Au début du XXe siècle, la Canadian Tube & Steel Company, établie à Ville-Émard, contribue à l’essor industriel et résidentiel du quartier.
Lieu : Au coin des rues Saint-Patrick et Hamilton
1911 : Ouverture de l’usine
John Wilson McConnell
En 1910, la Canadian Tube & Iron Company est officiellement constituée en société. L’année suivante, le magazine The Monetary Times indique qu’une nouvelle usine est en construction à Ville-Émard et devrait ouvrir ses portes au printemps, au coin des rues Saint-Patrick et Hamilton. On y produira, entre autres, des tiges, des poutres, des tubes et des boulons. En août, la même année, l’imposante manufacture, « qui couvre deux blocs à l’extrême ouest du quartier Saint-Paul », est mentionnée dans un article du Canadian Courrier qui vante l’essor industriel du Québec. La manufacture profite de l’énergie hydraulique fournie par le canal de Lachine : chaque année, près de 14 milliards de litres d’eau sont utilisés.
La compagnie est à ses débuts présidée par John Wilson McConnell, bien connu dans les cercles commerciaux et industriels. Né en Ontario en 1877, il déménage en 1902 à Montréal. En plus de son poste à la Canadian Tube & Iron, il est notamment vice-président de la Montreal Tramways Co., de l’Imperial Trust Co., de la St. Lawrence Sugar, de la Canadian Rolling Mills Co., de la Goodwins Ltd. et de bien d’autres. En 1914, McConnell décide de fusionner la Canadian Tube and Iron avec la Colonial Wire Manufacturing et la Canadian Rolling Mills. La nouvelle entité est renommée Canadian Tube & Steel Company.
La Canadian Tube & Steel et le développement de Ville-Émard
Montreal Rolling Mills Co
Ville-Émard commence à se développer au tout début du XXe siècle. À l’époque, de grandes compagnies choisissent de s’établir le long du canal de Lachine, à la hauteur de Côte-Saint-Paul et de Ville-Émard, puisque le secteur est alors presque vide, et les terrains disponibles y sont vastes. L’arrivée de la Canadian Tube & Steel va attirer de nombreux travailleurs dans le quartier, notamment des immigrants italiens qui s’installent en périphérie de Montréal.
Dans une étude publiée en 1934, Harold A. Gibbard fournit une description de ce processus : selon lui, le secteur a été construit autour de trois usines majeures, soit la Canadian Car & Foundry (1905), la Mount Royal Spinning Wool Company (1908) et la Canadian Tube & Steel. Ces entreprises auraient agi comme un aimant, favorisant le développement résidentiel et urbain du quartier. Ainsi, dès 1915, toutes les rues de Ville-Émard auraient été officiellement ouvertes et graduellement peuplées par une majorité de Canadiens français, mais aussi par des Italiens et des Polonais. Gibbard estime que la Canadian Car & Foundry et la Canadian Tube & Steel ont donné du travail à environ la moitié des Italiens ayant résidé à Ville-Émard avant 1930.
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Contribution à la recherche : Société d’histoire Saint-Paul-Émard.
Dès les années 1920, certains journaux montréalais mentionnent les dangers associés au travail dans l’usine de Ville-Émard. Outre les quelques blessures au travail rapportées, on signale des accidents majeurs à la Canadian Tube & Steel, ayant coûté la vie à plusieurs ouvriers. En 1938, Léo Clark, 31 ans, meurt brûlé dans une explosion à la fonderie de la manufacture. Arnold Winterbottom, 39 ans, meurt lui aussi dans une explosion survenue à l’usine en septembre 1942. Deux ans plus tard, cinq personnes y perdent la vie dans une troisième explosion. Trois incidents fatals en moins de 10 ans.
Ces accidents surviennent en pleine Seconde Guerre mondiale, alors que l’usine de Ville-Émard est réquisitionnée pour l’effort de guerre canadien. Les conditions de travail sont rudes. Dès 1941, 650 ouvriers se mettent en grève et sont rapidement réprimandés pour leur démarche par le gouvernement canadien, désireux de garder ses usines de munitions ouvertes et fonctionnelles. Après la guerre, une autre grève est déclenchée, en 1946. Environ 800 travailleurs réclament de meilleurs salaires et moins d’heures de travail par jour. Cette nouvelle grève arrive en parallèle avec les grèves de l’acier de 1946, qui ont cours dans plusieurs autres aciéries canadiennes, notamment à Hamilton en Ontario. La grève durera trois semaines, avant que les différentes parties arrivent à un accord en août de la même année.
Une troisième grève de six semaines, impliquant cette fois-ci 1200 ouvriers, est déclenchée à la Canadian Tube & Steel en 1950. On signe finalement une entente accordant à tous les ouvriers un salaire minimum de 1,05 $ de l’heure et une semaine de travail de 44 heures.