de construction
Pour superviser la construction des premiers bâtiments du collège, dont les plans ont été dessinés par le père Félix Martin, on choisit les architectes Viau et Venne. Cette firme réalise par ailleurs d’autres bâtiments d’envergure dans le quartier Côte-des-Neiges à cette époque, dont l’Oratoire Saint-Joseph. C’est cependant l’architecte Alphonse Piché qui termine le projet. Le bâtiment au plan en forme de T, qui comprend le collège et la résidence des Pères, aspire à la monumentalité par son style Beaux-Arts.
Dès les premières années, la direction du Collège Jean-de-Brébeuf prévoit des agrandissements à l’institution déjà très fréquentée. La crise économique des années 1930 a toutefois pour effet que le collège se développe d’abord de l’intérieur, c’est-à-dire en adaptant certains espaces sans ajouter de nouvelles constructions. La fin de la Seconde Guerre mondiale remet enfin les plans de développement à l’ordre du jour. L’architecte Roland Dumais conçoit en 1953 un plan d’ensemble comprenant un auditorium, un philosophat pour les élèves plus âgés, une bibliothèque, un aréna et un gymnase. La plupart de ces pavillons constituant un véritable campus seront érigés par étapes successives entre 1956 et 1974. Conçus par des architectes différents, ils ne seront pas nécessairement fidèles aux maquettes de Dumais, mais ils s’inscriront tout de même eux aussi dans la mouvance de l’architecture moderne et du style international.
Cette deuxième phase majeure de construction est entamée en 1956 et 1957 avec l’érection du pavillon Lalemant. L’édifice multifonctionnel répond à plusieurs besoins en logeant notamment une bibliothèque, des laboratoires et des résidences. Les agrandissements se poursuivent en 1965 et 1966 avec la construction simultanée d’un gymnase et d’une salle de spectacle. L’aréna, érigé en 1974, vient clore cette période d’expansion.
Jusqu’aux années 2000, le collège n’entreprend aucune nouvelle construction. La restauration de l’ancienne chapelle du collège et sa conversion en bibliothèque de théologie, effectuées en 2003, constituent une transformation marquante bien que visible uniquement de l’intérieur. Réalisé par le consortium d’architectes Beaupré, Michaud, Dupuis et LeTourneux, le projet est primé par l’Ordre des architectes du Québec. En 2010, le Collège Jean-de-Brébeuf se dote d’un complexe sportif : le pavillon Coutu. Ce dernier ajout est l’œuvre de la firme Menkès Shooner Dagenais LeTourneux, qui a collaboré à la conception de la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, voisine du collège. Le nouveau pavillon de facture contemporaine, inspiré par le caractère historique et naturel des lieux, s’insère dans la partie arrière du site.
L'ensemble dans le site patrimonial du Mont-Royal
La décision des Jésuites de fonder un collège sur la montagne s’inscrit dans une tendance qui marque le site du Mont-Royal durant la première moitié du 20e siècle. Le flanc nord-ouest de la montagne attire en effet de nombreuses institutions, pour la plupart francophones, à la recherche d’espace pour se développer. À cette époque, les terrains y sont encore vastes, abordables et disponibles. L’urbanisation du secteur, incluant déjà au début du siècle un réseau de tramways, s’accélère à partir de la fin des années 1920. La présence de ces institutions, dont des hôpitaux et l’Université de Montréal, amène de plus en plus de familles à s’installer dans le quartier Côte-des-Neiges. Le Collège Jean-de-Brébeuf, qui accueille principalement des pensionnaires à ses débuts, reçoit après la Seconde Guerre mondiale autant d’élèves externes habitant à proximité ou voyageant en automobile.
À l’instar des autres établissements scolaires dirigés par des communautés religieuses, comme le Collège Notre-Dame situé dans le même quartier, le Collège Jean-de-Brébeuf a progressivement laïcisé son corps enseignant à la suite des réformes des années 1960. Ce phénomène, conjugué à la présence d’infrastructures sportives importantes qui attirent les visiteurs, a rendu nécessaire l’aménagement de stationnements sur le site. Toutefois, le Collège Jean-de-Brébeuf a conservé intact jusqu’en 1992 ce qui constituait l’une des plus vastes et des plus rares parcelles naturelles de Côte-des-Neiges sur sa propriété : le boisé Brébeuf ou boisé des Pères. Une partie de ce boisé patrimonial a été vendue cette année-là à l’École des hautes études commerciales (HEC), qui convoitait le terrain pour y construire un pavillon. Le projet controversé, contre lequel se sont mobilisés des groupes de citoyens, a finalement vu le jour grâce à des compromis et à ses qualités paysagères et architecturales. Le site du Collège Jean-de-Brébeuf conserve encore aujourd’hui une part importante de ce boisé rappelant le passé rural du mont Royal.