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L’origine du nom Mile End

22 novembre 2018
Mémoire du Mile EndMémoire du Mile End
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Le secteur qui deviendra le quartier montréalais du Mile End porte ce nom depuis la première moitié du XIXe siècle. Les habitants l’ont baptisé ainsi pour trois raisons.

Carte Hopkins

Carte présentant le tracé des rues de différentes municipalités, parmi lesquelles « Saint-Louis du Mile End » apparaît. On peut également y voir les inscriptions « Mile End Station » ainsi que « Mile End P.O. ».
Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
La question qui survient le plus souvent lorsqu’il est question de l’histoire du Mile End est celle de l’origine de ce nom. Pourquoi est-ce que ce quartier se nomme ainsi? La question est simple et évidente. La réponse l’est beaucoup moins! C’est néanmoins une histoire fascinante.

C’est entre 1805 et 1810 que le secteur traversé par le chemin Saint-Laurent (actuel boulevard Saint-Laurent) près de l’actuelle avenue du Mont-Royal commence à être désigné sous le nom de « Mile End ». Il n’est pas étonnant que le propriétaire britannique ait employé ce nom, et cela pour trois raisons. D’abord, une distance d’un mille séparait ce lieu de la limite d’urbanisation de la ville. Ensuite, le terme Mile End est couramment utilisé en Angleterre depuis le Moyen Âge pour désigner un secteur situé à un mille d’un point de repère quelconque. Enfin, un quartier de Londres porte le nom de Mile End.

Le bout du mille

Mile End est un nom anglais, bien sûr, voulant dire « au bout du mille », soit un lieu à un mille au-delà d’un autre, plus central. Le nom désigne depuis le Moyen Âge un village près de Londres. Avec l’expansion de la ville, ce village est devenu un quartier, desservi depuis 1902 par une station de métro. Le village médiéval, attesté dès 1288, était situé à un mille à l’est de la porte Aldgate de la cité fortifiée de Londres.

On peut affirmer avec un bon degré de certitude que notre Mile End a été inspiré par celui de Londres. Mais pourquoi? Et s’il s’agit du bout d’un mille, où se situent ses extrémités?

Le répertoire toponymique de la Ville de Montréal affirme que « le nom tire son origine d’un champ de courses […] » et qu’« entre cette piste et la limite du Montréal d’alors, il y a exactement un mille ». Cette affirmation se base sur une recherche menée dans les années 1940 par Conrad Archambault, alors archiviste en chef de la Ville de Montréal. Elle fait écho à une longue tradition associant le Mile End aux courses de chevaux au XIXe siècle.

Mais il y a un problème. La piste de course identifiée par M. Archambault a existé pendant les années 1850 et 1860, tandis que le nom était déjà en usage en 1810! Or, une auberge du Mile End ou Mile End Tavern se trouvait au coin nord-ouest de la rue Saint-Laurent et de l’avenue du Mont-Royal (qui était à l’époque le chemin de la Côte-Sainte-Catherine), jusqu’au tournant du XXe siècle. Entre-temps, l’existence de cette auberge avait été oubliée par les historiens…

L’auberge et la piste de course

Mile End - Gazette

Annonce de journal faite par Stanley Bagg le 4 août 1815
Gazette de Montréal, 7 août 1815.
Les aubergistes entre 1810 et 1818 étaient un père et son fils, originaires du Massachusetts. Phineas Bagg, veuf et endetté, a émigré au Bas-Canada vers 1795 avec ses enfants. Il s’y est bâti une nouvelle vie. Ses fils Abner et Stanley sont devenus des hommes d’affaires influents, travaillant entre autres sur la construction du canal de Lachine et sur des contrats pour l’armée britannique.

Stanley, tenancier de l’auberge avec son père, était un grand amateur de chevaux. Il a effectivement fait construire une piste de course en 1811, située le long de la rue Saint-Laurent entre les avenues du Mont-Royal et Duluth d’aujourd’hui; ce site englobe celui du futur parc Jeanne-Mance. Voici donc la piste qui a été la première associée au nom Mile End. En août 1815, ayant perdu son cheval bai près de l’auberge, Stanley Bagg a inséré une annonce bilingue dans la Gazette de Montréal pour offrir une récompense de 10 livres à « quiconque informera où l’on pourra trouver le Cheval ou le Voleur ». Nous ne savons pas s’il a réussi à retrouver son cheval!

L’auberge et la piste de course étaient situées sur des terrains loués, appartenant à un boucher anglais portant le nom de John Clark. Originaire du comté de Durham au nord de l’Angleterre, John Clark avait l’ambition de devenir grand propriétaire foncier. Il a investi tous ses profits dans l’achat de terrains dans ce qui était alors la campagne de l’île de Montréal. En 1804, il a acheté l’emplacement de la future piste de course, et c’est lui qui a donné le nom Mile End Farm à ce terrain. C’est sûrement lui aussi qui a nommé l’auberge du Mile End.

Et le mille, alors? Si on suppose que le bout du mille était l’auberge, située à la première croisée de chemins au nord de la rue Sherbrooke, le début de ce mille serait justement la rue Sherbrooke. Elle n’a jamais été une limite officielle, mais elle longe la forte pente qu’on appelait jadis la côte à Baron et qui empêchait les faubourgs de Montréal de s’étaler plus au nord. Voilà donc l’explication de notre Mile End : un trajet sur la rue Saint-Laurent d’à peu près un mille depuis la limite approximative de l’étendue des faubourgs de Montréal en 1804, vers un lieu de loisirs longtemps associé à son auberge et ses courses de chevaux.

Cet article est tiré des textes L’origine du nom Mile End et Notes pour une histoire du Mile End (extraits) disponibles sur le site Internet de Mémoire du Mile End.

Référence bibliographique

DESJARDINS, Yves. Histoire du Mile End, Québec, Septentrion, 2017, 355 p.