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Sabor Latino, épicerie phare de la Petite Amérique latine

02 juin 2017

Proposant des aliments aux accents latino-américains, l’épicerie Los Andes, rebaptisée Sabor Latino, se trouve au cœur d’un secteur de Montréal surnommé la Petite Amérique latine.

Aux abords de la rue Bélanger, près de la rue Saint-Denis, se trouve une concentration de commerces latino-américains que certains surnomment le « Barrio Latino » (quartier latino). Les limites de cette zone d’influence de la rue Bélanger sont flexibles puisqu’elles s’étendent de la rue Saint-Laurent à la rue Saint-Hubert et atteignent la rue Jarry au nord.

Librairie espagnole

Scène de rue montrant la Librairie espagnole sur le boulevard Saint-Laurent
2017. Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.
Les immigrants latino-américains arrivent à Montréal en nombre important à partir des années 1960. Leurs pays d’origine ainsi que les raisons de leur émigration varient selon les époques. Lorsque la première vague s’installe à Montréal, il n’y existe pas de commerces latino-américains. La Librairie espagnole, établie sur le boulevard Saint-Laurent, permet à plusieurs Montréalais d’origine latino-américaine arrivés dans les années 1970 de trouver des livres, mais aussi des produits alimentaires qui se rapprochent de ceux de leur pays d’origine. En plus des produits espagnols, la librairie offre aussi certains produits chiliens.

Le développement des commerces semble suivre l’évolution de l’immigration latino-américaine : on observe d’abord des commerces d’Amérique du Sud (particulièrement le Chili, la Colombie et le Pérou), puis ceux d’Amérique centrale (Salvador et Guatemala). Mais les clients latino-américains apprécient ces établissements indifféremment de leurs origines spécifiques.

Sabor Latino

Façade du Sabor Latino. On voit plusieurs voitures stationnées et des gens devant.
Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.

Naissance du Barrio Latino ou Petite Amérique latine

À partir des années 1980, de nombreux commerces et locataires latino-américains s’installent aux abords de la rue Bélanger, entre les rues Saint-Laurent et Saint-Denis. Au cœur de ce quartier, l’épicerie Los Andes est fondée en 1984 par un Montréalais d’origine colombienne. L’établissement de ce supermarché marque en quelque sorte la naissance du Barrio Latino en tant que quartier distinctif. Ce supermarché s’est avéré être un « pôle d’attraction » autant pour les latinos résidant dans le quartier ou le fréquentant que pour d’autres commerçants. On observe une croissance importante de commerces latino-américains depuis les années 1980 sur le territoire de La Petite-Patrie. Avec le temps, de nombreux centres d’aide et associations latino-américains se sont greffés à ce « pôle » commercial (le Centre d’aide aux familles latino-américaines, l’Association bolivienne, etc.).

Petite Amérique latine

Scène de rue montrant les commerces de la Petite Amérique latine sur Bélanger
2017. Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.
En 2016, les commerces latino-américains du quartier sont d’une grande diversité : des restaurants (on peut déguster pupusas, chorizos, tacos, tamales, etc.), des agences de voyages, des épiceries, des clubs vidéo, des coiffeurs, etc. Ces magasins vendent des produits latino-américains d’une plus grande diversité que ceux de nombreux pays d’Amérique latine. Ils occupent cette section de La Petite-Patrie à un point tel que des restaurants vietnamiens y offrent maintenant leurs menus en espagnol. De plus, le Barrio Latino est fréquenté par des habitants de La Petite-Patrie et des clients de passage d’origine autre que latino-américaine.

Fondation des commerces Los Andes

La famille Aguilar arrive de Colombie à Montréal dans les années 1970. Selon Maria Angelica Pabón, actuelle propriétaire de Sabor Latino, Hector Aguilar a été frappé à son arrivée par la faible disponibilité des produits latino-américains à Montréal. Voyageant au Salvador, au Guatemala et au Pérou, il rapporte des produits qu’il vend aux membres de sa communauté. Désireux d’avoir pignon sur rue, il s’installe dans la rue Bélanger. En plus des produits alimentaires, il rapporte aussi des téléromans et des films latino-américains. Il ouvre des agences de voyage, le commerce Vidéo Latino puis, en 1984, le supermarché Los Andes, nom qui évoque la cordillère des Andes. Par la suite, il ajoute une boucherie dans le local voisin, puis une agence de voyages quelques rues plus loin. Il inaugure d’autres commerces dans les villes d’Ottawa, de Toronto et de Vancouver.

Sabor Latino

Sabor Latino

Façade du Sabor Latino. On voit des voitures stationnées et un couple de piétons.
2017. Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.

En 2002, ses activités étant très diversifiées, Hector Aguilar choisit de vendre l’épicerie, la boucherie et le restaurant de la rue Bélanger à une autre famille colombienne, les Pabón. Après son arrivée à Montréal en 1990, M. Pabón travaille dans la restauration, puis il est employé pendant six ans à l’épicerie Los Andes, avant de l’acheter avec le restaurant. Celui-ci porte alors le nom de Sabor Latino, qui sera aussi donné à l’épicerie dans les années ultérieures. En 2009, la famille Pabón acquiert le supermarché de la rue Saint-Laurent, qui prend aussi le nom de Sabor Latino.

Un changement de clientèle s’opère dans les années qui suivent cette acquisition. Avant 2002, la majorité de la clientèle provient d’Amérique centrale. Lorsque le commerce change de propriétaire, ces clients se déplacent vers le marché Mundial de la rue Saint-Laurent, tenu par des propriétaires d’origine salvadorienne. Un nombre croissant d’immigrants de Colombie et du Mexique fréquentent Sabor Latino, ce qui mène les nouveaux propriétaires à importer davantage de produits de ces pays.

Le pouvoir attractif d’une épicerie

Petite Amérique latine

Restaurant salvadorien sur la rue Bélanger
2017. Photo de Denis-Carl Robidoux, Centre d'histoire de Montréal.
Selon Maria Angelica Pabón, actuelle propriétaire du Sabor Latino de la rue Bélanger, le quartier qui entoure son épicerie est en quelque sorte une petite Amérique latine. Elle affirme que lorsque le commerce a été inauguré dans les années 1980 « tout le monde voulait vivre près d’Andes, tout le monde voulait être à deux coins d’Andes parce qu’on disait : si tout le monde va chez Andes, tout le monde marchera deux coins de rue de plus pour aller chez moi. Alors oui, il y a beaucoup de magasins qui se sont concentrés aux alentours. Et d’ici jusqu’à à peu près Pie IX, on peut trouver plein de choses latino : des petits restos, des petites cafétérias, des petits magasins de casse-croûte, et tout ça, c’est vraiment à cause d’Andes ».

D’après la propriétaire, cette concentration n’est pas uniquement commerciale, mais aussi résidentielle. Elle constate qu’un grand nombre de Latino-Américains établis dans le quartier depuis plusieurs décennies fréquentent l’épicerie, en plus des autres résidants du quartier qui sont de diverses origines. Madame Pabón précise : « Les gens qui habitent autour de chez nous ne sont pas des gens qui viennent d’arriver. La plupart des gens ici sont vraiment des personnes [d’origine latino-américaine] qui habitent ici depuis 20 ans ou plus. C’est ce que je remarque. Les Latinos qui arrivent depuis 10 ans, je ne sais pas pourquoi, ont l’habitude d’aller chercher pas dans la ville ni dans l’île de Montréal, mais aux alentours de l’île de Montréal, en banlieue. C’est peut-être une culture latino : chez nous on n’aime pas habiter au centre de la ville, on aime vivre aux alentours de la ville parce que c’est plus tranquille. C’est plus sécuritaire chez nous. »

Malgré tout, la clientèle du magasin de la rue Bélanger est composée, selon Madame Pabón, de 70 % de personnes d’origine latino-américaine, dont plusieurs se déplacent de la banlieue pour faire leurs achats dans la rue Bélanger, n’arrivant pas à trouver les mêmes produits près de chez eux. La commerçante estime donc que les résidants du quartier constituent 30 % de la clientèle du Sabor Latino de la rue Bélanger.

Collaboration à la recherche et à la rédaction : Matthieu Caron.

Références bibliographiques

DEL POZO, José. « L’immigration des Latino-Américains. Une histoire de réfugiés et d’immigrants », dans Histoire d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université de Québec, 2014, p. 163-179.

GARCIA-LOPEZ, Magda. L’insertion urbaine des immigrants latino-américains à Montréal, Thèse Ph. D. Études urbaines, UQAM, 2003, 333 p.