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Le Marché Méli-Mélo, épicerie, restaurant, et bien plus

30 janvier 2018
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Créée dans les années 1980, dans un quartier alors peu multiethnique, l’épicerie-restaurant Méli-Mélo a contribué à changer l’image de la communauté haïtienne aux yeux de nombreux Montréalais.

Marché Méli-Mélo

Extérieur du Marché Méli-Mélo
Twofoodphotographers
En Haïti, les casse-croûtes sont de petits restaurants où l’on mange sur le pouce. La nourriture y est peu couteuse, savoureuse et copieuse. Ce sont aussi des lieux de rencontres et d’échanges, où l’on s’informe autant de ce qui se passe dans le quartier que de politique. Au début des années 1980, forts du soutien d’une communauté haïtienne bien implantée à Saint-Michel, Rivière-des-Prairies et Montréal-Nord, plusieurs casse-croûtes ont ouvert dans ces quartiers. Les plus célèbres se nomment Marché Griot Lakay, Michelange ou encore Chez Adam.

Lorsqu’en 1984, la joaillerie dans laquelle travaillait Jean-Michel Baptiste ferme, il choisit de se lancer, avec son ami Jean-Marie Toussaint, dans le secteur du commerce alimentaire. Lors d’une rencontre avec le Centre d’histoire de Montréal en 2016, M. Baptiste a raconté que selon lui, l’émergence des gangs de rues, la crise des taxis en 1982-1983, le scandale du sida et de la Croix-Rouge avaient stigmatisé la communauté haïtienne aux yeux de nombreux Montréalais. M. Baptiste décide alors de changer les choses à son niveau en choisissant d’ouvrir son commerce, le Marché Méli-Mélo, dans la rue Jarry. Il faut savoir que le quartier était alors loin d’être aussi multiculturel qu’aujourd’hui. À ses débuts, l’épicerie était bien plus petite et, les premiers jours, les clients se faisaient rares. Puis, petit à petit, des Haïtiens, venus des quartiers nord et d’ailleurs, commencent à former le noyau dur de la clientèle. Les gens du quartier, quant à eux, regardent par la vitrine; curieux, certains passent même le pas de la porte et repartent avec du piment en poudre.

Un coup de pouce médiatique

Marché Méli-Mélo

Intérieur du Marché Méli-Mélo
Twofoodphotographers
En 1991, l’équipe de Méli-Mélo ajoute une partie restaurant (un casse-croûte, dirait-on dans la communauté) à son épicerie. Pour répondre à ce nouveau défi, M. Baptiste engage Manita, celle qu’il décrit comme la « meilleure cuisinière de Montréal ». Si quelques personnes du quartier viennent alors essayer ces nouveaux mets, la clientèle reste essentiellement haïtienne. Selon M. Baptiste, les choses ont réellement commencé à changer le jour où Paul Toutant, un journaliste de Radio-Canada, est passé acheter un plat. En route pour le travail, il a son micro et en profite pour interviewer un habitué du restaurant, particulièrement enthousiaste. Dès le lendemain, les habitants du quartier se pressent chez Méli-Mélo pour y découvrir avec bonheur la banane plantain, la chiquetaille (chiktay), le lambi et le griot.

Depuis ce jour, M. Baptiste affiche bien haut les articles de tous les journaux, du Globe and Mail au Journal de Montréal, qui font l’éloge de son restaurant. La réputation du Méli-Mélo atteint alors des sommets aussi bien pour les gens du quartier que pour la communauté haïtienne de Montréal. Les clients qui y venaient une première fois repassaient très souvent avec des amis. Selon Dany Laferrière, cette épicerie aurait même contribué à rendre accessible la banane plantain dans les quartiers centraux de la ville. M. Baptiste se remémore les années suivantes au Marché Méli-Mélo avec un sourire, mentionnant pêle-mêle la réalisation d’un film de l’artiste et homme politique Maka Kotto ou les visites de Bernard Landry et de Michaëlle Jean.

Aujourd’hui, la clientèle est composée de Québécois de toutes origines, et M. Baptiste se plait à comparer son épicerie aux Nations Unies. On continue à y trouver de tout : des fruits et produits haïtiens, de la musique, des cierges et même des aphrodisiaques. Au mur, les articles de journaux affichés traitent aussi bien de l’augmentation du prix du riz au Québec que de l’élection de Barack Obama en 2008. La plus grande fierté de M. Baptiste est d’avoir contribué au changement de mentalité vis-à-vis de la communauté haïtienne pour tous les gens du quartier. Ces clients de toutes origines se rencontrent et se parlent aujourd’hui, sur fond de Kompa ou de Salsa. Pour cette raison, M. Baptiste affirme qu’il ne changerait ses voisins pour rien au monde.

Rédaction et recherche : Neal Santamaria.