L'encyclopédie est le site du MEM - Centre des mémoires montréalaises

L’immigration libanaise à Montréal depuis 1940

02 juin 2017

À partir des années 1960, la présence libanaise se diversifie et s’intensifie à Montréal, qui, 40 ans plus tard, compte la plus forte population originaire du Liban au Canada.

Des immigrants de la Grande Syrie géographique s’établissent à Montréal dès la fin du XIXe siècle. Entre 1882 et 1940, c’est une communauté syro-libanaise de quelques milliers de personnes qui s’installe dans la ville. Cette première vague est surtout constituée d’immigrants chrétiens dont plusieurs proviennent de la région du Mont-Liban.

Les grandes vagues d’immigration libanaise après 1940

Libanais - Joseph Khoury

Homme dans les gradins du stade olympique.
Collection personnelle de Christiane Khoury

Une deuxième vague d’immigrants libanais arrive à Montréal entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1975, mais celle-ci ne s’intensifie vraiment que dans les années 1960. Il faut comprendre que, à partir de 1930, les Libanais sont considérés par l’immigration canadienne comme des ressortissants asiatiques et que des mesures très strictes régissent leur immigration. Ces mesures s’assouplissent pour les Syriens, les Libanais et les Arméniens à partir de 1949, avant d’être complètement levées en 1962. Si la première vague d’immigration vers Montréal était surtout chrétienne, la deuxième vague comprend des Libanais de confessions musulmanes chiite et sunnite, ainsi que des Druzes. Les émigrants libanais quittent leur pays pour diverses raisons : certains immigrent pour des raisons politiques, personnelles ou pour rejoindre leur famille. D’autres souhaitent trouver de meilleures conditions de vie ou du travail. Entre 1946 et 1973, le Canada accueille 12 445 personnes de nationalité libanaise. Une grande partie d’entre elles s’établissent à Montréal.

Joseph Khoury au Liban

Douze amis sur la montagne, au Liban.
Collection personnelle de Christiane Khoury
Une troisième vague d’immigration libanaise arrive dans la ville à partir de 1975, à la suite du début de la guerre du Liban. Des mesures spéciales sont adoptées par le gouvernement canadien pour faciliter la venue des réfugiés au Canada en 1976, ce qui a des conséquences importantes sur l’immigration libanaise au pays. Les migrants libanais qui s’installent à Montréal alors fuient la guerre qui sévit dans leur pays. Ils sont chrétiens, musulmans ou druzes. Une première cohorte gagne la métropole entre 1975 et 1980, alors qu’une seconde cohorte arrive entre 1986 et 1991. Cette vague compte plusieurs milliers de migrants. Bien qu’en moins grand nombre, des immigrants libanais continuent à s’établir à Montréal après la fin de la guerre dans les années 1990 et 2000. En 2006, 42,6 %, de la population immigrante canadienne née au Liban habite dans la région métropolitaine de recensement de Montréal, qui comprend Montréal et ses banlieues. Cela représente 32 090 personnes alors que la région en recensait 26 470 en 1996. Tant en 1996 qu’en 2006, la métropole québécoise est la ville canadienne qui compte le plus grand nombre d’habitants d’origine libanaise.

Identités plurielles

Festival libanais

Près d'une centaine de personnes rassemblées pour une photo. Certain d'entre eux tiennent des drapeaux du Liban
Festival Libanais
La communauté libanaise de Montréal s’exprime à travers différentes institutions qui témoignent de la diversité religieuse et culturelle qui existe au sein de ce groupe. Les lieux de cultes et associations religieuses jouent un rôle important dans l’organisation communautaire libanaise. La cathédrale melkite Saint-Sauveur, la cathédrale maronite Saint-Maron, l’association druze ainsi que plusieurs mosquées comptent parmi les nombreux lieux de cultes et associations religieuses qui desservent la communauté libanaise de Montréal. Si ces groupes religieux jouent un rôle important dans l’accueil des immigrants libanais à Montréal, de nouvelles associations non confessionnelles émergent aussi. En 2008, l’association non confessionnelle Tollab est créée, elle regroupe les étudiants d’origine libanaise de Montréal et favorise leur insertion professionnelle dans la ville.

Au-delà des appartenances religieuses diverses, les membres de la communauté libanaise de Montréal partagent des valeurs familiales fortes qui sont gardiennes de leurs traditions au sein de la société montréalaise. Ces traditions sont mises de l’avant lors du Festival Libanais qui regroupe chanteurs et danseurs folkloriques, et dont la programmation est centrée sur le thème de la famille. Tenu au parc Marcelin-Wilson à Montréal pendant ses premières années, le festival se déroule à Laval en 2014, 2015 et 2016.

Syro-Libanais, Syriens ou Libanais?

Bien qu’ils s’identifient eux-mêmes surtout à leur village d’origine, les immigrants arabophones qui arrivent à Montréal avant 1940 sont souvent désignés par l’expression Syro-Libanais. À la fin du XIXe siècle, le Liban actuel fait partie de la province ottomane de la Grande Syrie. En 1920, le territoire qui correspond au Liban se trouve sous protectorat français et prend le nom de « Grand Liban ». Les identités ethniques ne sont pas fixes : les immigrants en provenance de cette région sont identifiés comme Syriens, Syro-Libanais, Arabes ou Turcs. L’indépendance du Liban est proclamée le 22 novembre 1943. Il faut attendre 1955 pour que les immigrants en provenance de la République libanaise puissent se définir comme Libanais sur les formulaires gouvernementaux canadiens.

Daleth, une œuvre publique en l’honneur de la communauté libanaise

Afin de commémorer 125 ans de présence et de culture libanaises à Montréal, la Ville de Montréal lance un concours d’art public à la demande de l’Union culturelle libanaise mondiale au printemps 2009. Le sculpteur Gilles Mihalcean remporte ce concours avec son œuvre Daleth. La sculpture évoque la traversée vers Montréal et l’implantation libanaise dans la ville. L’œuvre est inaugurée le 18 juin 2010 dans le parc Marcelin Wilson pendant le Festival Libanais, qui se tient au même endroit. Située dans l’arrondissement Ahustsic-Cartierville à la limite de l’arrondissement de Saint-Laurent, l’œuvre s’élève dans un quartier où les Libanais habitent en grand nombre. À eux seuls, ces deux arrondissements comprenaient 43,9 % de la population d’origine libanaise de Montréal en 2006.

Références bibliographiques

ABDELHADY, Dalia. The Lebanese Diaspora. The Arab Immigrant Experience in Montreal, New York and Paris, New York, New York University Press, 2011, 231 pages.

ABOUD, Brian. « Re-Reading Arab World-New World Immigration History: Beyond the Prewar/Postwar Divide », Journal of Ethnic and Migration Studies, vol. 26, no 4, p. 653-673.

ABOU, Sélim. Contribution à l’étude de la nouvelle immigration libanaise au Québec, Québec, Université Laval, 1977, 53 pages.

ABU-LABAN, Baha. « The Lebanese in Montreal », The Lebanese in the World: a Century of Emigration, Londres, The Center for Lebanese Studies, 1992, p. 227-242.

AOUN, Sami, et Sani MADI. « La communauté libanaise au Québec, appel de liberté et quête de l’excellence », Histoire d’immigrations au Québec, Québec, Presses de l’Université de Québec, 2014, p. 197-213.

EID, Paul. Being Arab. Ethnic and Religious Identity Building Among Second Generation Youth in Montreal, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2007, 255 pages.

FORTIN, Sylvie. La migration libanaise à Montréal, Montréal, Éditions Saint-Martin, 2000, 127 pages.

POLO, Anne-Lise, Marthe THERRIEN et Micheline LABELLE. Vie associative et ethnicité. Le discours de leaders d’origine libanaise de la région de Montréal, Montréal, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal, 1993, 96 pages.

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION ET DES COMMUNAUTÉS CULTURELLES. DIRECTION DE LA RECHERCHE ET DE L’ANALYSE PROSPECTIVE DU QUÉBEC. Portrait statistique de la population d’origine ethnique libanaise recensée au Québec en 2006, [En ligne], 2010.
http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/publications/fr/diversite-ethn...