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L’arrondissement de Saint-Laurent : au cœur de la vie libanaise à Montréal

24 août 2020

En 1979, trois immigrants libanais arrivés depuis peu à Montréal y ouvrent une modeste épicerie orientale. Quelques années plus tôt, un restaurant libanais avait été établi sur la même rue.

Famille Daou

Un homme et une femme, derrière le comptoir d’un restaurant.
Collection personnelle de la famille Daou.
La guerre du Liban, qui se déclare en 1975, pousse plusieurs Libanais à fuir leur pays. Les frères Jamil et Élie Cheaib ainsi que leur ami Georges Ghrayeb arrivent à Montréal dans ce contexte à la fin des années 1970. Les trois hommes s’associent en 1979 et deviennent propriétaires d’une petite épicerie, située sur la rue Faillon au coin de la rue Lajeunesse, qu’ils nomment Marché Adonis. Ils y vendent des produits alimentaires qu’ils trouvaient au Liban. Pionniers d’une tendance qui changera les habitudes alimentaires de beaucoup de Québécois, les frères Cheaib s’investissent dans le marché du commerce alimentaire ethnique et des produits moyen-orientaux.

Alice Daou et son mari Nehme sont arrivés du Liban au début des années 1970 pour rejoindre des membres de leur famille qui habitaient dans la ville depuis les années 1950. À deux pas de la future épicerie Adonis, sur la même rue, le couple Daou a ouvert le restaurant qui porte son nom en 1975 et a ainsi révélé la cuisine libanaise à tout le voisinage. Alors qu’il était homme d’affaires au Liban, Nehme Daou a eu envie de faire découvrir la délicieuse cuisine d’Alice aux Montréalais. Tout près d’eux, dans le quartier, se trouvaient des églises fréquentées par la communauté libanaise. Si ce sont d’abord surtout des clients libanais qui fréquentent le restaurant, il se fait rapidement connaître dans tout le quartier et subit trois agrandissements au fil du temps.

De la rue Faillon à la ville de Saint-Laurent

Marché Adonis

Façade d’un magasin Adonis.
Marché Adonis
Quelques années après l’ouverture de leur petit commerce du quartier Villeray, la popularité de l’épicerie Adonis pousse les propriétaires à se relocaliser en 1984 sur le boulevard de l’Acadie dans un espace plus grand de la ville de Saint-Laurent, devenu aujourd’hui l’arrondissement de Saint-Laurent. L’épicerie porte déjà le nom de Marché Adonis. Le cœur du quartier, surnommé affectueusement « Saint-Liban », bat au rythme de la communauté libanaise qui s’y est installée depuis la fin des années 1970. Afin de s’approvisionner plus facilement en marchandises orientales, les propriétaires des Marchés Adonis se dotent de l’entreprise d’importation privée Phoenicia en 1994. Ils peuvent ainsi importer des produits orientaux directement du Liban. Quatre ans plus tard, ils acquièrent la marque Cedar, qui propose des produits alimentaires orientaux en Amérique du Nord. Leur cousin, Raymond Cheaib, fonde la boulangerie Andalos en 1991, qui s’installe sur le boulevard Lebeau.

C’est aussi dans ce quartier qu’en 1994, Alice et Nehme Daou ouvrent leur deuxième restaurant sur le boulevard Marcel-Laurin. Habitant avec leurs quatre filles à Cartierville, ils ont envie de proposer un deuxième restaurant plus près de chez eux à la communauté libanaise qui grandit à Saint-Laurent. En créant ses restaurants, Nehme Daou espère qu’il aura le plaisir d’y travailler avec ses filles, et ce désir se matérialise au fil des années, jusqu’à son décès en 2001. Aujourd’hui, plusieurs de ses petits-enfants travaillent aussi dans ses restaurants.

La présence libanaise à Saint-Laurent

Festival culturel libanais

Trois hommes se tiennent devant des objets exposés. Derrière, une affiche du Marché Adonis.
Archives de l’arrondissement de Saint-Laurent. 3419.017.
À partir des années 1980, la ville de Saint-Laurent connaît une très forte croissance de sa population immigrante globale. Dès la fin des années 1970, de nombreux immigrants nés au Liban y élisent domicile. Plusieurs restaurants, une librairie du Moyen-Orient et des commerces orientaux s’y installent aussi. Des associations, comme l’organisation bénévole le club Lions Montréal-Liban, s’y réunissent alors que des événements culturels, tels que les Nuits libanaises de Montréal se tiennent à la salle Émile-Legault du cégep Saint-Laurent. La résidence pour personnes âgées Les Cèdres, destinée aux personnes âgées chrétiennes originaires du Moyen-Orient, déménage dans l’arrondissement en 2001. Fondée en 1955, sous l’impulsion de la Société d’aide des dames syriennes, la résidence était auparavant située sur le boulevard Gouin.

Les Libanais demeurent le groupe immigrant majoritaire à Saint-Laurent au courant des années 2000. En 2016, 5075 habitants de Saint-Laurent sont nés au Liban. Ils représentent alors 9,7 % des habitants de l’arrondissement. C’est là où ils sont les plus nombreux à Montréal : on y trouve 29,4 % des immigrants nés au Liban de la ville. En 2008, la Ville inaugure la rue Khalil Gibran, en hommage au célèbre poète libanais. Le recensement de 2016 révélait que les immigrants libanais s’installent aussi en grand nombre dans les arrondissements Ahuntsic-Cartierville, Côte-des-Neiges−Notre-Dame-de-Grâce, Pierrefonds-Roxboro et Ville-Marie.

Collaboration à la recherche et à la rédaction : Daisy Boustany.

Des commerces syro-libanais à Montréal au début du XXe siècle

Nuits libanaises de Montréal

Sept artistes vêtus d’habits traditionnels se trouvent sur une scène.
Archives de l’arrondissement de Saint-Laurent. P2366-012.

Le Marché Adonis n’est pas la première épicerie moyen-orientale à Montréal. Déjà à la fin du XIXe siècle, la communauté syro-libanaise est bien établie dans la ville. Plusieurs commerces moyen-orientaux s’implantent dans la rue Notre-Dame Est, le cœur de la vie communautaire jusque dans les années 1920. Parmi ceux-ci, l’épicerie d’Aboomsamra Kouri est fréquentée par la communauté syro-libanaise de l’époque. Arrivé à Montréal vers la fin des années 1880, cet immigrant syro-libanais ouvre un premier commerce quelques années plus tard. En 1904, son épicerie se situe à l’angle des rues Bonsecours et Notre-Dame. À sa mort, en 1934, ses enfants prennent la relève.

Références bibliographiques

ABU-LABAN, Baha. « The Lebanese in Montreal », The Lebanese in the World: a Century of Emigration, Londres, The Center for Lebanese Studies, 1992, p. 227-242.

AOUN, Sami, et Sani MADI. « La communauté libanaise au Québec, appel de liberté et quête de l’excellence », Histoire d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université de Québec, 2014, p. 197-213.

DUHAMEL, Pierre. « Immigrants de choc », L’Actualité, 5 décembre 2007.
http://www.lactualite.com/lactualite-affaires/immigrants-de-choc/

MARCHÉ ADONIS. « Notre histoire ».
https://www.groupeadonis.ca/a-propos/notre-histoire

VILLE DE MONTRÉAL. DIVISION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET INSTITUTIONNELLES. Portraits démographiques. Coup d’œil sur les immigrants nés au Liban, Montréal, mai 2019.
http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/MTL_STATS_FR/MEDIA/
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VILLE DE MONTRÉAL. Profil sociodémographique − Arrondissement de Saint-Laurent, Montréal, Montréal en statistiques, 2018.
http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/MTL_STATS_FR/MEDIA/
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VILLE DE MONTRÉAL. DIVISION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET INSTITUTIONNELLES. Portraits démographiques. Répartition spatiale des immigrants dans la RMR de Montréal, Montréal, mars 2010.
http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/mtl_stats_fr/media/docu...

ABOUD, Brian. Recherches et textes pour l’exposition temporaire Min Zamaan — Depuis longtemps, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 10 octobre 2002 au 8 juin 2003.