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Le restaurant Ho Ho

20 juin 2023

De 1946 à 2000, le restaurant Ho Ho a été un lieu renommé pour les immigrants chinois, qui pouvaient y célébrer leur culture et y tisser des liens avec les membres de la communauté.

Restaurant Ho Ho

Photo couleur de l’intérieur d’un casse-croûte avec le comptoir et les banquettes orange.
© Armand Thomas
De 1946 à 2000, à l’angle sud-ouest des rues De La Gauchetière et Clark, les passants ne pouvaient pas manquer la lueur des enseignes néon du restaurant Nankin, situé au deuxième étage, qui invitait les gens à entrer pour déguster un repas chinois. Au troisième étage se trouvait une maison de chambres et, au rez-de-chaussée, une simple porte menait à un café et à un restaurant où se réunissaient de nombreux nouveaux immigrants venus de Chine. Pour les Toishanais, ce restaurant s’appelait Ho Ho’s, et pour les Cantonais, il se nommait To To’s.

Le restaurant a ouvert ses portes en 1946, l’année précédant la fin de la Loi de l’immigration chinoise, surnommée loi d’exclusion des Chinois. Cette mesure discriminatoire du gouvernement canadien empêchait tout immigrant chinois d’entrer dans le pays. À cause de cette loi et de la taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois les années précédentes, qui s’élevait à une forte somme, la communauté chinoise du Canada était devenue une société de célibataires : la majorité des immigrants étaient des hommes en quête de nouvelles opportunités ou des ouvriers qui ne pouvaient pas emmener leur femme ou leur famille. À leur arrivée, certains de ces nouveaux arrivants ont pris une chambre au troisième étage de l’immeuble Nankin, et d’autres ont trouvé du travail dans la cuisine du restaurant.

Pour prendre un repas rapide et abordable et profiter d’un lieu de rencontre, les résidants se rendaient au restaurant situé au rez-de-chaussée. Selon Jean-Philippe Riopel, muséologue, militant du Quartier chinois et guide touristique, « Ho Ho’s était un élément important pour le quartier parce qu’il était un point de ralliement pour les gens du Quartier chinois ». Selon lui, « il y avait un mélange des personnes âgées qui vivaient dans le quartier et des gens qui habitaient ailleurs, mais qui venaient le dimanche pour aller aux associations. Il y avait un sentiment de familiarité, c’était un point de repère dans [son] enfance ».

Plaque tournante pour la communauté

Restaurant Ho Ho 1989

Photo couleur de l’extérieur du restaurant Ho Ho prise en hiver, la porte d’entrée se trouve à gauche et trois fenêtres donnent un aperçu de l’intérieur.
© Suzanne Girard
Jusque dans les années 1980, Ho Ho’s faisait partie d’un Quartier chinois qui n’était pas seulement un refuge pour ces nouveaux immigrants, mais aussi un lieu connu dans toute la ville car il était toujours ouvert. Le soir, les clients venaient prendre un café et une pâtisserie avant de se rendre dans la salle de jeu située à l’arrière pour jouer au mahjong ou aux cartes. Son emplacement central dans le quartier en faisait une plaque tournante pour la communauté.

Quand la porte s’ouvrait, l’air était souvent chargé de conversations, de fumée de cigarette et de l’odeur du pain fraîchement cuit. D’un côté, un comptoir en stratifié orange s’étirait sur toute la longueur du restaurant, de l’autre côté se trouvaient une série de fenêtres et un comptoir à la hauteur de la poitrine contre lequel on pouvait s’accouder tout en observant la circulation et les passants de la rue De La Gauchetière. Les clients se réunissaient avant ou après leur journée de travail, discutant des possibilités d’emploi, de la vie dans un pays à la fois plein de promesses et d’adversité, et de leurs épouses et familles qui se trouvaient à l’autre bout du monde. La clientèle était essentiellement masculine, conséquence de la ségrégation sociale imposée par la loi d’exclusion des Chinois, qui perdurerait encore longtemps au cours des années suivantes.

La famille de Sandy Yep vivait plus à l’ouest sur la rue De La Gauchetière, et il se souvient encore de l’endroit : « Quand on y va, on retrouve le sentiment des cafés d’antan, avec un comptoir haut et des tabourets tournants. » Sandy Yep est aujourd’hui responsable de l’éducation au ministère de l’Éducation de l’Ontario, mais il se considère comme un Québécois chinois à la base, trois générations de sa famille ayant vécu dans le Quartier chinois de Montréal. Il appelle ce quartier son village ancestral : « C’est là que mes racines commencent, c’est là que la famille Yep est arrivée. »

Et Sandy Yep n’est pas le seul à se remémorer les tabourets du Ho Ho’s. Les tabourets recouverts de vinyle sont courants dans les restaurants, mais de nombreuses personnes ayant fréquenté le restaurant dans leur enfance, dont la graphiste et illustratrice Vivian Yu, se souviennent que les tabourets étaient de la taille d’un enfant et qu’ils étaient comme un jouet tournant. La famille de Vivian Yu fréquentait le Ho Ho’s, et son père désigne affectueusement les tabourets par le nom de bang jai dung (饼干凳) (« des tabourets à biscuits »), car ils ressemblaient à des biscuits sandwichs géants en train de tourner.

Une cuisine canadienne et chinoise

Restaurant Ho Ho 1982

Un jeune enfant d’origine chinoise se tient debout contre le mur à côté de la porte d’entrée d’un restaurant. On peut lire Ho Ho Snack à l’envers sur la porte vitrée.
© Gilbert Duclos
Bien sûr, les gens se souviennent aussi de Ho Ho’s pour sa nourriture. Le café était également un attrait pour les clients, le restaurant en vendant jusqu’à 700 tasses par jour au plus fort de sa popularité. Grâce à un long gril plat, les cuisiniers préparaient des classiques occidentaux tels que les œufs brouillés ou le rôti de bœuf, spécial du mercredi, accompagnés d’une part de tarte. Suivant la tradition, les clients pouvaient ajouter des condiments qui se trouvaient le long des comptoirs dans des saucières chromées. La même cuisine proposait des plats chinois simples, comme le ngau laam (牛腩), un ragoût de bœuf, le yeem gook gai (鹽焗雞), un riz salé au poulet cuit au four, ou des collations telles que les petits pains de porc au barbecue, char sui bao (叉燒包), ou les raviolis de riz glutineux frits, ham sui gok (咸水角). La disponibilité de plats canadiens a fait du restaurant un lieu où les nouveaux immigrants pouvaient se familiariser avec la nourriture de leur pays d’adoption.

Les brioches, ou baos (包) en chinois, étaient l’un des plats les plus populaires du menu chinois. La brioche la plus convoitée — celle que les clients affamés, essentiellement masculins, commandaient régulièrement, et que les dames et les familles commandaient à emporter — était le buttah loh, que les clients chinois appelaient « les petits pains au beurre ». Les rouleaux étaient constitués d’une pâte moelleuse, enroulée en une spirale légèrement plus grande que la paume de la main. L’extérieur était recouvert d’une croûte dorée qui cédait facilement aux mains d’un enfant affamé, et le rouleau était recouvert d’une fine couche de glaçage au sucre, s’accumulant dans les creux de la pâte et créant une forme d’escargot blanc pâle.

Le restaurant est passé entre les mains de la famille Wong, le dernier propriétaire étant Bill Wong. La sélection de produits de boulangerie s’est élargie lorsque le restaurant a été transmis aux parents de monsieur Wong, sa mère ayant suivi une formation en pâtisserie à Hong Kong avant d’immigrer. Les petits pains au beurre faisaient partie des produits de boulangerie proposés par Ho Ho’s, auxquels s’ajoutaient les tartelettes aux œufs, les brioches à la noix de coco et le baak tong goh (白糖糕) — un gâteau éponge au sucre blanc avec des notes de levure cuit à la vapeur.

Les pâtisseries et les pains étaient conservés derrière le comptoir sur un plateau recouvert d’une feuille de plastique, puis transférés dans une boîte en papier fermée par une ficelle blanche, lorsque commandés à emporter. S’il existe aujourd’hui plusieurs boulangeries dans le quartier chinois, Ho Ho’s a longtemps été le seul établissement à proposer ces baos. « Ho Ho's faisait partie du rituel baai saan (拜山) (« honorer les ancêtres ») parce qu’à l’époque, c’était le seul endroit où l’on pouvait acheter des baos étant donné que c’était la seule boulangerie », explique Jason Lee, blogueur culinaire et écrivain.

Des petits pains bien populaires

À propos des petits pains, Jason Lee explique que « les gens ont demandé à trouver la recette originale, mais personne ne la connaît ». De l’autre côté de la rue De La Gauchetière, le restaurant Jade vend un fac-similé raisonnable du petit pain au beurre de Ho Ho’s, bien qu’il ne soit pas exactement le même.

Les petits pains au beurre étaient particulièrement populaires le week-end : Jason Lee se souvient qu’il passait chez Ho Ho’s pour prendre une collation après les cours à l’école chinoise, et Bill Wong garde en mémoire que le dimanche était le jour le plus chargé, lorsque les fidèles sortaient en masse des églises catholiques et presbytériennes du Quartier chinois pour prendre une bouchée. Jean-Philippe Riopel se rappelle également que les membres des associations claniques recevaient des boîtes en papier remplies de baos avant d’aller en réunion.

Les années 1980 ont vu arriver une nouvelle vague d’immigrants de Hong Kong, attirés par un nouveau programme du gouvernement canadien qui permettait aux investisseurs et à leur famille d’immigrer en échange d’un investissement de 250 000 dollars dans le pays. Si certains se sont installés à Montréal, beaucoup de ces nouveaux immigrants ont emménagé à Brossard, créant ainsi une communauté chinoise satellite sur la Rive-Sud. À la même époque, la Ville de Montréal, désireuse d’attirer davantage de touristes dans la ville et son Quartier chinois, a fait de la rue De La Gauchetière une rue piétonne. La fenêtre du Ho Ho’s a alors commencé à donner sur une foule de gens et non plus sur des voitures.

En 2000, le propriétaire Bill Wong a fermé les portes de Ho Ho’s. De nouveaux commerces de bouche ont ouvert dans le Quartier chinois, proposant des produits similaires avec une influence hongkongaise, et Bill Wong a décidé de quitter le restaurant, fatigué par des décennies de travail sept jours sur sept. En fermant ses portes, le restaurant est venu s’ajouter à la liste des immeubles menacés de disparition dans un quartier en perpétuel changement. Cependant, son existence pendant 54 ans témoigne du rôle de pierre angulaire qu’il a joué dans la communauté : les nouveaux immigrants s’y souvenaient des familles qu’ils avaient laissées en Chine, les grands-parents venaient y chercher des petits délices pour leurs petits-enfants en visite, et on y mangeait rapidement tout en observant les gens à travers la longue fenêtre.

Disparition d’un lieu communautaire

L’ampleur de la perte du Ho Ho’s est peut-être plus facile à comprendre si on place cette fermeture dans le contexte de la disparition d’autres endroits lors des vagues de construction dans et autour du Quartier chinois, comprenant l’édification du Palais des congrès, du Complexe Guy-Favreau et de l’autoroute Ville-Marie. Malgré les protestations des membres de la communauté du quartier, des résidences, plusieurs églises chinoises, des commerces et un parc ont été démolis. Plus qu’un simple restaurant et un café, Ho Ho’s était un autre lieu communautaire qui a disparu. Sandy Yep, qui a personnellement été témoin de la perte d’un grand nombre de ces espaces, explique cette situation : « C’était une autre façon pour nous d’être effacés et rejetés pour ce que nous avons apporté. Le gouvernement est intervenu et a démantelé notre communauté. »

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui se souviennent avec nostalgie du petit restaurant comme d’un lieu marquant de leur enfance. Sandy Yep et Jason Lee se demandent comment la valeur des lieux de rassemblement tels que Ho Ho’s sera reconnue. Ils s’interrogent aussi sur les moyens à mettre en place pour préserver et créer de nouveaux espaces qui sont nécessaires à une portion importante de la communauté, parce que c’est là que les gens peuvent trouver un sentiment d’appartenance, se souvenir d’où ils viennent et esquisser leur avenir. Malgré son nom, le Quartier chinois a abrité de nombreuses communautés, notamment vietnamienne, cambodgienne et juive, qui partagent certes une expérience de marginalisation, mais qui contribuent également à tisser la trame de la société québécoise et canadienne.

Dans de nombreuses communautés, les mythes aident les gens à donner un sens au monde, et leurs histoires sont instructives et illustrent des valeurs communes. Se souvenant de l’éclat coloré des lumières extérieures et de la chaleur à l’intérieur du Ho Ho’s, Jean-Philippe Riopel sourit et constate : « C’est étrange, quand nous commençons à vieillir un peu, nos souvenirs deviennent mythiques. »

一家传奇式食堂及糕饼店

门一打开,客人谈话声、香烟的烟雾和新鲜出炉的面包香味瞬即弥漫在空气中。餐厅的一边设有长长的橙色柜台,一排排的窗户在另一边让顾客看见 De La Gauchetière 街上的行人来来往往。菜单食物选择既有中国特色,也带有魁北克风味。炒鸡蛋或烤牛肉等经典西餐与中式牛腩和叉烧包等食物一起供应。

中式蒸包仍然最受欢迎。顾客最喜欢的是牛油包,饥饿的男士通常当场吃掉,而一些妇女或家人一般外卖带走。这个地方就是 Ho Ho,一家从 1946 年到 2000 年营业的餐馆,是很多唐人街华人的聚脚点。在那个年代,唐人街是华裔移民唯一能保存和庆祝文化的地方,Ho Ho 餐厅的氛围和食物绝对是蒙特利尔华人故事中不可或缺的一部分。

叶坚立:“ 当你去那里 [ Ho Ho] 时,看到吧台和旋转凳,你有一种进入昔日咖啡馆的感觉。小时候我必须弯腰才能看到各种蒸包......我把唐人街当作我的乡下,它是我的根,是叶家登陆的地方。”

Jason Lee: “ Ho Ho 以西餐厅的身份慢慢满足华人社区的需求。人们可以去那里吃西式早餐,有鸡蛋等食物,但你也可以在那里找到蒸包,用来拜神之类的东西。 Ho Ho 是我们拜祭祖先的必经之路,因为当时它是唯一的面包店,是唯一可以买到蒸包的地方。”

Jean-Philippe Riopel: “ 这真的是一个集结点。我总是和父亲一起来,他认识里面的人。那里有熟悉的面孔:黄家、Victor Hum、杜神父以及华人社区的所有重要人物。住在附近的长者和其他地方的居民都会在星期天聚在一起,因为其他地方居民都是那天去宗亲会的。很有趣的,当我们年纪越大,我们的故事就越像神话。在 Ho Ho 有一种亲切感,也是一个地标。”

资料搜集和撰写:郑凯瑶

Références bibliographiques

McRAE, Matthew. « La taxe d’entrée et les lois d’exclusion visant les personnes chinoises », Musée canadien pour les droits de la personne

CHUENYAN LAI, David et Timothy CHIU MAN CHAN. « Montréal Chinatown 1890-2014 », Fonds de l’héritage chinois-canadien