Immigrant de Syrie au début du XXe siècle, Georges Farah-Lajoie entre dans la police montréalaise en 1906. Il devient graduellement un véritable personnage et, pour certains, un héros.
Georges Farah-Lajoie - famille vers 1913
Immigrant syrien originaire de Damas, Georges Farah est arrivé à Montréal vers 1900, à l’âge de 24 ans. Il a étudié dans un collège français à Jérusalem où il a traduit son nom Farah de l’arabe au français, devenant ainsi Georges Farah dit Lajoie. Il se marie en 1902 avec une Canadienne française, Marie-Anna Chartré. Lorsqu’il meurt en mars 1941, à l’âge de 65 ans, il laisse dans le deuil, outre sa femme, cinq fils et deux filles.
Détective de la Sûreté de Montréal
Georges Farah-Lajoie - coupure de journal
Georges Farah-Lajoie était un enquêteur compétent qui a résolu de nombreuses affaires criminelles au cours de sa carrière. Graduellement, il est devenu un véritable personnage. Plusieurs de ses exploits et de ses actes de bravoure ont été couverts par la presse aussi bien francophone qu’anglophone. Les journaux le décrivent comme l’un des meilleurs détectives de la ville. La Presse titre « La bravoure d’un policier », on y apprend que : « Le constable syrien Georges Farah dit Lajoie du poste no 3, coin Ontario et Beaudry, vient de se signaler de nouveau en accomplissant un exploit vraiment héroïque. » Il sauve en effet une fillette « qui allait être impitoyablement broyée sous les roues d’une voiture électrique ». Un article dans un journal de langue anglaise de l’époque fait de lui « a man whom criminals fear », un homme que craignent les criminels.
L’affaire Delorme
Georges Farah-Lajoie - affiche annonçant le livre
L’affaire commence au matin du 7 janvier 1922 quand un corps est trouvé dans la neige dans le quartier Snowdon, à Montréal. Le sergent-détective Farah-Lajoie se voit confier la direction de l’enquête. Le corps est celui de Raoul Delorme, un étudiant en commerce et benjamin d’une famille aisée de la rue Saint-Hubert. Quelques jours plus tard, l’enquête de Farah-Lajoie l’amène à conclure que Delorme a été assassiné par son frère, l’abbé Adélard Delorme, un prêtre catholique ayant la réputation de mener grand train. Ce dernier est donc accusé de meurtre sur la base des preuves recueillies par Farah-Lajoie. L’accusation suscite évidemment la controverse, certains n’acceptant pas que l’on accuse de meurtre un prêtre de l’Église catholique romaine.
Georges Farah-Lajoie
Farah-Lajoie démis de ses fonctions
Farah-Lajoie poursuivit sa carrière de détective jusqu’à la fin des années 1920. Un journal anglophone du 10 décembre 1929 nous apprend que Georges Farah-Lajoie réclame une pension de 330 $ pour 22 années de service dans la police montréalaise. Il aurait été démis de ses fonctions en 1927, après s’être présenté aux élections municipales pour devenir conseiller de Ville-Marie. Dans sa plateforme électorale, il prévoyait entre autres choses une réorganisation du service de police, ce que ses supérieurs n’auraient pas apprécié. Espérant être réintégré dans ses fonctions, Farah-Lajoie aurait donné des explications à ses supérieurs qui semblaient les satisfaire, mais on le renvoie finalement le 19 décembre parce que, après un examen médical, il aurait été jugé inapte au service. La ville refuse aussi de lui verser une pension. Il travaille ensuite à son compte comme détective privé. En 1939, il est agent spécial attaché au bureau du Procureur général à Montréal.
À sa mort, à 65 ans, les exploits passés de Georges Farah-Lajoie sont à nouveau relatés dans les journaux, comme ce complot qu’il a déjoué seul et de sa propre initiative au moment du Congrès eucharistique de 1910, empêchant ainsi la destruction du maître-autel érigé sur les flancs du mont Royal. Il laisse le souvenir d’avoir été, comme l’écrit un quotidien francophone, « l’un des plus brillants limiers qu’ait connus [Montréal] ».
Cet article a été réalisé à partir des recherches et des textes de Brian Aboud, rédigés pour le Centre d’histoire de Montréal, dans le cadre de l’exposition temporaire Min Zamaan — Depuis longtemps, présentée au Centre d’histoire de Montréal du 10 octobre 2002 au 8 juin 2003. Il est paru dans le numéro 44 du bulletin imprimé Montréal Clic, publié par le Centre d’histoire de 1991 à 2008.
FARAH-LAJOIE, Georges. Ma version de l’affaire Delorme, Toronto, Central News, 1922, 105 p.
DANSEREAU, Dollard. Causes célèbres du Québec, Saint-Lambert, Sedes, 1990. 227 p.
FORTIN, Sylvie. Destins et défis : la migration libanaise à Montréal, Montréal, éditions Saint-Martin, 2000, 127 p. (Collection Pluriethnicité-santé-problèmes sociaux).
MONET, Jean. La soutane et la Couronne. Le procès du siècle : l’affaire Delorme, Saint-Laurent, éditions du Trécarré, 1993. 218 p.