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La consommation d’alcool et le trafic de drogue à Montréal (1940-1960)

09 septembre 2019

Dès les années 1920, le contraste entre les règlementations québécoise et américaine en matière d’alcool vitalise l’économie de Montréal, mais aussi les trafics illicites et le crime organisé.

Alcool et trafic de drogues

Alcool et trafic de drogues

Durée : 7 min 42 s

Montage réalisé dans le cadre de l’exposition Scandale! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 15 novembre 2013 au 2 avril 2017.

Intervenants : Karen Herland, Anouk Bélanger, Marcelle Valois-Hénault, Mathieu Lapointe, Francine Grimaldi, Anne Rockhead, William Weintraub, Réal Beauchamp, Gilles Latulippe, Armand Larrivée Monroe, Scarlett James, Jean-Pierre Charbonneau, André Cédilot.

Réalisation : 
Antonio Pierre de Almeida

Ville portuaire et ferroviaire de première importance, Montréal est l’un des plus grands carrefours de circulation de personnes et de marchandises en Amérique du Nord. Cette situation favorable au commerce en fera aussi une porte d’entrée privilégiée pour les trafics illicites de toutes sortes.

Le commerce et la consommation d’alcool

Alcool (Scandale)

Des hommes, certains avec des appareils photo, se tiennent à droite de l’image et regardent deux autres hommes déplacer un gros baril. Le reste de la pièce est rempli de barils.
Société des alcools du Québec. 2-083.
La prohibition de l’alcool qui sévit aux États-Unis de 1920 à 1933 donne une impulsion inégalée à Montréal, qui bénéficie de lois locales beaucoup plus souples. Après la Première Guerre mondiale, durant laquelle le Canada a fait l’expérience de la prohibition, le gouvernement québécois est le premier à opter pour la règlementation du commerce de l’alcool en mettant sur pied la Commission des liqueurs, en 1921. C’est cette société, ancêtre de la Société des alcools du Québec (SAQ), qui contrôlera la vente et la distribution des vins et spiritueux. On y voit une solution modérée, plus conforme aux libertés individuelles et à l’idéal catholique de tempérance, et qui tranche avec le puritanisme américain qui a inspiré la prohibition. Le contraste entre la liberté québécoise et la stricte règlementation américaine va amener des congressistes et des touristes par milliers à Montréal, ce qui contribue largement à la vitalité de sa nightlife en plus de lui donner sa réputation de ville des plaisirs.

Même si la consommation d’alcool est règlementée, le désir de fêter sans arrêt l’emporte. Les heures d’ouverture sont souvent bafouées, et les débits de boissons clandestins, surnommés blind pigs et speakeasies, se multiplient, constituant un arrêt obligé pour bien des noceurs après la fermeture des établissements licenciés.

Durant et après la Deuxième Guerre mondiale, la hausse constante de la consommation d’alcool suscite l’inquiétude des autorités religieuses et sanitaires. On s’alarme de l’essor de l’alcoolisme, de ses conséquences pour les familles ouvrières (ruine, violence, négligence parentale), et des ligues de citoyens demandent une meilleure application des règlementations existantes. Dans ce contexte, une véritable petite panique s’installe au sujet des « grills », un nouveau type d’établissement au statut juridique mal défini, où filles et garçons se rencontrent et boivent en dehors de l’heure des repas, et ce, sans supervision. Un prélude assuré à toutes les débauches selon certains.

Le trafic de drogue

Port de Montréal, 1963.

Vue sur le port de Montréal à partir de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. À gauche, on peut voir le pont Jacques-Cartier.
Archives de la Ville de Montréal. VM094-A0126-013.
Quant aux drogues illégales, elles sont moins présentes qu’aujourd’hui dans les bars et les clubs. Leur consommation, peu importe le type, n’est pas encore très répandue. Il n’empêche que le trafic de stupéfiants existe bel et bien depuis longtemps à Montréal. Dominé au début du XXe siècle par l’opium, le trafic se développe ensuite autour de la morphine, de l’héroïne, de la cocaïne et du cannabis. Dès les années 1930, la police met au jour des réseaux internationaux entre la France, Montréal et New York impliquant des gangsters montréalais, comme Harry Davis, qui sera condamné à la prison, à des amendes et au fouet (!) pour trafic de drogue en 1933. Vers 1950, le trafic d’héroïne prend un nouvel essor dans la métropole alors que Vic Cotroni s’associe aux frères Martin, des Corses liés à la pègre marseillaise qui possèdent un réseau de contacts internationaux. Notamment grâce à son caractère français, Montréal devient un important maillon de la French Connection et une plaque tournante du trafic international d’héroïne.

Ce texte de Mathieu Lapointe est tiré du livre Scandale! Le Montréal illicite 1940-1960, sous la direction de Catherine Charlebois et Mathieu Lapointe, Montréal, Cardinal, 2016, p. 95-97.

Références bibliographiques

CHARLEBOIS, Catherine, et Mathieu LAPOINTE (dir.). Scandale! Le Montréal illicite, 1940-1960, Montréal, Cardinal, 2016, 272 p.

DE CHAMPLAIN, Pierre. Histoire du crime organisé à Montréal de 1900 à 1980, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2014, 502 p.

CHARBONNEAU, Jean-Pierre. La filière canadienne, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2002, 597 p.

PRÉVOST, Robert, et autres. L’histoire de l’alcool au Québec, Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, 1986, 239 p.