Dès sa construction en 1928, le cinéma Empress Theatre se distingue par son style inspiré de l’Égypte ancienne. Malgré les outrages du temps et son abandon, il se démarque toujours.
Empress Theatre
La première représentation cinématographique au Canada a eu lieu à Montréal, le 27 juin 1896 au Palace Theatre de la rue Saint-Laurent. Les spectateurs ont alors assisté à la projection de quelques « vues animées », des courts métrages réalisés par les frères Lumière. Dès lors, la popularité du cinéma ne cesse de croitre, passant d’une attraction ambulante expérimentale à des salles obscures bien établies. Entre les années 1910 et 1930, une vingtaine de « salles atmosphériques », surnommées movie palaces, sont construites dans la région montréalaise. Ces grands espaces distractifs sont conçus pour proposer des spectacles divertissants à un large public, dans une atmosphère portant l’imagination loin du quotidien.
Une attirance pour l’Égypte ancienne
Empress Theatre
Librement inspiré par deux temples égyptiens de la période ptolémaïque (-323 à -30 avant J.-C.), celui de Philae dédié à la déesse Isis proche d’Assouan et celui d’Edfou consacré au dieu Horus entre Louxor et Assouan, le décor néoégyptien de l’Empress Theatre (« cinéma l’Impératrice ») plonge le visiteur dans l’Égypte magique des années 1920. Construit au 5560 de la rue Sherbrooke Ouest, dans Notre-Dame-de-Grâce, le cinéma comprend une grande salle moderne de 1350 places. Sa façade de pierre réalisée par Pierre-Édouard Galea se compose de colonnes, de corniches, de portraits, d’inscriptions pseudo-hiéroglyphiques et de personnages d’inspiration pharaonique. Le décor intérieur réalisé par Emmanuel Briffa, qui décora également le Rialto (1924), les Théâtres Outremont (1929) et Snowdon (1937), se compose de peintures et de moulures égyptisantes reproduisant, entre autres, dans le hall principal, le kiosque construit par l’empereur romain Trajan au temple de Philae. Unique au Canada, cet ensemble architectural néoégyptien initie le spectateur aux paysages fantasmés d’une Égypte ancienne immuable.
Des difficultés financières à l’abandon
Empress Theatre
Malgré les rénovations successives (1963, 1968) et les flammes (1992), l’Empress conserve encore quelques éléments de son décor originel de 1928. Plusieurs projets de restauration ont été proposés sans succès, malgré le soutien de résidants, d’artistes et d’un groupe de bénévoles passionnés. À l’image du Louxor, cinéma néoégyptien parisien au destin longtemps incertain et aujourd’hui rénové, l’Empress pourrait renaitre de ses cendres et reprendre sa place dans la trame urbaine, sociale et culturelle de Notre-Dame-de-Grâce.
Bien plus qu’un simple cinéma de quartier actuellement inoccupé, l’Empress possède une valeur patrimoniale irremplaçable pour Notre-Dame-de-Grâce et plus largement pour Montréal. Les conversions successives de l’enseigne lumineuse de l’édifice rappellent les transformations socio-économiques montréalaises. Intrinsèquement, l’Empress est un témoin indéniable d’une époque flamboyante, durant laquelle l’Orient faisait rêver l’Occident par l’intermédiaire notamment des movie palaces qui offraient au grand public une expérience singulière à un prix compétitif.
Entre 1987 et 2001, un autre cinéma égyptien fut actif à Montréal, dans le centre commercial des Cours Mont-Royal de la rue Peel. Avec ses trois salles, le Cinéma Égyptien présentait un décor égyptisant flamboyant. Les décorations camouflaient avantageusement les piliers de soutènement, apparaissant dans les salles, en colonnes palmiformes multicolores et intégraient d’autres éléments néoégyptiens.