Les années 1940-1950 sont celles de l’apogée de la pègre montréalaise. Les membres influents de cette « famille » infiltraient tous les milieux et nouaient des relations troubles.
« The mafia, they run their club. They’re business people; they didn’t bother the girls and the show. It wasn't like that. He’s sitting in the back; he's watching. » — Ethel Bruneau, danseuse et chanteuse
[« Les membres de la mafia, ils gèrent leur club. Ce sont des gens d’affaires. Ils ne dérangeaient pas les filles ni le spectacle. Ce n’était pas comme ça. Il s’asseyait au fond; il regardait. » — Ethel Bruneau, danseuse et chanteuse]
Le crime organisé s’implante à Montréal dès les années 1920 et accroît graduellement son influence. Dans les années 1940-1950, plusieurs boîtes de nuit, restaurants et maisons de jeu se trouvent ainsi sous l’emprise de la pègre locale et new-yorkaise. Trafic de drogue, contrebande, blanchiment d’argent, prostitution, jeu et paris illégaux, le monde interlope s’infiltre partout. Harry Davis et Harry Ship en sont deux représentants parmi les plus connus, mais les membres du réseau sont nombreux.
Vincenzo « Vic » Cotroni
Vincenzo « Vic » Cotroni
Armand Courville
Pègre montréalaise
Carmine « Lilo » Galante
Né aux États-Unis, ce criminel d’origine sicilienne est le numéro deux de l’une des cinq grandes familles du crime organisé new-yorkais : les Bonanno. Chargé d’étendre l’influence de la famiglia au Québec, il arrive à Montréal en 1952 et prend le contrôle du monde interlope montréalais avec l’appui des Cotroni et de Luigi Greco. En 1955, il est cependant forcé de quitter le pays, et Vic Cotroni prend alors la relève. L’ambition et la soif de pouvoir de Galante auront toutefois raison de lui : il sera froidement assassiné en juillet 1979.
Lucien Rivard
Criminel depuis son adolescence, Lucien Rivard se tourne vers le trafic de drogue au début des années 1950. Soutenu par la mafia, il devient l’un des maillons clés de la French Connection, le réseau international de trafic d’héroïne gravitant autour de la pègre marseillaise. Arrêté et emprisonné en 1963, il s’échappe de la prison de Bordeaux en 1965. Sa cavale rocambolesque dure plusieurs mois. Finalement incarcéré aux États-Unis, il sera libéré dans les années 1970 et mènera une vie bien discrète jusqu’à sa mort.
Harry Feldman
D’origine juive, Harry Feldman émigre très jeune des États-Unis à Montréal et trempe rapidement dans le milieu criminel. En 1932, il ouvre une importante maison de jeu située sur la rue Sainte-Catherine. La police effectue près de 200 descentes dans son établissement, mais il réussit tout de même à maintenir ses activités jusqu’en 1946. Cet exemple flagrant de tolérance policière choque Pax Plante qui dénonce ouvertement l’entreprise de Feldman à la fin des années 1940. Feldman se retire finalement du monde du jeu clandestin et meurt quelques années plus tard.
Max Shapiro
Joueur invétéré et personnage central de la pègre juive montréalaise, Max Shapiro évolue dans le milieu interlope aux côtés notamment d’Harry Davis. Il dirige de nombreux établissements de jeu et paris illégaux à Montréal et possède aussi des intérêts dans divers clubs et restaurants, dont le Ruby Foo’s et le Bonfire du boulevard Décarie. Parmi ses associés directs, il compte Carmine Galente, Vic Cotroni, Luigi Greco, Frank Petrula et Harry Ship.
Frank Petrula
Frank Pretula
Luigi Greco
Fils d’immigrant italien, Luigi Greco s’initie très tôt au monde interlope montréalais avec son ami Frank Petrula. Ensemble, ils font les quatre cents coups, et Greco se retrouve en prison pour vol à main armée au tournant des années 1940. À sa sortie de prison, il devient le chauffeur d’Harry Davis. Il s’allie, au début des années 1950, à Carmine Galante et aux frères Cotroni (Vic, Pep et Frank). Impliqué dans une multitude d’escroqueries, dont la contrebande de drogue, il est l’un des personnages centraux de la mafia montréalaise. Il décède accidentellement en 1972.
Giuseppe « Pep » Cotroni
Giuseppe Cotroni rejoint très tôt les rangs du crime organisé montréalais aux côtés de son frère aîné Vic. Condamné à plusieurs reprises pour différents délits, il se lie à Lucien Rivard et à la « French Connection » dans le trafic international de l’héroïne. Pris au piège par un agent américain de lutte antidrogue, il écope d’une sentence de prison de 10 ans en 1959. Après sa libération, il reprend rapidement ses activités illicites, mais sans l’éclat d’antan.
Ce texte de Maryse Bédard est tiré du livre Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, sous la direction de Catherine Charlebois et Mathieu Lapointe, Montréal, Cardinal, 2016, p. 173, et de l’exposition Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960.
BRODEUR, Magaly. Vice et corruption à Montréal, 1892‑1970, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2011, 129 p.
CHARLEBOIS, Catherine, et Mathieu LAPOINTE (dir.). Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, Montréal, Cardinal, 2016, 272 p.
CHARBONNEAU, Jean-Pierre. La filière canadienne, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2002, 597 p.
DE CHAMPLAIN, Pierre. Histoire du crime organisé à Montréal de 1900 à 1980, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2014, 502 p.