Modeste secteur dans la partie ouest du Vieux-Montréal, la place D’Youville cache bien ses secrets. Pourtant cet espace public dévoile des traces de toutes les époques!
Caserne de pompiers et la place d'Youville à Montréal
Le gouverneur Louis-Hector de Callière laissera son nom à la pointe de terre, car il y fait construire sa résidence au début des années 1690. Seul témoin du Régime français visible autour de la place, l’Hôpital général est son voisin. Pendant longtemps, les terrains environnant la place actuelle sont la propriété de cet hospice pour indigents, construit entre 1692 et 1694 et d’abord dirigé par les Frères Charon. L’Hôpital est pris en charge, à partir de 1747, par la congrégation des Sœurs de la Charité, ou Sœurs grises, communauté fondée par Marguerite d’Youville. Sur l’autre rive de la petite rivière Saint-Pierre se dressent les fortifications de la ville.
Nouvelle vocation
La proximité du port va cependant vouer ce secteur aux activités commerciales qui amènent un changement de configuration dans la première moitié du XIXe siècle. On démolit les fortifications et on canalise la rivière. Des entrepôts bordent dorénavant la place. On peut, par exemple, y voir les entrepôts Bouthillier débordant de potasse prête à partir pour l’Angleterre.
Marché Sainte-Anne vers 1839
Tournant dans l’histoire de la place
Place D'Youville 1901
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La partie ouest de la place subit une vraie cure de beauté au début du XXe siècle. Elle se pare d’édifices imposants, de sièges sociaux de compagnies telles que le Grand Tronc et le Canadian Express. Au cœur de cet espace public, la caserne de pompiers ne s’en laisse pas imposer. Un nouveau voisin s’installe : les Douanes ont quitté la pointe à Callière et emménagent dans un bâtiment aux colonnades remarquables. La place n’attire pas que les beaux et grands édifices; dès les années 1920, les automobilistes la fréquentent aussi. Elle semblera d’ailleurs abandonnée aux stationnements dans les années 1970 et 1980.
Aujourd’hui, les passants se réapproprient la place D’Youville. Du moins la partie est, dont le réaménagement paysager a été achevé en 1999. Évoquant à la fois la rivière canalisée et le lieu d’échanges et de rencontres des Montréalais, cet espace invite à un voyage dans le temps.
Illustration Jean-Paul Eid, 1658
Si un fantôme hante la place D’Youville, c’est celui de la Petite rivière, ou rivière Saint-Pierre, qui a longtemps coulé à cet endroit. Elle prenait sa source dans la partie ouest de l’île pour se jeter dans le fleuve, créant une pointe de terre qui a vu naître Montréal et qu’on a appelé la pointe à Callière. Jugé insalubre, le cours d’eau est canalisé en 1832 dans un canal souterrain : le collecteur William. Il disparaît en 1990 lorsque le collecteur est comblé de sable, au moment de la construction de Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire.
Avant-après : La place D'Youville
La place D'Youville à partir de la rue McGill
1839. St. Ann’s Market [le marché Sainte-Anne], par James Duncan. Tiré de : Hochelaga Depicta or the History and Present State of the Island and City of Montreal, de Newton Bosworth, Toronto, Congdon & Britnell, 1901 (1839).
2014. Place D’Youville, par Denis-Carl Robidoux.