1966. Montréal a enfin un planétarium de calibre international, 41 ans après l’ouverture du prototype en Allemagne. Ce bâtiment moderne est inauguré par le maire
Jean Drapeau la même année que le
métro. C’est un ancien professeur de chimie et grand amateur d’astronomie, le Dr Pierre Gendron, qui convainc la brasserie Dow, dont il était président, de financer ce projet et de l’offrir en cadeau à la Ville. Le bâtiment est doté d’une salle sphérique bien visible, un cas unique à Montréal. Le Planétarium Dow est le premier établissement public consacré à l’astronomie au Canada. Jusqu’en 2011, il a initié six millions de visiteurs aux merveilles du cosmos, avant de déménager dans ses nouveaux bâtiments du
Parc olympique en 2013, emportant le cadran solaire donné par des citoyens de Rotterdam et la statue de Copernic, copie de l’originale installée à Varsovie. L’ancien planétarium est cédé en 2013 par la Ville à l’École de technologie supérieure.
Décédée à 149 ans
Juste derrière le planétarium, la brasserie Dow annonce une de ses bières — c’est clairement visible sur la photo. Fondée en 1790 et menée dès 1818 par le maître brasseur écossais William Dow, cette brasserie produit plusieurs des bières les plus populaires du Québec et profite d’un slogan efficace : « Dites donc Dow ». Après sa fusion au début du XX
e siècle avec les brasseries Dawes (dont il faut visiter la superbe collection au Musée de Lachine!), Ekers, Union et Frontenac, elle devient une compagnie d’envergure nationale. Mais en 1966, rien ne va plus. La mort suspecte de plusieurs grands buveurs de Dow à Québec ébranle la confiance des consommateurs, sans qu’on puisse prouver quoique ce soit. Un slogan néfaste se propage : « Dow, la bière qui tue! » Croyant bien faire, la brasserie récupère et jette 500 000 gallons de son précieux nectar dans le fleuve, signant son arrêt de mort commercial. La brasserie O’Keefe (plus tard intégrée à Molson) achète l’éclopée en 1967. La mémorable marque de bière Dow disparaît en 1998.
Le square fantôme
Un lac occupait le site du Planétarium au XVIII
e siècle. Ses eaux allaient se jeter dans le Saint-Laurent à la pointe à Callière, prenant au passage divers noms, dont la petite rivière Saint-Pierre. Peu à peu asséché, le terrain est acquis par le notaire et député Louis Chaboillez, issu d’une famille œuvrant dans le commerce de la fourrure. À sa mort, sa veuve vend un terrain dans ce secteur en réservant une portion pour aménager une place publique au nom de son défunt mari. Ce square Chaboillez devient en fait un simple carrefour où se croisent des rues du quartier. On raconte que Louis Cyr, alors policier, y avait été appelé pour constater la mort d’un cheval. Ne sachant comment écrire le nom de Chaboillez, il décide de transporter la bête sur la rue Notre-Dame, plus facile à orthographier! Ce square fantôme servit de stationnement pour la gare du Canadien national à partir des années 1950, avant d’être occupé par le Planétarium et les accès à l’autoroute Ville-Marie.
Cet article est paru dans la chronique « Montréal, retour sur l’image », dans le Journal de Montréal en 2013 et dans le livre Promenades historiques à Montréal, sous la direction de Jean-François Leclerc, les Éditions du Journal, 2016, 240 p.