Datant de la fin du XIXe siècle, les demeures d’inspiration victorienne de la rue May ont disparu en 2015. Car cette ancienne voie a fait place au tout nouveau pont Samuel-De Champlain.
Rue May, plan Goad
À la fin de 2015, la petite rue May disparaît du paysage montréalais. Située à Verdun, elle est victime de la reconfiguration des voies en vue de la construction du pont Samuel-De Champlain destiné à remplacer le pont Champlain. Elle cède la place à une troisième voie de circulation sur l’autoroute 15. Seize maisons, dont les résidants ont été expropriés, tombent sous le pic des démolisseurs à compter du 26 octobre 2015.
La rue May à Verdun
Cette petite rue a probablement été nommée en l’honneur d’Edward May. Ce mécanicien des chemins de fer est devenu le septième maire de Verdun de 1902 à 1903. Bordée jadis par la rivière Saint-Pierre servant de déversoir (tailrace) pour l’aqueduc, cette voie a marqué longtemps la frontière entre Verdun et Montréal. Toutefois, vivre près de l’affluent n’est pas sans désagrément pour les résidants. En avril 1904, Verdun connait la pire inondation de son histoire. La rivière sort de son lit et submerge les résidences de la rue May jusqu’au deuxième étage!
Rue May inondation 1904
Pour éviter un pareil désastre, une digue plus haute est construite. Puis, en 1933 et 1934, le torrent est canalisé sous terre dans un collecteur légèrement à l’est de la rue May. La présence de la rivière souterraine, mais aussi celle du chemin de fer, empêche la construction du nouveau pont Samuel-De Champlain dans cette zone. Par conséquent, l’accès à l’autoroute 15 a été élargi à la hauteur de la rue May, ce qui a entrainé sa disparition en 2015.
Des maisons pleines d’histoire
Rue May 1962
Aujourd’hui disparues, ces demeures d’inspiration victorienne étaient les plus anciennes de la rue May. Propriétaire de plusieurs terrains du côté de la ferme de Robert Knox à la limite est de Verdun, Edward May vend le quadrilatère des rues Wellington, River (aujourd’hui Gilberte-Dubé), Rushbrooke et May à Isaac Collins en 1894. Au cours des années suivantes, Isaac Collins fait construire, des numéros 268 à 282 de la rue May, deux maisons jumelées et une maison en coin avec une tourelle, terminées en 1898.
Les premiers résidants de ces demeures peuvent profiter de la patinoire Saint-Laurent ou de la rampe en toboggan, toutes deux situées au coin des rues Rushbrooke et May. D’abord habitées par des élus municipaux, tels que Charles Manning et Joseph Farrar, les résidences accueillent ensuite plusieurs veuves et révérends. Au fil des ans, francophones, anglophones et Vietnamiens ont logé en ces lieux, reflétant la diversité culturelle de Verdun. Afin de raconter leur histoire aux générations futures, l’arrondissement de Verdun a préservé des artéfacts, photographies, vidéos et éléments architecturaux de ces maisons centenaires.
Du pont Champlain au pont Samuel-De Champlain
Pont Champlain 1961
En 1955, le ministre fédéral des transports, George Malher, annonce la construction d’un quatrième pont reliant Montréal à la Rive-Sud; celui-ci rejoindra Brossard. Les ponts Victoria, Jacques-Cartier et Mercier ne suffisent plus : l’afflux grandissant d’automobilistes des nouvelles banlieues vers l’île crée des problèmes de circulation sans précédent. Mandaté par le gouvernement fédéral, le Conseil des ports nationaux demande à l’ingénieur d’expérience, Philip L. Pratley, de revoir ses plans pour remplacer la structure d’acier par une en béton précontraint, une nouvelle technique moins coûteuse. Succédant en 1958 à son père décédé soudainement, Hugh Pratley n’aime pas beaucoup l’idée, mais il doit céder! La construction du pont débute cette année-là pour se terminer en 1962. Doté de six voies, le pont Champlain est alors le plus long au Canada.
Cinquante-trois ans plus tard, la structure de béton s’est détériorée à un point tel que le chantier d’un nouveau pont est lancé. Après près d’un an de retard, le nouveau pont Samuel-De Champlain est finalement ouvert le 24 juin 2019 et inauguré officiellement le 1er juillet suivant.
L’article original est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans Le Journal de Montréal du 6 décembre 2015. Il a été écrit en collaboration avec la Maison Nivard-De Saint-Dizier de Verdun. Le texte a été remanié pour sa publication sur le site Mémoires des Montréalais.